Pauvreté en France : « il suffirait d’un peu plus de volonté pour faire de grandes choses »

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Mercredi 1er février, L’Observatoire des Inégalités de Tours organise une conférence gratuite à 18h30 au Centre de Vie du Sanitas. L’occasion de présenter son dernier rapport sur la pauvreté en France. Paru en décembre, il fait le point sur les difficultés financières dans le pays. Un travail que l’association mène tous les deux ans, avec un certain écho médiatique. On en a parlé avec Anne Brunner, co-autrice du document.

Globalement, que retenez-vous de ce dernier travail d’enquête autour de la pauvreté en France ?

On compte aujourd’hui 5 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté en France, le seuil de pauvreté étant fixe – pour L’Observatoire des Inégalités – à 940€ pour une personne seule. Ça veut dire que 5 millions de personnes vivent avec moins de ce montant chaque mois, après qu’on ait compté les prestations sociales. C’est un chiffre qui a relativement peu évolué au cours des 15 dernières années. Ça veut dire deux choses : la première c’est que la pauvreté n’a pas explosé dans la société française et puis ça veut dire aussi que notre société – aussi riche qu’elle soit – ne réussit plus ou en tout cas n’a plus la volonté politique de réduire cette proportion dans la population. Un chiffre par exemple : les revenus de ces personnes si on regarde uniquement le produit du travail. Elles sont donc de plus en plus en difficulté et doivent de plus en plus compter sur la solidarité nationale.

A quel point ces chiffres sont alarmants ?

On peut voir la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. Il faut constater d’abord que le « Quoi qu’il en coûte » de la crise Covid a fonctionné pour éviter une explosion de la pauvreté en France. Si on n’avait pas payé le salaire des personnes en activité partielle, on aurait eu des millions de pauvres en plus et des personnes à la rue. Ce système il a fonctionné pendant le temps de crise mais la grande pauvreté persiste alors qu’on aurait tout à fait les moyens d’y mettre fin.

On n’arrive ou on ne veut pas mettre fin à cette grande pauvreté ?

Sans doute un peu des deux car ce n’est pas d’un coup de baguette magique avec un budget de la protection sociale qu’on va résoudre les problèmes de manque de formation, d’emploi, de logement… Néanmoins, quand on mesure la pauvreté monétaire, si on augmentait le montant du RSA et si on l’ouvrait aux 18-25 ans on pourrait mettre tout le monde au niveau du seuil de pauvreté. Ça coûterait aux alentours de 7 milliards. On voit bien après certaines dépenses du « Quoi qu’il en coûte » ou après les 20 milliards auxquels on vient de renoncer de taxe d’habitation, que c’est tout à fait à notre portée.

Est-ce qu’il y a un risque d’éloignement de ces personnes-là du reste de la société ?

Tout dépend la catégorie qu’on regarde car, dans les 5 millions, il y a des situations très hétérogènes : des personnes plus ou moins éloignées du travail, des personnes qui ne travaillent pas toute l’année, des femmes seules avec des enfants… et qui, même avec un SMIC largement au-dessus du seuil de pauvreté, n’arrivent pas – en comptant leurs enfants – à dégager un revenu suffisant pour avoir ce minimum pour ne pas être pauvre.

Ce rapport parait au moment d’une explosion de l’inflation.

Il est vrai qu’on ne mesure pas du tout l’effet de l’inflation dans nos chiffres. Il est difficile de dire à quel point ça va durer ou quelles catégories de personnes vont être touchées. Le niveau de pauvreté est fixé de façon relative rapport à la classe moyenne qui subit elle aussi l’inflation. Donc c’est compliqué de dire comment les revenus vont se répartir dans la société, s’il y aura plus de personnes plus pauvres que la moyenne. En revanche ce qu’on peut déjà constater c’est que des catégories qui ne réussissent pas à voir leurs revenus augmenter au même rythme que l’inflation, ils vont perdre en pouvoir d’achat. De plus l’inflation n’est pas égale sur tous les produits et comme on ne consomme pas tous le panier moyen de l’INSEE – par exemple si on consomme beaucoup de chauffage, si on prend sa voiture tous les jours pour travailler ou si l’alimentation représente une part plus importante des dépenses – on sera plus touché, ce qui ne sera pas le cas des plus riches qui pourront piocher dans leur épargne.

En météo, quand il fait froid, on parle de température réelle et de température ressentie. Par exemple il fait -1 mais avec le vent c’est comme s’il faisait -4. Y’a-t-il un phénomène similaire avec la pauvreté : c’est-à-dire des personnes au-dessus du seuil mais qui se sentent pauvres ?

Certains économistes et sociologues le mesurent. Et il y a de petits décalages avec la pauvreté économique. Quand on se sent pauvre c’est qu’on se sent exclu. Il y a des personnes qui peuvent se sentir pauvres un peu au-dessus mais aussi des personnes en dessous mais disent : « Oh bah moi je suis propriétaire de mon logement, j’ai moins de besoins, finalement ça va. » Nous il nous semble quand même important de revenir à des éléments factuels pour comparer les Français entre eux.

Quelles sont les réactions à ce dernier rapport ?

Du côté politique on a l’impression qu’il suffirait d’un peu plus de volonté pour faire de grandes choses. Dee choses ont été faites dans le précédent quinquennat : le minimum vieillesse et l’allocation pour personnes handicapées ont été relevés au niveau du seuil de pauvreté ça veut dire que, en théorie, une personne de plus de 65 ans ou handicapée ne peut plus être pauvre. Maintenant ce qu’on attend de voir c’est que ce même filet de protection soit assuré aux personnes d’âge actif, notamment aux plus jeunes qui ont le taux de pauvreté le plus élevé et pour qui la situation s’est le plus dégradée ces dernières années. Ignorer cette situation conduit à augmenter les tensions sociales.

 

Un degré en plus :

Pour davantage d’informations, ou commander le rapport, il faut aller sur le site www.inegalites.fr.

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