Le pitch : « Signes des Temps » ce sont des images chassées par notre journaliste Laurent Geneix dans les rues, les bâtiments et les chemins de la Touraine ; des traces laissées par l’Homme pour l’Homme, parfois très claires, parfois très floues, violentes, commerciales et/ou drôles, mais toujours signifiantes – que ce soit grâce à des mots, des dessins ou des symboles – et potentiellement visibles par tous.
Théo l’avait décroché finalement ce fameux rancard. Il avait ramé pendant des semaines, des mois même. Dans la cour du lycée, à l’entrée, à la sortie, à la récré. Sur Facebook, Instagram, Snapchat. Le samedi aprem en ville, à certaines soirées chez x ou y : chaque intervention envers Léa avait été millimétrée, réfléchie, soupesée, réalisée avec un soin chirurgical.
Cette longue cour discrète avait été un dédale sans fin de retenue, de calcul, de patience, de questionnement, d’hésitation (reine incontestée de la séduction), d’espoir, de découragement. Théo se languissait. Un regard, un geste, un adverbe, un emoticon, une esquisse de sourire : chaque signe émanant de la Belle était scruté, interprété, mis en perspective, puis ajouté ou non à l’escarcelle de l’espérance.
Et puis il y eut ce fameux sms un vendredi soir : «RV dimanche 11h, gare de Tours, voie J.» Théo en a chancelé de joie, tout tremblant il a passé les 36 heures suivantes à choisir sa tenue, à se jouer et se rejouer la scène, à pré-sélectionner les sujets de conversation, à mettre au frais deux ou trois blagues efficaces, à épuiser le profil Facebook de Léa, vitrine facile et magique, pour connaître sur le bout des doigts ses caprices, ses centres d’intérêt, ses causes d’énervement, ses photos, ses partages.
Il avait l’impression que toute sa vie était en jeu et que plus rien d’autre n’existait. Il avait fait le mort tout le samedi et était resté enfermé chez lui, ses parents ayant eu la très bonne idée de partir en week-end sans lui.
Après une courte nuit et une infinie matinée, il avait pris la direction de la gare avec pas mal d’avance. C’est en entrant dans le hall qu’il réalisa son erreur de débutant : en amour comme en course cycliste, il faut toujours aller repérer le terrain avant le jour J.
A 10h43, il était là, devant l’impossible, l’horreur, l’incompréhension : la voie I suivie de la voie K ! Il avait beau faire trois ou quatre fois le tour de la gare, se répéter à voix haute son alphabet, demander à différents agents SNCF : pas de voie J ! C’était à en devenir fou.
Léa avait dû se tromper de lettre, mais il n’osait pas faire le relou qui envoie un sms pour lui demander. 10h59, toujours personne. 11h01, rien. 11h09, ça commençait à sentir fort le gentil petit animal poilu à queue touffue qui mange des carottes. 11h12, un sms, enfin ! «Bah alors ? Je t’attends, rejoins-moi vite ! Léa.»
11h14 : l’ampoule s’alluma, Théo se souvint de Harry Potter et du quai neuf trois quarts.
Théo prit son élan et se jeta à corps perdu entre la voie I et la voie K. Et ce fut le début d’une grande aventure…
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