8 700 personnes interrogées dans plus de 6 000 foyers… 1 300 pages de résultats accessibles au grand public via ce site… L’Enquête Mobilités récemment menée en Indre-et-Loire est précieuse parce que c’est une photographie HD de nos déplacements dans le département. Elle permet d’évaluer précisément le poids de la voiture, du vélo, des transports en commun ou de la marche à pied. Mais aussi les évolutions depuis la dernière étude similaire menée en 2008. Voici ce qu’il faut en retenir…
L’enquête dont on parle dans cet article a coûté 500 000€. Elle a été commandée par le Syndicat des Mobilités de Touraine qui regroupe les 22 communes de Tours Métropole (Tours, Joué, La Riche mais aussi La Membrolle, Mettray, Villandry…) auxquelles s’ajoutent Vouvray, La-Ville-aux-Dames et Vernou-sur-Brenne. Plus de 300 000 personnes vivent dans cette agglomération définie comme « autonome » dans le dossier qui résume les résultats collectés. Cela signifie que dans 91% des cas, les déplacements effectués par les habitants se font à l’intérieur des frontières du territoire. On va de Savonnières à Tours, de Saint-Pierre-des-Corps à Chambray, de Tours-Nord à Tours-Centre, de Vouvray à Joué… Mais très peu de La Riche à Chinon ou de Fondettes à Cormery.
11% des personnes interrogées ne sortent pas de chez elles
Pour obtenir ces données, les interviews ont eu lieu entre janvier et mai 2019. Voici la méthode employée : un questionnaire sur les habitudes générales de déplacement et un deuxième sur les sorties effectuées dans les 24 dernières heures que ce soit pour le travail, les courses ou les loisirs. Il est donc autant question des trajets entre le domicile et le bureau que d’un petit tour pour chercher une baguette de pain. C’est utile de le préciser et voici pourquoi :
- En moyenne il y a 2,2 millions de déplacements par jour dans le département d’Indre-et-Loire qui regroupe 600 000 personnes, 1,2 million dans les 25 communes de la grande agglo de Tours (+4,5% par rapport à 2008)
- Chaque Tourangelle, chaque tourangeau, se déplace en moyenne 4 fois par jour
- 11% des personnes interrogées ne sortent pas du tout et ce chiffre a augmenté depuis la dernière enquête de 2008 ; chez les plus de 75 ans c’est carrément une personne sur 3 qui ne sort pas de chez elle (cela inclut, bien sûr, celles qui sont en maison de retraite)
- Dans le même temps, 14% de la population tourangelle effectue plus de 7 déplacements par jour, et forme ce qu’on appelle le groupe des hypermobiles. Leur nombre est également en augmentation ; il s’agit en majorité de personnes qui ont entre 25 et 49 ans
Une fois que l’on sait ça, on peut regarder les chiffres plus en détails… Quand on vit dans l’agglo de Tours on passe en moyenne une heure par jour à se déplacer et on parcourt une vingtaine de kilomètres soit l’équivalent de la distance entre Villandry et la gare de Tours. Ça, c’est le cumul sur une journée. Quant au trajet type, il est en moyenne de 5km pour une durée de 18 minutes soit une vitesse d’environ 17km/h. A titre de comparaison, c’est quasiment la vitesse moyenne d’un bus ou du tram sur le réseau Fil Bleu.
Parmi les autres données à retenir :
- 58% des déplacements font moins de 3km
- 45% ont lieu pendant les heures de pointe (7h-9h, 16h-19h)
Mais alors comment on s’y prend quand on a besoin de se déplacer ? Voiture ? Vélo ? Marche ? Transports en commun ? Il est là le grand intérêt de l’étude. « Cela nous permet de valider ou d’invalider les dispositifs mis en place » résume Christophe Boulanger, vice-président de Tours Métropole en charge des questions de transports. Autrement dit si la construction d’une ligne de tram est pertinente ou si les axes routiers sont adaptés au trafic qu’ils doivent absorber. Si 83% des habitants ont leur permis de conduire, 25% des ménages ne possèdent pas de voiture. Un quart des habitants ont un abonnement de transports en commun (Fil Bleu, Rémi, SNCF…) et 40% se considèrent comme cyclistes, au moins de manière occasionnelle.
