Signes des Temps #117 Tramway égaré route du Mans

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Le pitch : « Signes des Temps » ce sont des images chassées par notre journaliste Laurent Geneix dans les rues, les bâtiments et les chemins de la Touraine ; des traces laissées par l’Homme pour l’Homme, parfois très claires, parfois très floues, violentes, commerciales et/ou drôles, mais toujours signifiantes – que ce soit grâce à des mots, des dessins ou des symboles – et potentiellement visibles par tous.

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Ce matin-là, Jean-Bernard s’était levé de mauvais poil. Il avait moyennement bien dormi, notamment à cause de sa voisine du quatrième qui avait hurlé «grosse vache de merde !» à 0h23 à sa voisine du cinquième. Après un café réchauffé marron clair et une cibiche, il avait enfilé son manteau et avait rejoint à pied son poste dans un brouillard aussi épais dans les rues de Tours que dans son cerveau usé.

Après avoir badgé, salué Philippe, Aurélien, Romain et Nathalie, il s’était installé aux commandes de son tram qui devait partir à 6h58. Nuit noire, brume à découper à la scie sauteuse pour en faire des nuages, Jean-Bernard n’y voyait goutte. Mais l’avantage de conduire un tram par rapport à une bagnole c’est que tu n’as qu’à suivre les rails et qu’ils t’emmèneront tranquillement à destination. En théorie du moins.

Cela devait faire déjà dix bonnes minutes que Jean-Bernard roulait et il n’arrivait toujours pas à la station Vaucanson. Cela aurait dû l’interpeler, mais Jean-Bernard terminait tranquillement sa nuit et se refaisait le film de la soirée, durant laquelle il avait cuisiné des rognons de veau et un gâteau au praliné en prévision de son week-end en famille. Il avait passé deux heures en cuisine avec sa femme, en sirotant du Reuilly et en écoutant du Liszt.

Quand le jour a commencé à se lever, Jean-Bernard traversait des champs et des bois et il a réalisé qu’il y avait un os dans le potage et que ce matin ne serait pas un matin comme les autres. Il était maintenant 7h22 et il devait être déjà très loin de Tours, sans être passé par la moindre station, mais en ayant longé la Choisille, aperçu des vaches et des pêcheurs matinaux.

Pas paniqué pour deux sous (pas le genre de Jean-Bernard), il a stoppé sa machine le long d’une espèce de hangar, au bord de la route du Mans. Il est descendu, il a tout éteint et fermé les portes, puis il s’est allumé son deuxième clope de la journée. Il a réalisé que les rails s’arrêtaient là de toute façon, qu’il n’aurait pas pu aller plus loin.

Après avoir écrasé son mégot sur le parking, il s’est mis à faire du stop en direction de Tours. La 14e voiture s’est arrêtée et la jeune Lilou l’a déposé en haut de la Tranchée, d’où il a marché jusque chez lui, et puis il a décidé qu’il était sans doute préférable de retourner se coucher.

Aujourd’hui encore, on peut la voir, sa rame. Route du Mans, à quelques kilomètres au nord-ouest de Tours. A ce jour personne n’a encore pu expliquer ce qui s’était passé ce matin-là, entre 6h58 et 7h22.

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