Dimanche 3 octobre, l’association Les Hôtesses de l’Air contre le Cancer organisait son 1er événement en Indre-et-Loire : un tournoi de golf qui a permis de récolter 1 700€ pour cette structure créée par un steward d’Air France en 2015 et dévolue à aider des malades du cancer, soutenir des programmes de recherche ou accompagner des programmes solidaires à l’étranger. Ex salariée de la grande compagnie nationale qu’elle a quittée en 2019, Aude Fonty est la correspondant tourangelle du mouvement. D’abord investie par conviction, cette autoentrepreneuse de 45 ans a récemment été rattrapée par la maladie. Un témoignage comme on lit rarement en ce mois d’Octobre Rose, dédié à la lutte contre les tumeurs à la poitrine.
Pouvez-vous me raconter votre histoire avec le cancer du sein ?
J’étais en pleine reconversion, bien lancée dans une nouvelle vie professionnelle après presque 20 ans en tant qu’hôtesse de l’air chez Air France. Tout s’était équilibré dans ma vie, je me sentais bien. Et puis lors d’un contrôle régulier chez le médecin, elle palpe mon sein gauche et le trouve anormalement dense par rapport au droit. Je programme une mammographie un mois après mais entre temps mon sein a pris des proportions énormes et ressemblait à une orange. J’ai enchaîné avec une biopsie et une IRM : plus de doute le cancer inflammatoire était là avec deux tumeurs. Les choses se sont passées très vite, j’ai vu ma gynécologue qui m’a dit :
« Vous avez un cancer agressif, si on n’arrête pas le feu tout de suite ça va se propager dans les autres organes. »
On m’a tout de suite prescrit 8 séances de chimio, une mastectomie, de la radiothérapie et un suivi pendant des années. Heureusement, la tumeur n’avait pas dépassé la zone du sein. C’est pour ça que j’invite les femmes à se faire dépister car ça n’arrive pas qu’à 60, 70 ou 80 ans. Moi j’ai 45 ans et j’étais très très loin d’imaginer que cela pouvait m’arriver puisqu’il n’y a aucun cancer dans ma famille. Je me sentais protégée. Pas du tout !
Comment avez-vous ressenti l’apparition de cette maladie ?
J’ai ma petite idée sur la façon dont je l’ai développée. Notamment de par mon ancien métier. Aux Etats-Unis c’est même reconnu comme maladie professionnelle… Un avion ce n’est pas un lieu de travail naturel : on évolue dans un milieu pressurisé, à 10 000m d’altitude et sous rayonnement cosmique. Plus on s’approche du pôle, plus on reçoit des rayonnements. Ensuite il y a le décalage horaire : si on fait un Paris-Los Angeles suivi d’un Paris-Tokyo puis un vol vers Johannesburg… Qu’on multiplie donc les vols de nuit en dormant 2h quand on peut. Cet enchaînement de cycles déstabilisés ce n’est pas bon pour la santé. Je pense aussi que ce cancer est dû à des traumatismes que je n’ai pas gérés (l’éloignement de mes enfants et une séparation très difficile), je suis donc allée voir des thérapeutes ou ostéopathes pour le prendre en charge.
« Je me suis vue mourir mais je n’ai rien lâché. »
Votre tumeur a été diagnostiquée en mars 2021. 7 mois plus tard, comment vous vous sentez ?
Je n’ai jamais été aussi bien dans ma vie qu’aujourd’hui. C’est étonnant mais ce cancer a fait écho. Il m’a ouvert les yeux sur énormément de choses, comme si le mal à l’intérieur de moi avait explosé. Comme une voix qui me dit « Ça y est tes problèmes, tes questions, tes enfants que tu veux protéger, ton divorce difficile… Tout ça c’est derrière toi. Aujourd’hui c’est un renouveau, une renaissance. Tu te bats pour les 45 années à venir. » J’espère suivre le chemin de ma grand-mère qui vient d’avoir 100 ans : vivre heureuse, épanouie et bien dans ma peau. Un cancer ce n’est pas une fatalité. Oui, après une chimio difficile je me suis dit « Pourquoi moi ? Je n’ai pas le courage ! » Je me suis vue mourir mais je n’ai pas lâché.
C’est le genre de message que vous voulez faire passer via votre engagement associatif ?
Oui car Les Hôtesses de l’Air contre le Cancer m’ont apporté un soutien infaillible, notamment grâce à un forum très bienveillant sur Facebook. Les spécialistes sont là au moment des soins mais quand on rentre chez nous on est désœuvrée et si on n’a pas quelqu’un à qui se confier c’est difficile. A la clinique j’ai rencontré une dame qui m’a pleuré dans les bras parce qu’elle était seule pour gérer son lymphome. C’est là que l’on peut intervenir : toutes les personnes n’ont pas les moyens financiers de s’octroyer un accompagnement, une jolie prothèse, une perruque… Donc on aide au cas par cas, y compris pour les tatouages post-reconstruction.
« Je n’ai jamais eu autant d’affection de la part de mes filles. »
Comment affrontez-vous la perspective d’avoir un nouveau corps ?
J’ai toujours été très coquette mais je n’ai jamais porté ma perruque. Je n’ai aucun tabou sur la maladie et je préfère circuler avec des turbans sur la tête : je les change tous les jours en fonction de ma tenue. J’ai perdu mes cils, mes sourcils mais ça va revenir. En attendant, j’accentue mon maquillage des yeux pour me sentir bien et j’ai des compliments tous les jours. Mes deux filles, je ne leur ai jamais caché. Quand j’ai commencé à perdre mes cheveux, on a été dans la salle de bain avec mon compagnon… On a rasé tout ça ensemble. Maintenant elles me disent tous les jours « Maman t’es belle, maman je t’aime ». Je n’ai jamais eu autant d’affection de la part de mes filles. Je sais qu’elles ont été très touchées mais j’ai voulu leur montrer l’image d’une maman battante.
Vous vous êtes engagée dans l’association 6 ans avant votre maladie. Qu’est-ce qui vous avait encouragée à y aller ?
Au tout début il y a eu la publication d’un calendrier avec des hôtesses de l’air posant les seins nus en position de travail ou de palpation. Un très beau calendrier qui a fait le buzz : j’ai adoré l’approche, pour moi ça a démystifié le caractère parfois trop sérieux de certaines associations où on ne se sent pas toujours à l’aise. Je savais que j’allais pouvoir œuvrer avec des gens dynamiques et monter des événements joyeux : courses à pied, vélo, boxe, pole dance…
L’action se fait aussi dans les airs…
Le fondateur de l’association a proposé d’organiser des vols « roses » pendant le mois d’octobre sur Air France, Transavia, French Bee ou Delta. Les hôtesses, stewards et pilotes ont des uniformes roses. Et on distribue des goodies et de la documentation aux passagers, notamment une notice de sécurité-té pour parler du dépistage à la façon des consignes de sécurité qu’on donne avant le décollage.
Et ça, ça sert la cause ?
Oui parce que les gens qui montent dans l’avion rentrent de week-end ou volent pour le travail… Il y a des femmes, des hommes, des clients étrangers… C’est le meilleur moyen de se faire connaître parce que ça change du vol traditionnel. Il y a de la bonne humeur et on s’en souvient.
Un degré en plus :
Un nouveau tournoi de golf aura lieu en 2022 au golf de Tours-Ardrée. Plus d’infos sur www.leshotessesdelaircontrelecancer.org.