Régulièrement nous ouvrons nos pages à des Tourangeaux qui quittent leur ville pour diverses pérégrinations aux quatre coins de la France ou de la planète. Cette fois-ci c’est notre journaliste Laurent Geneix qui s’y colle !
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Tours-Le Mans, Le Mans-Rennes, Rennes-Brest. 6h12 de voyage. Rien que ça te donne le goût de la chose : tu choisis tes journaux et tes bouquins, tu te cales bien dans ton fauteuil et à chaque changement de train tu sens physiquement ta vie d’avant s’éloigner. Pas forcément besoin d’aller à 5.000 kilomètres.
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Associer une ville à un chanteur, d’abord à un chanteur. Au jeu des mots-clés réflexes quand on te dit «Brest», tu réponds «Port, bombardement, bout du monde, Miossec». Tu te dis que la vie est bien faite quand tu débarques pour la première fois dans cette ville et qu’à la descente de ton train c’est l’affiche vantant la sortie du nouvel album qui t’accueille.
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La gare de Brest est toute petite, mais c’est un chaleureux bijou d’architecture Art Déco, situé à 622 kilomètres du monstre froid Montparnasse. Un vrai nid d’aigle qui domine la rade de plusieurs dizaines de mètres, introduction sobre mais efficace à la ville.
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Ils n’ont pourtant rien demandé les Bretons… Mais qu’ont-ils fait pour mériter ça : la fausse bonne idée de la SNCF avec ses bornes «littéraires». «Bonne», car le côté distributeur de mots gratuits stratégiquement situé avec choix de la durée de lecture aurait pu révolutionner ce pays. «Fausse», car les deux textes sur lesquels nous sommes tombés étaient tellement consternants qu’ils feraient passer les fameux «romans de gare» d’antan pour des candidats acceptables à La Pléiade.
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Quand l’arrière de ton hôtel choisi par hasard en dix minutes sur internet ressemble au chantier du Haut de la Rue Nationale sauf que c’est pas un chantier.
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Le premier rade de la rade où tu entres, tu regardes la carte des bières et des vins et tu rigoles très fort : Loirette, Saint-Nicolas-de-Bourgueil, Chinon, Menetou-Salon… Du coup tu attaques dès le premier soir par un petit plateau de fruits de mer.
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Entre deux bars, deux restaurants ou deux hôtels, voici un mini Point Haut, ou un mini 37e Parallèle : voici Le Fourneau, l’un des 14 centres nationaux de création dédiés aux arts de la rue. A noter que le 11 août prochain, il reçoit la Compagnie Off pour «La Grande Parade», une création sur mesure des artistes tourangeaux.
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A quelques encablures de là, c’est une ville vallonnée qui s’offre dans une diversité d’ambiance et d’architectures assez hallucinante, d’un coin de rue à l’autre. Quand Tours apaise et endort, Brest secoue et te tient bien éveillé. Mouvement permanent concrétisé ici par la naissance du futur téléphérique urbain, travail d’équilibristes assez surréaliste, surtout quand tu vois la largeur du machin à traverser (la ligne de téléphérique fera 410m de long !).
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Evidemment quand tu es fan de Miossec, voir le Pont de Recouvrance pour la première fois de ta petite vie, c’est un peu comme fouler les Champs-Elysées quand tu es fan de Joe Dassin, ou manger dans un restaurant asiatique à Evreux quand tu es fan de Vincent Delerm (si, si, ça existe, les fans de Vincent Delerm, on en connaît – ndlr).
«Mais sur le pont de Recouvrance
Elle est si belle à voir
Que je pourrais encore je pense
M’arrêter un jour de boire
Pour l’embrasser sans offenses
Sans migraines, sans cafards
Mais rien ne se passe comme je le pense…»
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La Guerre matérialisée sobrement par cette signalétique au sol : pendant les bombardements de 1944 qui ont défiguré la ville, même cet abri conçu pour la population n’abritait plus personne.
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Une sculpture à l’entrée du Pont de Recouvrance.
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Voici un petit bout de la base navale de Brest, deuxième port militaire français après Toulon.
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Le Château de Brest a survécu au siège de l’été 1944. Merci Vauban. Un drapeau breton flotte vaillamment à l’entrée, ce qui a quand même une autre classe que quand il flotte à Terres du Son entre les mains d’un festivalier aviné (on peut dire «abiéré» ?).
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Bon, quart d’heure vieux schnock : ça faisait combien de temps ? Plus de vingt ans sans doute (le Vinyl Exchange à Manchester en 1995)… sans voir un aussi beau/grand/hallucinant disquaire. Ici c’est Dialogues Musiques et un étage entier d’environ 150m2 est entièrement consacré aux vinyles. Avec environ 2,70 % de daubes. Ressortir avec seulement le nouvel album de Miossec et réaliser que ton compte en banque a vraiment eu super chaud au cul.
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La librairie rue de Siam liée au magasin de disque pré-cité est à l’avenant : un paradis terrestre débordant de nourritures célestes, sur plusieurs niveaux et dans un lieu magique. Si le port de Brest est une espèce de ville dans la ville, ces deux lieux culturels le sont un peu aussi.
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Retour à l’hôtel et au port qui mélange délicieusement les genres, entre criées, hôtels un peu miteux, bâtiments industriels, hall of fame de marins célèbres et spacieux bars branchés plus ou moins glaciaux.
Un bout du monde, donc, dans les deux sens du terme.
Un degré en plus
> « On est quand même plus beaux vivants que morts». Miossec.