Selon UNICEF France, plus de 2 000 enfants ont été contraints de dormir dans la rue la nuit du 19 au 20 août 2024. Parmi eux, au moins 80 en Centre-Val de Loire : +67% en un an. Ces chiffres sont alarmants et s’ajoutent aux nombreuses données régulièrement publiées sur l’augmentation de la précarité en France. En face, l’Etat ne cesse d’afficher une hausse des moyens. L’Indre-et-Loire ne fait pas exception mais ces rallonges ne parviennent pas à contenir l’ensemble des besoins.
“J’espère que ceci servira d’exemple pour l’avenir concernant la question de la précarité”. Voici les mots prononcés par Patrice Latron, préfet d’Indre-et-Loire, lors de l’inauguration de l’Oasis ce mercredi 4 septembre. Ce nouveau centre d’hébergement d’urgence s’est installé à Chambray-lès-Tours dans un ancien hôtel F1.
Administré par l’association Emergence, ce dispositif permettra de loger 128 personnes en situation de précarité. Un public orienté par le SAMU social pour de courtes périodes, dans l’attente d’options plus pérennes. S’il s’agit bien d’un nouveau lieu, L’Oasis est en réalité une version améliorée du Village, ancien centre d’hébergement qui ne pouvait accueillir que 72 personnes dans des conditions loin d’être optimales (mauvaise isolation, …). Déjà géré par Emergence, il était également situé à Chambray.
“L’Oasis renvoie ici à un lieu reposant dans un environnement hostile” explique xplique Jean-Christophe Baron, président de Emergence. Le nom du centre n’a donc pas été choisi au hasard. Il vient compléter le réseau tourangeau dédié à l’hébergement d’urgence. Une toile qui ne cesse de s’agrandir.
Depuis 10 ans, la question de la précarité de logement prend de plus en plus de place dans les politiques publiques du département. Selon la préfecture d’Indre-et-Loire, le nombre de places d’hébergement d’urgence dans le 37 est passé de 332 à 674, soit quasiment doublé. Ceci est d’ailleurs le résultat d’une importance accordée au financement de logements sociaux dans le budget tourangeau. Encore selon la préfecture, 15 millions d’euros sont alloués chaque année pour répondre au besoin des familles contraintes de vivre dans la rue.
Une mobilisation de moyens nécessaire mais qui se doit aussi d’être utilisée avec tact pour que les personnes en hébergement d’urgence puissent progressivement accéder à des solutions pérennes, sans avoir besoin de rappeler le 115 chaque semaine pour trouver une nouvelle solution. Une routine génératrice de stress. Pour éviter cela plusieurs dispositifs tentent de voir le jour, notamment le programme Logement d’Abord développé par la ville de Tours.
Les autorités et collectivités doivent aussi faire face à des difficultés d’ordre logistique. Malgré leur côté essentiel, les dispositifs d’aide sociale pour les plus démunis ne sont pas toujours bien acceptés. Pour reprendre l’exemple de l’Oasis, sa présence est encore aujourd’hui sujette à la critique.
Juste en face, l’hôtel Ibis de Chambray manifeste son mécontentement en pointant du doigt le bruit généré par les bénéficiaires (notamment les enfants) qui dérangeraient la clientèle de l’établissement voulant bénéficier de la piscine extérieure. Un voisinage complexe qui rappelle aussi ce qu’a vécu le café associatif La Barque, Rue Colbert à Tours, forcé de déménager près des Tanneurs cet été, après des années de plaintes de riverains et commerçants.
A Chambray, Un salarié d’Emergence nous explique :
“Il y a pas mal de personnes que ça dérange d’avoir un centre d’hébergement à côté de chez soi. Par exemple au Village, des gens ont appelé plusieurs fois la gendarmerie soit disant parce qu’il y avait trop de bruit, alors que les personnes étaient relativement loin de l’établissement. C’est franchement n’importe quoi !”
Si l’arrivée de l’Oasis représente une avancée dans la prise en charge des personnes en situation de précarité, il est tout de même important de laisser passer le temps pour observer l’évolution de la structure. Car la garantie d’une bonne prise en charge des familles en difficulté se base également sur la suivi sur le long terme des moyens mis en œuvre.
Par ailleurs, de nombreuses questions restent encore en suspens. Malgré la mobilisation de l’Etat ou d’associations, de nombreuses personnes restent en dehors des dispositifs. Soit parce qu’elles se sont découragées d’appeler le 115, ou alors parce qu’elles ont eu de mauvaises expériences. Ainsi, on sait que des dizaines de personnes dorment toujours dans la rue chaque nuit dans l’agglomération tourangelle. En toute saison. Ce qui montre les limites d’une politique.
L’Etat a par ailleurs été récemment ciblé par la ville de Tours lui reprochant de ne pas avoir financé l’ouverture d’un gymnase pour loger des familles sans solution entre avril et juillet. La mairie envisagerait même d’intenter une action en justice pour obtenir le règlement de plusieurs dizaines de milliers d’euros.