Les enjeux du déconfinement : à quand le (vrai) retour en classe en Indre-et-Loire ?

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« On peut mettre 35 gamins dans une salle de classe mais pas 20 personnes dans une salle de restaurant » : ce message a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux quand Emmanuel Macron a annoncé une réouverture « progressive » des établissements scolaires pour le 11 mai, soit le premier jour du déconfinement envisagé par l’exécutif. Le tout sans donner d’échéance pour le secteur de la restauration ni du tourisme, suscitant pas mal d’incompréhensions et de la défiance. Dans la foulée le gouvernement a précisé son plan, non sans gros cafouillages, hésitations, et déclarations contradictoires. Ce qu’il faut en retenir : pas plus de 15 élèves par classe dans un premier temps, retour en cours non obligatoire ou encore date de rentrée différente selon les niveaux. Alors que le conseil scientifique qui conseille le gouvernement plaide pour une reprise décalée en septembre, le corps enseignant tourangeau est bien obligé de travailler à un plan de reprise printanier. Non sans craintes.

Après deux semaines de vacances scolaires, c’est la rentrée ce lundi en Centre-Val de Loire. Mais les cours de récréation resteront silencieuses. Les salles de cantine aussi. Personne dans les lits des internats ou dans les cars scolaires. En raison de l’épidémie de coronavirus, pas question de remettre les pieds dans les établissements et de ressortir les cartables, il faut travailler à distance (hormis pour les enfants des soignants, des policiers ou des travailleurs sociaux qui peuvent encore être accueillis, mais on en compte à peine quelques dizaines).

Ainsi, l’école à la maison entre plus ou moins dans la routine. Vraie alternative ou pansement sur une jambe de bois ? A Tours, un prof du lycée Vaucanson de Tours a proposé un sondage de confinement à quelques élèves de Terminale qu’il suit régulièrement en visio : parmi les 35 jeunes, 82% se disent motivés par le concept de classe virtuelle, 66% y voient systématiquement un intérêt pédagogique. Aucun ne dit que c’est inutile, pour peu que ce ne soit pas trop long (au-delà d’1h-1h30, plusieurs d’entre eux reconnaissent décrocher). Néanmoins, certains ont du mal à s’habituer : « Clairement c’est plus compliqué de comprendre » fait remarquer l’un d’eux, « Je ne travaille pas plus mais je me concentre plus » dit un autre.

« L’école c’est à l’école. Pas à la maison »

Combien de temps tiendront-ils ? Plus le confinement dure, plus le risque de décrochage est élevé. « Tous les élèves ne sont pas à égalité. Ce modèle creuse les inégalités sociales » éclaire Anne Grandet, prof de français en BTS, syndiquée au SNES en Indre-et-Loire. « En Terminale j’ai 32 élèves sur 34 qui suivent, en 2nde c’est plutôt 2 sur 3 » constate Christophe Dupin qui exerce au lycée Jean Monnet de Joué-lès-Tours. « Le 3e trimestre des 2nde, c’est la période où on travaille l’autonomie, où on commence à leur faire rédiger des textes. C’est décisif et on va le zapper. Pour des élèves au niveau un peu juste ça va manquer » poursuit l’enseignant d’SES. « A force il y a une déconnexion temporelle. Est-ce que certains vont se rappeler qu’on rentre ce lundi ? Pas sûr » redoute pour sa part Anne Bluteau, qui fait cours d’espagnol à des collégiens.

A chaque interview réalisée pour ce papier, la même rengaine : « La reprise ce sera une bonne chose pour le lien humain. Les élèves en ont besoin » dit Anne Bluteau. « L’école c’est à l’école. Pas à la maison » tonne Paul Agard du SNUIPP37. Des enfants n’ont pas le matériel adéquat pour recevoir les cours (« Le collège a dû prêter des ordinateurs car certains n’avaient que le smartphone de leurs parents ») ni les conditions pour se concentrer (« deux parents en télétravail et 3 enfants à la maison c’est compliqué ») sans compter que les profs ont leurs propres difficultés (« nous n’avons pas tous des ordinateurs récents avec casque et micro. Ni une bonne connexion »). Malgré cette impatience, toutes et tous sont sur leurs gardes : « Nous sommes favorables à la reprise mais pas dans les conditions proposées » prévient Jérôme Thebaut, représentant FO37 pour les enseignants.

