Ce jeudi 24 octobre, Tours accueille un rassemblement des boulangers de toute la région Centre-Val de Loire. Cette réunion se fera en présence du représentant national de la profession avec de nombreux sujets chauds à l’ordre du jour. Comment va cette profession ? Quelles sont ces difficultés ? On en parle en détails avec une grande interview de Philippe Desiles, à la tête de la fédé tourangelle de la boulangerie et responsable d’une boutique du quartier Velpeau à Tours depuis 4 ans.
Vous êtes président de la Fédération des Boulangers d’Indre-et-Loire depuis un an et demi. Comment ça se passe ?
C’est un bel investissement qui demande beaucoup d’implication. La boulangerie est confrontée à une multitude de problèmes : les difficultés de recrutement, les installations de chaînes industrielles ou les changements d’habitudes de consommation… En 1930 on mangeait à peu près 900g de pain par jour contre 120 à 130g aujourd’hui. En Indre-et-Loire, notre fédération rassemble environ 130 adhérents sur un total de 240 boulangeries dans le département, ce qui est au-dessus de la moyenne nationale.
Quel est votre rôle ?
D’abord entretenir une bonne communication entre les boulangers et les autres organismes qui existent. Nous avons par exemple récréé des liens avec Pôle Emploi (comme nous vous l’expliquons dans cet article sur Info Tours), ou les laboratoires de Touraine. On s’est rendu compte qu’à force d’être tous très impliqués dans nos entreprises on se retrouvait parfois à lâcher les choses importantes. Il faut donc se remettre à communiquer sur les formations qui existent pour les boulangers ou les aides à l’investissement. Des subventions existent mais un grand nombre de professionnels ne les connaissent pas quand ils ont besoin de financer des projets.
Quel est le moral de la profession en Touraine ?
On ne peut pas dire qu’il est au beau fixe mais on ne peut pas non plus dire qu’il est au plus bas. On est tous dans un cycle très difficile à passer entre le manque d’emploi ou les entreprises qui se vendent moins bien et moins vite qu’il y a quelques années, parfois en seulement deux ans. Il y a beaucoup moins de monde qu’avant pour acheter.
Comment l’expliquer ?
La guerre du pain a été déclarée depuis quelques années. La grande distribution avait déjà commencé à se positionner sur le pain dans les années 70 pour attirer plus de clients et elle a pris une grosse part de marché. A cause de ça plusieurs entreprises rurales ont fermé. En ville aussi. Cela fait des mois qu’on s’égosille pour expliquer à certains élus et aux personnes impliquées dans la gestion des villes que les franchises nous font du mal d’autant que la grande distribution, qui a perdu des parts de marché à l’extérieur des agglomérations, se réimplante en centre-ville. Et une fois de plus ça a un impact sur les boulangers.
Quelle serait la solution ?
On ne peut pas empêcher les gens de s’installer, il faut vivre avec son temps. Ce que j’aimerais c’est que des règles soient mises en place. Quand on disait avant un boulanger pour 1 800 à 2 000 habitants, pourquoi aujourd’hui on est harcelé dans tous les quartiers par une supérette ? C’est déloyal. on ne joue pas dans la même cour ! On prône circuits courts, la qualité produits, la taille familiale des entreprises… Les clients s’approprient nos commerces : on dit « je vais chez mon boulanger, chez mon boucher » pas « je vais chez mon supermarché ». Pour moi ces entreprises ne sont bonnes qu’à vende des boîtes de conserve. On leur demande donc de se calmer : laissez-nous notre savoir-faire !
Philippe Desiles.
Ces grandes surfaces tentent d’ailleurs de redorer leur image en embauchant des boulangers qui font du pain sur place ou en mettant l’accent sur la qualité de leurs matières premières…
Elles copient ce qui marchent bien. Mais ici Rue de la Fuye mon pain bio est moins cher qu’en supermarché. Le problème c’est que les gens ne font plus la différence, ils vont vers la facilité. Nos produits sont meilleurs mais il faut se déplacer. Il arrive que l’on me demande si je peux faire un prix pour 10 baguettes achetées. Est-ce que moi en retour je demande à ma vendeuse si elle accepte une réduction de salaire ? Je ne suis pas marchand de tapis : nos prix sont justifiés et je veux que ma vendeuse soit aussi bien payée qu’un cadre dans un bureau.
Le milieu de la boulangerie traditionnelle est néanmoins pointé du doigt car beaucoup de commerçants vendent des produits décongelés…
En Indre-et-Loire nous sommes plutôt de bons élèves car 55 à 60% des boulangeries font leurs viennoiseries maison. Nous comptons 80 adhérents à notre charte Viennoiseries 100% maison. Il y en a d’autres mais certaines boutiques ne peuvent pas afficher le label parce qu’elles utilisent encore de la margarine. Maintenant ça fait partie de notre travail à la fédération d’organiser des formations pour inciter les artisans à faire leurs produits eux-mêmes. Grâce à cela, on a des retours en arrière positifs. En fait on s’est rendu compte que certains professionnels avaient perdu le fil dans l’organisation de leur travail ou subissaient des difficultés à cause du manque de recrutement. On essaie de les convaincre par exemple que produire des volumes moins importants mais maison les aidera à se différencier des grandes surfaces ou des franchises.
Où en est le projet de charte pour mettre en valeur les pâtisseries qui font du 100% maison ?
C’est en cours et cela pourrait aboutir en 2020.
Parmi les 7 sujets à l’ordre du jour ce jeudi il y a la quantité de sel dans le pain…
On baisse le sel dans tous les aliments aujourd’hui mais nous cela fait plusieurs années que nous le faisons. En moyenne on compte 18g de sel au kilo de farine, parfois 16g pour des pains spéciaux mais les consommateurs ne sont pas forcément au courant alors il faut communiquer dessus.
Où en est le projet de reconnaissance de la baguette française au patrimoine mondial de l’UNESCO ?
On attend les retours, ça fait son chemin.
A l’échelle tourangelle, quelle est votre prochain projet ?
Le week-end du 16 novembre nous allons tenter de battre le record du monde du plus grand sandwich aux rillettes pendant le salon Ferme Expo au Parc des Expositions de Tours. Notre objectif c’est d’atteindre 74m soit 2m de plus que l’actuel record détenu dans la Sarthe. L’idée c’est qu’on puisse se tirer la bourre avec eux dans le futur mais aussi de mettre en lumière la filière de la boulangerie et des rillettes, montrer aux gens ce que c’est qu’un produit transformé de qualité.
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