Après 6 ans d’activité intense au Centre LGBTI de Touraine, Mickaël Achard en a lâché la co-présidence début 2020 au profit d’un engagement politique. Un départ qui va favoriser l’émergence de nouvelles voix dans cette structure qui lutte contre les discriminations homophobes ou transphobes. Dirigée de longue date par un binôme, elle perpétue la tradition en 2020 via Johan Posson – tout juste élu – et Tatiana Cordier-Royer, reconduite à ce poste pour une deuxième année. Avec quels enjeux et objectifs ? Nous avons rencontré la jeune femme aux côtés de Romane, la salariée de l’association.
Depuis octobre 2019 Romane est heureuse : elle a signé un contrat en CDI au Centre LGBTI de Touraine, grâce à une subvention de 11 500€ sur trois ans accordée par la Région Centre-Val de Loire. Quand on l’écoute il y aurait largement de quoi occuper deux personnes à temps plein mais la pérennisation de son contrat semble déjà un grand pas en avant. Jusqu’en avril un service civique est également là en renfort. Les tâches sont multiples avec par exemple de nombreuses interventions de sensibilisation autour des discriminations en milieu scolaire :
« En 2019 nous avons rencontré 1 000 élèves dans 40 classes. De la 6e à la Terminale, voire certains étudiants qui apprennent les métiers de sage-femme ou font des études de pharmacie. Avec eux nous abordons par exemple les bons réflexes à adopter pour bien accueillir les personnes trans. Nous avons d’ailleurs beaucoup de questions car on leur offre rarement l’opportunité de discuter de ces sujets. La transidentité, ils savent vaguement ce que c’est sans avoir les outils pour bien l’aborder. Nous leur expliquons qu’il faut avant tout écouter la personne, ne pas se tromper de pronom pour ne pas briser la confiance. »
Autre enjeu : la formation des élèves gynécologues pour l’accueil des femmes lesbiennes qui ne prennent pas de contraception. En fait le Centre LGBTI cherche à rencontrer un maximum de personnes, créer le plus de partenariats possibles, dans le but de diffuser ses messages. « Nous sommes en train de travailler au montage d’une convention avec le CHU pour qu’ils nous forment sur l’accueil psychique et qu’en retour on les forme sur les thématiques LGBTI. » En revanche, « nous n’avons pas de relations avec les forces de l’ordre » regrette Tatiana Cordier-Royer. « On aimerait bien car nous avons des retours de personnes qui se font mégenrer au commissariat, qui ne sont pas forcément en confiance et qui, du coup, ne portent pas plainte. » Une problématique similaire à celles des femmes victimes de violences qui regrettent parfois la façon dont leurs affaires sont traitées. Par ailleurs, « en cas d’insulte homophobe ou transphobe les policiers ne retiennent pas toujours qu’il s’agit d’une circonstance aggravante. »
Afin de soutenir les victimes, l’association a récemment noué un partenariat avec un cabinet d’avocat de Tours spécialisé dans le traitement de ce type d’affaire.
Des locaux exigus
Sur un autre sujet, les agents d’état civil (de Tours, mais pas que) auraient aussi besoin d’une sensibilisation…
« Nous avons le retour de personnes trans qui ont eu face à elle des agents hyper discriminants lorsqu’elles sont venues faire changer leur prénom à l’état civil. Dans les textes de loi, le changement de prénom est libre et gratuit sans justificatif. Dans les faits certaines mairies demandent des certificats médicaux, des témoignages de la famille ou des amis… Elles rendent compliqué ce qui ne devrait pas l’être. »
Ces difficultés récurrentes vécues par les gays, les lesbiennes, les personnes bi, trans ou intersexes, le Centre LGBTI les consigne rigoureusement. Niché au rez-de-chaussée d’un immeuble du quartier Velpeau de Tours, son siège est devenu le lieu de libération de la parole : l’année dernière, 1 700 visites enregistrées pour les permanences d’accueil et d’écoute du mercredi (à 17h) et du samedi (à 14h). « Nous sommes passés de 800 à 1 700 entre 5 ans » relèvent Tatiana et Romane. 25 à 30 personnes à la fois, c’est beaucoup dans ce local de 40m² : « Notre espace dédié à l’accueil confidentiel n’est pas du tout adapté » notent les deux responsables de la structure qui rappellent qu’une dizaine d’associations amies partagent également ces locaux (Osez le Féminisme, Stop Harcèlement de Rue, le collectif Trans Posé.e.s…).
