« On ne termine jamais à l’hôpital » : la dernière interview de la directrice du CHU

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10 000 personnels, 65 services, un budget de 750 millions d’€… Pendant 9 ans, Marie-Noëlle Gérain-Breuzard a dirigé le CHU de Tours, gérant notamment la crise Covid ou le début du projet de reconstruction de l’hôpital Trousseau à Chambray. A l’heure de quitter son bureau, celle qui est auparavant passée par les établissements parisiens (dont la direction de l’hôpital de réteil) fait le bilan de son mandat pour 37 degrés.

 

Son départ :

« On ne termine jamais à l’hôpital. A la différence des métiers médicaux nous ne sommes pas contraints à la mobilité mais on nous y invite. C’est un enrichissement car je pense que l’on est moins audacieux si l’on ne bouge pas.

 

La situation du CHU :

« La situation des 32 CHU est assez homogène. On partage les mêmes problématiques, notamment financières. La Nation a certes mis 19 milliards d’€ sur la table avec le Ségur de la santé mais 15% des mesures rattachées au personnel ne sont pas couvertes par l’Etat. Il faut aussi absorber la hausse du point d’indice sur les salaires et l’inflation. Les mesures d’urgence du ministre François Braun et les charges Covid ne sont pas couvertes intégralement non plus. On augmente les dépenses mais quand les recettes liées à l’activité ne sont pas au rendez-vous cela crée un écart grandissant.

Avec le Covid, plusieurs activités ont reculé, les délais d’attente se sont allongés où le public a été pris en charge ailleurs, en particulier dans le privé, et l’activité ne revient pas si facilement. La croissance de l’activité est modeste et comme nos ressources dépendant de la T2A (tarification à l’acte) nos ressources sont limitées. Le gouvernement souhaite sortir de ce système mais il reste à inventer le mécanisme. Je ne suis d’ailleurs pas favorable à cette réforme car on risque de perdre la faculté de développer des projets. Le système alternatif risque d’être très complexe indexé sur la population, les interactions avec l’hôpital, la qualité des soins… Cela pourrait néanmoins faire faire des économies à l’assurance maladie.

Avec tous ces critères pris en compte, le déficit 2022 du CHU pourrait dépasser les 15 millions d’€, « une situation très préoccupante ». Malgré cela, la directrice dit avoir tout fait pour « ne pas freiner les projets » et conserver des moyens de les autofinancer. Elle indique être « triste » de partir dans ce contexte.

L’emploi :

« On ne le dit pas assez mais le CHU crée une centaine d’emplois par an. L’attractivité reste un sujet mais nous avons à peine 1% des postes d’infirmières vacants, c’est beaucoup plus dans d’autres établissements. Cet été nous avons fermé 96 lits quand Orléans en fermait 250 et nos urgences sont toujours restées ouvertes. En ce moment Orléans doit encore avoir 150 lits fermés, nous en avons 38 en psychiatrie et 17 en soins de suite et de rééducation qui vont bientôt rouvrir. Il faut qu’on fasse le job. L’hôpital tient le choc. On a un bel outil, avec une direction de la recherche tonique. Près de 40% des personnels travaillent directement ou indirectement pour la recherche. Nous sommes quasiment au 2e rang des hôpitaux du Grand Ouest derrière Nantes et nous voyons arriver des pépites de Paris ou d’autres villes. »

 

Le social :

« Mon boulot quotidien c’est de faire avancer les choses en préservant les équilibres. L’une de mes plus grandes fiertés est d’avoir promu le management bienveillant comme je l’ai fait dans toute ma carrière. Quant aux grèves très nombreuses, et parfois étendues sur la durée, elles sont liées aux difficultés que les services traversent plus ou moins facilement, à l’implantation que les syndicats y ont… »

 

Les travaux de transformation du CHU repoussés :

« J’avais dans ma lettre de mission de présenter un nouveau projet, le précédent ayant été refusé. Malgré les reports du nouvel hôpital Clocheville et du bâtiment de biologie qui resteront en centre-ville de Tours pour le moment il y a de la satisfaction car on va pouvoir commencer le bâtiment de psychiatrie cette année avec une ouverture en 2025 et le Nouvel Hôpital Trousseau se fera. On va également faire des travaux à Clocheville pour le mettre totalement en conformité avec les normes incendie. »

Ses relations avec les élus locaux :

« J’ai connu 4 maires de Tours (Jean Germain, Serge Babary, Christophe Bouchet et Emmanuel Denis), 3 présidents de Tours Métropole, 4 présidents du Conseil Départemental… Ils n’ont pas toujours eu les mêmes logiques. Certaines en avaient des plus court-termistes que les autres, un maire voyait le CHU d’abord comme une machine à faire marcher les entreprises locales… La faiblesse de Tours c’est qu’il est dommage que sur des sujets aussi importants que le CHU on ne soit pas capable de faire l’union sacrée comme pour la création de Tours Métropole. Cela n’a pas retardé le projet de Trousseau, mais ça ne l’a pas fait avancer plus vite. »

 

Le tramway à Trousseau :

« Si une ligne de bus avec des files prioritaires fait la connexion avec le tram existant on aura déjà fait un grand progrès. J’aimerais une desserte plus rapide pour Trousseau et Bretonneau mais il n’y a pas rien non plus. Le problème c’est plutôt l’Ermitage où Fil Bleu ne passe pas le week-end, ou l’accès au site de psychiatrie à St-Cyr qui est aussi une aventure. »

 

Un degré en plus :

Marie-Noëlle Gérain-Breuzard quitte le CHU de Tours pour prendre la direction du centre national de gestion, un organisme « que personne ne connait » reconnait-elle elle-même mais qui gère pas mal de choses à savoir toute l’organisation des concours pour les hôpitaux, la gestion des directions d’hôpitaux, les ressources humaines, l’aspect disciplinaire… Tout cela concerne 50 000 personnels partout en France. Et la future ex-directrice du CHU a spécifiquement postulé pour ce job, souhaitant notamment se rapprocher de sa famille parisienne (elle faisait jusqu’ici des allers-retours chaque week-end). Son remplaçant ou sa remplaçante devrait arriver à la rentrée de septembre, après un long processus de sélection et une nomination par le conseil des ministres. 4 à 6 profils seront présélectionnés. Un audit sera également organisé en local.

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