Les jardins familiaux : coins privilégiés des Tourangeaux

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La ville de Tours est cernée de parcelles de terre où jardiniers amateurs y font pousser des légumes, des fruits, mais aussi des fleurs, des plantes et des arbres. Ces jardins appelés « ouvriers » à une époque puis désormais nommés « jardins familiaux » sont répartis sur 18 sites gérés par plusieurs associations de jardiniers (aussi appelées sociétés de jardins familiaux) qui gèrent la location. La ville de Tours, par leur intermédiaire, propose aux habitants de louer une parcelle au prix de 65 euros par an. En tout, il y a 1 333 jardins répartis sur 18 sites à Tours Nord, Tours Sud, La Riche et La-Ville-aux-Dames. Tous sont la propriété de la Ville de Tours.

La notion de « jardins ouvriers » est apparue pour la première fois en France en 1893 à Sedan. La femme d’un industriel drapier loua un de ses champs à 27 familles. A ce moment-là, cette pratique est purement paternaliste et permet de fidéliser l’ouvrier en lui offrant la possibilité de nourrir sa famille à moindre coût. Aujourd’hui, les « jardins familiaux » ne sont plus donnés par un patron mais mis à disposition des habitants contre une somme d’argent. Même si ces deux termes sont différents, dans le langage courant actuel, on parle de jardins ouvriers et de jardins familiaux pour évoquer ces terrains. Il faudra attendre 1897 pour voir arriver ce type de jardins à Tours. La bourgeoisie tourangelle en est à l’origine avec la création de l’Œuvre Générale des Jardins Ouvriers de Tours. Son rôle : elle concède gratuitement des parcelles à des ouvriers chargés de famille afin de leur assurer une culture potagère les aidant à améliorer leurs conditions de vie. Programme de fidélité bien rodé !

Un outil de survie en temps de guerre

C’est à l’occasion des deux Grandes Guerres, que s’opère « l’âge d’or » de ces jardins. A cette époque, les services de ravitaillement allouaient à un adulte deux fois moins de calories par jour. Ces lopins de terre étaient alors perçus comme une chance de survie. Par ailleurs, les années 30, marquées par une forte crise économique en France, ont permis la multiplication des jardins ouvriers, notamment à Tours. Cette période est d’ailleurs très documentée aux Archives Départementales de Touraine. Dans l’optique de « lutter contre la vie chère », les sociétés de jardins ouvriers n’ont cessé de s’implanter dans le paysage tourangeau.

Des jardins déplacés

Dans un élan de développement, la ville de Tours se retrouve dans une situation critique où la demande en logements s’accroît au fil des ans. Avant 1958, ce n’était pas moins d’un millier de jardins qui étaient disséminés sur toute l’agglomération. Face à cette expansion, elle décide de céder ces terres. C’est le cas par exemple des jardins de l’association Rabelais-Giraudeau qui ont laissés leur place à la station d’épuration de la ville. Pour reloger ces jardiniers veufs de leur terres, Tours crée en 1964 un ensemble de 500 jardins sur les sites de la Bergeonnerie, de La Riche, des Montils ou encore à Port-Cordon. Aujourd’hui encore, ces lieux accueillent les jardins. Des terrains qui sont à leur tour demandés de plus en plus. Sur le territoire des Jardins Chemin de Fer par exemple, les grandes parcelles sont parfois divisées pour en donner davantage : de 27 en 2021, elles sont passées à 33 en 2023.  Au fur et à mesure que les anciens propriétaires laissent leur terrain, celui-ci est redécoupé pour les nouveaux arrivants. Des jardiniers parfois qui ont besoin de s’accoutumer avec les « bonnes pratiques » guidées par les Anciens qui chouchoutent ces bouts de terre colorés toujours très garnis et bien rangés.

« Ils pensent que le jardin commence en avril et se finit en septembre »

Patrick Lhuillier, président depuis 2 ans de l’association des Jardins Chemin de Fer, reproche à la plupart de ces nouveaux arrivants de ne pas se consacrer tout au long de l’année aux parcelles qui leur sont attribuées. En effet, une large partie des acquéreurs actuels sont des personnes actives, qui travaillent, donc qui ont moins de temps que les personnes retraitées, encore majoritaires au sein des jardins. Pour lui, « un jardin ça s’entretient toute l’année, l’hiver, on prépare la saison d’après ». Pour faire perdurer l’acquisition d’un de ces lopins de terre, il y a certaines règles à respecter : entretenir son jardin ou faire de la culture potagère restent les plus importantes.

