Le pitch : « Signes des Temps » ce sont des images chassées par notre journaliste Laurent Geneix dans les rues, les bâtiments et les chemins de la Touraine ; des traces laissées par l’Homme pour l’Homme, parfois très claires, parfois très floues, violentes, commerciales et/ou drôles, mais toujours signifiantes – que ce soit grâce à des mots, des dessins ou des symboles – et potentiellement visibles par tous.
Peindre un grand merci sur le mur d’une fac en guise de déco, ou d’un lieu public en général : voilà un un geste simple et énigmatique. Merci à qui ? Merci à quoi ? C’est de la politesse gratuite comme on dit de la violence gratuite. «C’est pas de l’art, c’est de la déco». Mais on trouvera toujours des voix pour clamer que c’est de l’art.
Pas du street art, mais du corridor art alors, puisque ce panneau est apposé dans un sas entre la Fac de Lettres et Sciences Humaines et sa Bibliothèque Universitaire. Un lieu de passage sans recul et où chaque jour passent des centaines de personnes, beaucoup sans doute sans le voir.
Pourquoi là et pas ailleurs ?
Qui dit merci ? On dit merci qui ? Un merci sans destinataire, on nous apprend que c’est «merci mon chien», que c’est mal poli mais quand on dit vraiment merci à son chien est-ce qu’on est mal poli ?
Politesse muette, lumineuse, souveraine, sobre et puissante. Mot magique – cousin de « s’il te plaît » qui l’appelle comme un écho – comme on l’explique à l’enfant qui vient juste de recevoir un truc mais que l’adulte peut lui reprendre, histoire de le faire marcher et de l’éduquer un peu au passage. «Moi, je dis jamais merci, c’est une habitude bourgeoise» se targue le rebelle.
Un merci qui se dit tout seul, tout le temps, même quand la fac est fermée et vit sa vie sans étudiant ni professeur ni chercheur ni bibliothécaire ni femme de ménage ni secrétaire. Un merci qui se dit sans attendre qu’un être humain décide de le faire sortir de sa bouche pour une raison précise. Ou comment rendre non utile un truc inventé pour l’être. «C’est pas de l’art», vous disiez ?
Un «merci» lancé comme une bouteille à la mer, séparé de son amant régulier «au revoir» (mais si présent qu’on le devine presque). Ou alors un «merci» plutôt proche du «bonjour», salutation paisible provoquant instantanément la réflexion même chez le passant le plus pressé et le plus blasé. Le poids des mots, la magie de la décontextualisation.
De la matière linguistique brute à portée de tous comme une invitation à un atelier fictif, individuel ou collectif, quelques phonèmes à modeler pour s’ouvrir d’infinis horizons. Car c’est bien connu : au commencement était le verbe, et puis un mot en appelle un autre et on connaît la suite.
Et si ce verbe du commencement c’était «merci» ?
Un degré en plus
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