« Les blouses blanches en colère noire » : 3 000 personnes à Tours

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C’est un moment fort du déconfinement : la première grande manifestation post-Covid des professionnels de santé et de leurs soutiens. Ce mardi 16 juin, syndicats et collectifs d’usagers appelaient à des grèves et des manifestations partout en France pour réclamer des hausses de salaires et de moyens. Alors que le gouvernement a lancé un Ségur de la santé – vaste plan de réflexion pour l’avenir de l’hôpital – celles et ceux qui sont en première ligne au quotidien voulaient faire entendre leur voix, espérant trouver plus d’écho que lors de leurs précédents – et nombreux – défilés des derniers mois et des dernières années, en particulier ceux de 2019 pendant la grève exceptionnellement longue des services d’urgence. Ambiance dans le cortège tourangeau.

Un défilé qui s’étend du Champ Girault à la Place Jean Jaurès, et une foule relativement compacte. Selon les estimations il y avait près de 3 000 personnes en centre-ville de Tours ce mardi après-midi. Dès 15h, tout a commencé devant l’hôtel de ville avec les discours des représentants syndicaux (CGT, SUD, FO, syndicats de médecins). Les blouses blanches sont nombreuses mais il n’y a pas qu’elles. Quand on fend la foule, on voit des drapeaux de la CGT Retraités, de la Confédération Paysanne, de représentants des artistes et des intermittents du spectacle, quelques profs, des militants de gauche… L’idée : accompagner les revendications des soignants, donner corps aux applaudissements entendus aux fenêtres pendant deux mois, chaque soir à 20h.

3 000 personnes, ça pourrait représenter le tiers de tout l’effectif du CHU de Tours. Mais il ne faudrait pas réduire le mouvement à l’hôpital seul. Parmi les personnels de santé descendus dans la rue : des agents d’EHPAD, des ambulanciers, des aides à domicile, des pompiers… La plupart avec un masque sur le visage, ce dernier servant parfois pour porter un slogan. Rencontres avec quelques manifestantes et manifestants, illustrées par les photos de Pascal Montagne.


Frédérique travaille en EHPAD à Loches

« Je fais ce métier depuis 15 ans. Cet été encore, nous n’allons pas pouvoir prendre trois semaines de vacances parce qu’il n’y a pas assez de monde pour nous remplacer. Pendant la crise du Covid nous avons eu la chance de ne pas avoir de malades dans notre établissement mais la période a été très difficile à vivre pour nous en raison des directives changeantes de l’Agence Régionale de Santé ou du manque de masques. C’était aussi très dur pour les résidents. Certains d’entre eux sont très affectés de ne pas avoir pu voir leurs proches. D’ailleurs, malgré l’annonce d’Emmanuel Macron dimanche, nous ne savons pas encore quand nous allons pouvoir reprendre normalement les visites.


Anita Garnier représente le syndicat Sud Santé du CHU

« Nous avons été malmenés, gazés mais nous n’avons jamais lâché. Depuis un an la grogne ne fait que s’étendre et les réponses du gouvernement sont inadaptées. Ce printemps restera dans notre mémoire collective. Le coronavirus a servi d’électrochoc pour prouver que notre système de santé est à la peine et que nos demandes sont justifiées. Nous n’accepterons pas de propositions au rabais pour la santé. Il faut accentuer la pression. Si nous ne sommes pas entendus, nous continuerons de descendre dans la rue. »

Quand la représentante du personnel évoque la médaille promise par le gouvernement aux personnels en première ligne, des huées s’élèvent de la Place Jean Jaurès. Et c’est pareil quand elle fait référence à l’hommage imaginé pour le 14 juillet. Un peu plus tard, des applaudissements retentissent en tête de cortège, comme ceux du confinement. Une clameur s’élève aussi : « Des sous ! Des sous ! Des sous ! Des sous ! »


L’équipe de réanimation neuro-trauma de Trousseau est venue en nombre

« Si on vient manifester, c’est pour dénoncer le manque de personnel, le manque de moyens. Nous sortons de cette crise très fatigués et la direction n’est même pas venue nous voir. Au plus fort de la crise, les consignes changeaient toutes les heures. Nous les recevions par mail… mais nous n’avions même pas le temps d’aller les lire ! Notre cadre de santé a subitement dû gérer 72 personnes au lieu de 50. Et ce n’est pas fini car maintenant nous devons absorber le retard d’interventions chirurgicales pris pendant le confinement. »

« Ça fait du bien de voir tout ce monde, que les gens sont sensibilisés bien au-delà du monde médical. Les applaudissements c’était ridicule mais là ça fait plaisir. »



Quelques slogans vus dans la foule :

« Mon hosto, ma bataille » – « En colère » écrit six fois sur un même t-shirt – « Travail dégradé + personnel épuisé = résidents en danger » – « Plus jamais ça » – « Macron : les fermetures de lits ça suffit » – « Les applaudissements c’était du vent ? » – « Faisez gaffe les black viokes sont dans la rue » (sic) – « Soignants en colère, patients solidaires » – « Les blouses blanches en colère noire » – « On n’est pas des héros, on veut des euros » – « La crise sanitaire ne doit pas servir de prétexte aux violences policières » – « Le coronavirus faiblit, le Macronavirus sévit » – « Pas de retour à l’anormal »



Karine est infirmière au CHU de Tours

« Je me suis déjà mise en grève mais c’est la première fois que je viens manifester. Je suis à l’hôpital depuis dix ans et les conditions de travail se dégradent, notamment le matériel. Il faut que ça change et qu’on nous écoute. »


Lionel est infirmier de nuit dans différents services

« J’espère que le Ségur va aboutir sur des mesures concrètes. On voit bien qu’il y a un manque de lits, que les patients attendent plus longtemps, que les équipes sont de plus en plus fatiguées. A part les masques et les blouses, la direction du CHU n’a pas trop mal géré la crise mais les difficultés datent d’avant, par exemple il a déjà fallu qu’on se batte pour garder notre cadre de nuit. Heureusement que les syndicats nous ont soutenus.


Sophie travaille pour l’ASSAD-HAD, auprès des auxiliaires de vie et aides à domicile

« Je suis venue pour les soutenir car elles ont été en première ligne sans protections au début alors que les autres soignants en avaient. Il faut qu’elles puissent bénéficier de primes et d’une revalorisation de leur métier. »


Après cette mobilisation massive dans toute la France, les soignants pourraient de nouveau manifester d’ici un mois, autour du 14 juillet. Pendant nos interviews, plusieurs se disaient prêts à un mouvement long. Ce mercredi, une manifestation est également prévue sur le marché de Loches.

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