La réunion publique sur la rénovation de la place Châteauneuf dans le cadre du plan d’embellissement de la ville lundi soir a permis de lever le voile sur ce que sera demain cette place emblématique de la ville.
Le visage de la place Châteauneuf après rénovation (c) Ville de Tours
Place emblématique mais à l’urbanisme passéiste issu des 30 Glorieuses et d’une période où le “tout voiture” était la devise reine, la place Châteauneuf n’est au fond aujourd’hui qu’un vulgaire parking. Une esthétique loin des canons urbanistiques et environnementaux actuels. Pourtant cette place possède de nombreux atouts : l’Hôtel des ducs de Touraine, la salle Jean de Ockeghem, la tour Charlemagne, la vue sur la Basilique Saint-Martin… Autant d’éléments qui font dire à Brice Droineau, adjoint au maire de Tours en charge de la voirie et de l’espace urbain que cette place est “une des plus belles du centre historique”. Dans le projet municipal exit donc les voitures, les 45 places de stationnement étant supprimées, tandis que la circulation sera désormais limitée au seul sens Ouest-Est en venant de la place du Grand Marché, vouée elle aussi à une rénovation dans les années à venir.
Pour Brice Droineau qui mène le projet de rénovation de la place Châteauneuf, son embellissement va contribuer à lui donner un nouvel essor. “Nous voulons lui donner une ambiance à l’italienne, comme un square avec des bancs publics est des îlots de verdure”. Une ambiance qui colle au bâti l’entourant selon l’adjoint : “Il y aura des ferronneries qui sont déjà en partie présentes sur les balcons des immeubles ou en haut de certains porches, des pavés rappelant le tuffeau”.
Autre idée pour donner du cachet à cette place, l’implantation de la fontaine Beaune-Semblançay actuellement peu mise en valeur sur la place du même nom, face aux vestiges de l’ancien hôtel particulier. Une fontaine qui avait été détériorée il y a quelques années et qui nécessitera donc une restauration avec déplacement éventuel. Si la restauration sera normalement prise en charge par la DRAC (Direction Régionales des Affaires Culturelles), son déménagement devra être validé néanmoins par l’ABF (Architecte des Bâtiments de France). Pour Brice Droineau, l’installation de cette fontaine place Châteauneuf serait un beau symbole : ”C’est à l’étude et cela permettrait de la mettre en valeur et la rapprocherait de son lieu originel qui était place du Grand-Marché”.
La fontaine Beaune-Semblançay avant sa détérioration en 2012 (c) Mathieu Giua
Les travaux de rénovation de la place s’élèvent à 1,2 millions d’euros, financés en partie par la Région, Tour(s) Plus et la ville de Tours à hauteur de 625 000 euros. Une somme qui sortira du budget alloué au plan d’embellissement de la ville. Début des travaux prévus pour début 2017.
Une rénovation dont les raisons interrogent certains
Depuis quelques mois, les questions se faisaient discrètes mais étaient néanmoins présentes sur le rôle éventuel de Céline Ballesteros, adjointe au commerce de la ville de Tours, dans le dossier d’embellissement de la place Châteauneuf. En cause ? Le rachat de deux établissements place Châteauneuf par la famille Ettori, Jean-Luc et ses neveux, dont le premier est en couple avec Céline Ballesteros. Deux rachats successifs au moment même où la ville de Tours, dans le cadre de son plan d’embellissement, annonce vouloir rendre la place piétonne. Suffisant pour certains pour y voir une coïncidence douteuse.