« Il faut que les profs aient le droit de retrait s’ils estiment qu’il y a un risque »

La crainte c’est celle d’une rentrée mal préparée qui créerait les conditions idéales d’un retour en force de l’épidémie. « Il y a une défiance des parents, à juste titre. Beaucoup d’entre eux n’ont pas l’intention d’envoyer leurs enfants » résume Jérôme Thébaut qui réclame des masques dans les établissements mais surtout des tests généralisés pour les élèves et l’équipe enseignante, voire même des tests quotidiens pour agir au plus vite en cas de résultat positif. Le représentant syndical enchaîne : « Les collègues sont inquiets qu’en cas d’infection d’un enfant c’est sur eux qu’on fasse porter la responsabilité. » « Il faut que les profs aient le droit de retrait s’ils estiment qu’il y a un risque » demande pour sa part Christophe Dupin.

« Plus on discute entre nous, plus on voit des problèmes » note Anne Grandet au SNES. « Admettons qu’on ait les tests, comment faire respecter les gestes barrières ? Les ados c’est leur truc de se confronter. Et puis les couloirs des établissements sont étroits. Et les internats avec les chambres et douches communes ? » énumère-t-elle, rejointe par Philippe Connil du lycée Grandmont de Tours, le plus grand d’Indre-et-Loire (2 400 élèves) : « On navigue dans le plus grand flou. Même avec 15 élèves par classe, ça va être compliqué s’ils arrivent tous à la même heure. » Pour y voir plus clair, une commission hygiène et sécurité doit se réunir début mai.

Pour préparer l’avenir, une réunion départementale ce mercredi

Justement, va-t-on vers une reprise à la carte, selon les particularités de chaque niveau, de chaque établissement ? « Ce qui paraissait simple au ministre ne l’est pas. Chaque jour apporte sa nouveauté. Nous en avons assez des ordres et contre ordres » s’agace Paul Agard. Par exemple, comment gérer des groupes qui viendraient à l’école en alternance, ou comment faire à la fois cours à une moitié de classe en face à face et à l’autre moitié à distance ? « A moins d’être équipés de caméras, je ne vois pas » se tracasse Anne Bluteau. « On ne pourra pas redémarrer comme avant, impossible » poursuit-elle, prévoyant d’appeler certaines familles à haut risque de décrochage pour maintenir le plus de liens possibles. Pendant ce temps-là, le président du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire suggère qu’en collège-lycée ce soient les profs qui changent de salle plutôt que les jeunes pour limiter les mouvements. « Pourquoi pas » répond Christophe Dupin. « Fausse bonne idée », « Du bricolage » pour certains de ses collègues.

In fine, forcément, « on va mettre de côté l’objectif de terminer le programme » constate le prof de Jean Monnet. Selon ce scénario, la remise à niveau se fera alors en septembre. « On saura s’adapter, on a l’habitude de travailler avec des classes hétérogènes » rassure Paul Agard quand on s’inquiète du bilan global du confinement sur les apprentissages. Il est vrai que, comme il le dit, « les profs sont assez imaginatifs » face à une hiérarchie qui semble, elle, avancer à tâtons. Le déconfinement à l’échelle tourangelle devrait ainsi être abordé ce mercredi 29 avril au Conseil Départemental de l4Education Nationale… alors même qu’il ne figure pas à l’ordre du jour, la réunion portant sur la carte scolaire. Mais pour les syndicats cela semble être la seule solution pour avoir, au moins, un début de réponse officielle sur la marche à suivre.

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