Des règles saisonnières sont aussi à appliquer, surtout en période estivale touchée par la sécheresse. Placardées un peu partout au milieu des pieds de tomates et des plants de courgettes, des affiches mettent en garde les jardiniers sur leur consommation d’eau. Un arrêté préfectoral datant du 16 mars 2023 interdit l’arrosage sur certaines plages horaires. Le département entre en vigilance vis-à-vis de la ressource en eau. C’est entre 6h et 10h et 18h et 23h seulement qu’ils peuvent faire boire leurs précieux.

Patrick Lhuillier, président des Jardins du Chemin de Fer

Un précieux sésame qu’il faut garder

La liste d’attente varie en fonction de la localisation des jardins. Si pour Patrick, au quartier Febvlotte, cette liste s’étend seulement à une dizaine de personnes à peine, du côté de la Bergeonnerie, les jardiniers affirment qu’il faut attendre parfois plusieurs années pour en décrocher un. Même si cette liste d’attente n’est pas phénoménale aux Jardins Chemin de Fer, hors de question pour Patrick et son bureau de laisser un jardin aux mains de quelqu’un qui n’en prend pas soin. La première année est d’abord provisoire ; un point est fait à la fin de cette année d’essai avec le jardinier pour savoir si le jardin lui convient et s’il souhaite continuer. Parfois, certains jardiniers se laissent dépasser par le jardinage et n’en prennent pas soin. Plutôt souriant, on imagine mal Patrick hausser le ton mais pourtant, le rôle du président est de mettre en garde le jardinier. Il le fait donc à travers un mail. Blague à part, en janvier, le sexagénaire se souvient avoir attribuer un jardin et s’être vite rendu compte que son détenteur laissait des mauvaises herbes et ne cultivait pas, il a donc essayé à travers un courrier d’alerter le jardinier quant à la potentielle perte du terrain, en vain.

« Ça ne m’était encore jamais arrivé », le retraité tente toujours avec bienveillance de faire comprendre aux jardiniers qu’il ne faut pas négliger leur parcelle…mais aussi les surveiller.

Cambrioleurs de légumes

Tous les ans, les jardiniers se font voler une partie de leurs récoltes. Parmi eux, on a retrouvé Samira, jardinière aguerrie même sous 30 degrés. Elle éprouve une certaine résignation. L’année dernière, plusieurs cabanons et jardins ont été vandalisés : « Moi je me suis retrouvée sans tomates, sans aubergines sans poivrons », elle dit être déçue de ne pas avoir le plaisir de récolter le fruit ou plutôt le légume de son travail. Tous les sites y sont passés. « Les citrouilles en période d’Halloween en sont les premières cibles », nous glisse Patrick. Les jardiniers semblent être dans une impasse puisque pour eux, « déposer plainte pour un vol de légumes ça ne sert à rien, on ne va pas aller à la gendarmerie pour des poireaux » s’esclaffe Patrick, lui aussi victime. Frustrés de ce vandalisme, ils veillent davantage les uns sur les autres et continuent de cultiver en espérant, cette année, pouvoir profiter de leur culture.

« C’est convivial, on se donne des conseils entre jardiniers »

Un jardin familial c’est avant tout un lieu de partage de connaissances, d’échanges entre générations et un coin de tranquillité apprécié des adhérents. Depuis deux ans déjà, Samira, possède son jardin sur le domaine de La Riche. Elle avoue, amusée, avoir d’abord eu un jardin avec son compagnon mais qu’ils n’ont pas les mêmes façons de cultiver, c’est donc pourquoi elle a souhaité avoir le sien. Elle a choisi la société des Jardins de l’Espérance. Faisant partie de la même association, les membres discutent souvent entre eux. Samira, panier et grattoir en main, confie que l’ambiance au sein des jardins est « chaleureuse » et qu’elle aime « piquer les conseils » de ses voisins plus expérimentés : « Mohamed, qui est juste à côté, ça fait 30 ans qu’il est là, il donne pleins de conseils ». De son côté, Patrick Lhuillier voit quand même deux groupes se former malgré eux : les retraités viennent plus en journée tandis que les actifs passent le soir et n’ont pas forcément le temps de discuter.

Afin de réunir plus facilement tous les adhérents, certaines associations animent des soirées spéciales. L’amicale du Liège, située à la Bergeonnerie, organise par exemple chaque mois de juin une paëlla pour tous ses membres. Les anciens comme les nouveaux y sont conviés.

Un degré en plus :

Pour vous renseigner sur les jardins rendez-vous sur le site de la ville de Tours : https://www.tours.fr/services-infos-pratiques/276-jardins-familiaux.htm

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