Pourtant les neveux Ettori ne sont pas des inconnus sur la place Châteauneuf. Depuis 2014, Benjamin et Jean-Baptiste Ettori sont en effet déjà propriétaires du bar “A Torra”, la tour en corse. Une affaire aujourd’hui réputée, rachetée à l’époque par ceux qui venant de région parisienne cherchaient à s’installer à Tours là où leur oncle avait posé ses valises pour prendre la direction-déléguée du Tours FC. La place Châteauneuf étant alors moins chère qu’ailleurs, car moins porteuse avec son parking central, les deux Ettori achètent l’affaire et la font tourner avec succès. Une première affaire qui leur permet d’envisager plus loin. Cela passera par le rachat de “Chez Paulette” début janvier 2016 qu’ils reprennent avec leur oncle Jean-Luc pour en faire “Chez Tonton”, puis par une autre enseigne dans la foulée de l’autre côté de la place. Oui, mais seulement, coïncidence des dates : le 06 janvier dernier, le jour même où le rachat de “Chez Paulette” est officialisé d’après les statuts de la société des Ettori, Yves Massot – l’adjoint en charge notamment de la circulation et du stationnement – confirme à la presse le projet d’embellissement et de piétonnisation de la place Châteauneuf. De quoi faire naître une rumeur…
Une rumeur restée discrète jusqu’à présent mais qui depuis lundi soir se fait présente sur la place publique suite à la réunion sur la rénovation de la place Châteauneuf organisée par la mairie de Tours. Le soir-même dans l’assemblée certains évoquaient les liens entre l’adjointe au commerce et la famille Ettori. Les critiques ne manquent pas et certains accusent directement de façon plus ou moins discrètes de vouloir embellir cette place au profit des affaires de la famille Ettori. Du côté des élus, si beaucoup parlent en off, seul Emmanuel Denis, élu EELV d’opposition à la mairie de Tours a fait une déclaration publique hier sur les réseaux sociaux : “J’ai appris pendant la réunion publique que ceux qui profiterons le plus de ce nouveau visage sont les neveux de l’ami ex-footballeur de Céline Ballesteros qui ont racheté trois bars sur la place et qui vont pouvoir étaler largement leurs terrasses… petite collusion entre amis ?”
La place Châteauneuf aujourd’hui
Interrogée par nos soins, Céline Ballesteros se défend d’une quelconque collusion et rappelle qu’elle ne gère pas ce dossier pour la mairie puisqu’il émane du budget spécifique alloué au plan d’embellissement de la ville. L’adjointe au commerce réfute toute accusation : “Le fait est que quand les neveux de Jean-Luc Ettori ont acheté “A Torra” c’est parce qu’ils voulaient s’implanter à Tours et que place Châteauneuf c’était moins cher qu’ailleurs. A l’époque je connaissais à peine Jean-Luc Ettori d’ailleurs. Depuis, leur affaire a bien fonctionné parce qu’ils ont travaillé et ils ont eu envie d’ouvrir autre chose avec leur oncle sur cette place, on ne peut pas le leur reprocher. De son côté, le maire de Tours, avec l’année Martinienne, la rénovation de la basilique, l’ouverture de la Tour Charlemagne au public, a souhaité repenser la place Châteauneuf. C’est une simple concomitance de faits, rien de plus”. Et Céline Ballesteros de rappeler “l’ancienne majorité avait également un projet d’embellissement de cette place, c’est un projet d’intérêt commun”.
Pourtant, certains y voient clairement une possible confusion des genres. “En tant qu’adjointe au commerce, c’est Céline Ballesteros qui donnera les autorisations de terrasses y compris pour les commerces tenus par la famille Ettori, c’est pourquoi on peut voir une collusion dans ce dossier, d’autant qu’on peut s’interroger sur la concordance des dates entre les achats récents de commerces de la famille Ettori et le projet de rénovation de la place en question”, s’interroge ainsi un élu en off. Céline Ballesteros le sait, ses actions prochaines seront regardées et décortiquées de près, “Si cela donne du grain à moudre à certains, moi je n’ai rien à me reprocher” conclue-t-elle.
Un degré en plus :
> Quel était le projet de la majorité de Jean Germain ?
Comme évoqué par Serge Babary lundi soir lors de la réunion publique, le projet d’embellissement de la place Châteauneuf était déjà dans les cartons de l’ancienne majorité de Jean Germain depuis 2012. Une rénovation que l’équipe de Jean Germain, et plus particulièrement Nadia Hamouni, Alain Devineau et Nicolas Gautreau, les trois élus en charge du plan d’embellissement de la ville, avaient envisagé dès 2014 en cas de réélection. “A l’époque on avait d’abord rénové la place de la Victoire et celle de Châteauneuf devait suivre” explique Nicolas Gautreau. Par rapport au projet présenté par l’équipe de Serge Babary ce lundi, Nicolas Gautreau pointe néanmoins des différences : “Nous voulions garder 15 places de parking sur les 45 et laisser la rue en double sens, parce que c’était ce qui était ressorti de la demande des riverains que nous avions rencontré en amont”. “Nous avions un véritable projet d’embellissement, mais nous ne voulions surtout pas faire une place Plumereau bis avec les nuisances que cela peut entraîner” explique l’actuel élu d’opposition au Conseil Municipal de Tours.