Il y a de plus en plus de foyers qui vivent sans voiture
Maintenant on va regarder le détail… On disait que dans la grande agglo de Tours le trajet moyen était de 5km. 68% des déplacements de 3 à 5km se font en voiture, 20% en transports en commun, 5% à vélo. De façon assez logique, plus la distance est longue, moins on utilise ses pieds : la marche représente 86% des déplacements de moins de 500m, on tombe à 60% s’il faut parcourir entre 500m et 1km (31% en voiture sur cette distance), 41% de marche entre 1 et 2km, 18% quand il s’agit de faire entre 2 et 3km.
Ce qui est dommage, c’est que l’enquête ne précise pas pourquoi un mode de déplacement a été préféré à un autre. On ne peut pas dire précisément pourquoi une personne sur 3 prend sa voiture pour un trajet qui demande seulement 10 minutes à pied (flemme de marcher ? Handicap ? Ce déplacement court n’est qu’une étape avant un autre trajet ?). Il y a tout de même deux chiffres qui sont éclairants sur l’hégémonie de l’automobile dans le cœur du département d’Indre-et-Loire : quand on prend la route en voiture, c’est en solo dans 75% des cas et même dans 99% des cas quand il s’agit d’un trajet professionnel. Ce qui fait dire à l’élu Christophe Boulanger que « la cible ce n’est pas la voiture mais l’autosolisme. Il y a un travail à mener là-dessus. » Pour encourager le covoiturage ou convaincre conductrices et conducteurs de se reporter vers d’autres modes de transport plus écologiques (et moins susceptibles d’entraîner des bouchons).
Faut-il pour autant conclure que la voiture est reine dans l’agglo de Tours ? Ce serait beaucoup trop simpliste et assurément faux. Trois exemples :
- Le nombre de foyers sans auto a progressé entre 2008 et 2019 (on en compte aujourd’hui 34 200 sur les 25 communes du territoire)
- En 2008 on comptait 117 voitures pour 100 foyers… 11 ans plus tard c’est 108
- En 2008 56,9% des déplacements étaient réalisés en voiture… 11 ans plus tard ce chiffre est tombé à 52,5%
Dans le même temps, de 2008 à 2019, le nombre de déplacements effectués en marchant a progressé passant de 30% à 31,7%… On prend aussi plus les transports en commun qui correspondent à 10,5% des trajets effectués soit quasi 3 points supplémentaires, « ce qui illustre l’impact du tram et valide notre priorité d’investir pour une deuxième ligne » se réjouit le vice-président de la Métropole. Il y a donc moins de voitures sur nos routes… mais encore trop ? « Ce n’est pas normal qu’on ait un taux de déplacements en auto aussi élevé sur des trajets aussi courts » conclut Christophe Boulanger quand il prend en compte toutes les données de l’enquête.
Ce qui nous amène à aborder la question du vélo… 3,8% de déplacements dans l’agglo en 2008… 3,3% en 2019. En baisse alors que c’est présenté comme pratique et écologique… On roule même aussi vite à vélo qu’en voiture : environ 11km/h selon les données de l’enquête mobilités. Là, c’est le manque d’infrastructures dédiées qui semble pêcher. Un chantier dans lequel les dirigeants locaux comptent bien s’engager en relevant un intérêt croissant pour ce mode de transport depuis la crise du coronavirus qui risque de rebattre les cartes posées par cette étude : « On sait qu’il va y avoir une forme de défiance envers les transports en commun sur laquelle il va falloir travailler. On ignore également quel taux de télétravail va subsister demain » résume Christophe Boulanger pour déterminer les enjeux d’avenir. Une chose est sûre, il veut accélérer le mouvement. Pour passer sous la barre des 50% de trajets en voiture dans 10 ans ?
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