Quelques chiffres :
Lors d’un sondage réalisé fin 2019 à Tours, via Internet, une personne LGBTI sur 2 disait avoir déjà été agressée verbalement en raison de son orientation sexuelle ou de son genre, 4% ont osé porter plainte, 1 sur 2 n’ose pas montrer de signes d’affection dans la rue : « C’est alarmant que ces personnes ne puissent pas être elles-mêmes » s’indigne Tatiana Cordier-Royer.
Un débat avant les élections municipales
Alors que les élections municipales se profilent, l’appel à la mairie est lancé pour obtenir un relogement qui conviendrait mieux aux besoins du Centre, par exemple pour qu’il soit accessible aux personnes à mobilité réduite. Le bail actuel s’achève en 2021… et après ? Soutenue par plusieurs institutions (dont l’État qui a récemment octroyé une subvention exceptionnelle), l’association déplore globalement un manque de soutien de la ville : « 800€ de subvention par an c’est ridicule » s’agace Tatiana Cordier-Royer qui, sans faire une fixette absolue sur les moyens, aimerait déjà simplement un accès au réseau d’affichage de la commune pour lancer une campagne de lutte contre les discriminations.
Ces enjeux seront abordés mardi 25 février au cours d’un débat des candidats aux élections municipales assez inédit (19h, au Centre de Vie du Sanitas). L’événement est organisé par le Centre LGBTI mais aussi Osez le Féminisme, le collectif Accueil Sans Frontières en Touraine et Stop Harcèlement de Rue. Nicolas Gautreau (Les Indépendants), Benoist Pierre (C’est Votre Tours), Claude Bourdin (C’est au Tour(s) du Peuple), Cathy Münsch-Masset (Pour Demain Tours 2020), Mickaël Cortot (Projet Citoyen pour Tours) et Xavier Dateu (Vous + Nous = Tours) y seront. Le maire sortant Christophe Bouchet devrait également y être : « Nous voulons questionner les candidats sur leurs programmes » explique la co-présidente du Centre qui se dit par ailleurs satisfaite de l’écoute des députés LREM Philippe Chalumeau ou Fabienne Colboc : « Ils viennent souvent, on leur envoie des questions, ils sont disponibles. » Néanmoins elle est déçue par la loi bioéthique et l’ouverture de la PMA aux couples de femmes « qui aidera des personnes après sa promulgation, mais pas avant. »
Des rendez-vous à venir :
- Le Sidaction aux côtés du Planning Familial le 4 avril en faveur de la lutte contre le Sida
- La journée de lutte contre l’homophobie et la transphobie le week-end du 17 mai
- La Marche des Fiertés le 4 juillet (décalée en raison d’un agenda événementiel chargé en juin).
- L’organisation d’une semaine culturelle en partenariat avec la guinguette ou le collectif Troubles
En se rendant toujours plus visible, le Centre LGBTI se donne surtout pour mission d’élargir son équipe de bénévoles composée d’une cinquantaine de personnes, dont 25 réellement actifs. Parmi eux beaucoup d’étudiants qui cessent de militer à l’issue de leurs études, obligeant sans cesse à recruter de nouvelles personnes motivées par la cause. Naturellement, quelle que soit leur orientation sexuelle. Car comme le dit un slogan qu’on voit souvent tourner sur le web : « Pas besoin d’être la cause pour la soutenir. »
Un degré en plus :
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