Gregory est originaire de Touraine. Ce Tourangeau exilé à Paris depuis plusieurs années était ce vendredi soir au Bataclan pour le concert de Eagles Of Death Metal. Il a accepté de nous partager son témoignage sur ce qu’il a vécu en ce funeste vendredi 13 novembre :
Alors oui j’y étais, nous y étions, ce vendredi 13 au bataclan, pour voir un de nos groupes préférés. Même après les avoir déjà vus au moins six fois en concert, il ne fallait pas rater ce concert là non plus. On passe toujours un bon moment avec les EODM. C’était le cas… au début. Jesse nous disait comme à chaque fois que l’on était le meilleur public et qu’il nous « Fucking Love You ». Bordel oui, y’avait que de l’amour et du bon rock dans cette salle, on était heureux, on dansait, on chantait… Une série de pétards explose soudainement derrière nous, l’odeur de poudre nous agresse les narines. L’idée de la mauvaise blague s’évanouit en une seconde en comprenant qu’il faut se coucher au sol. J’entraîne avec moi mon amour et mon amie au sol essayant de protéger leurs têtes avec mes bras, leurs disant de ne surtout pas bouger. L’enfer aveugle commence alors. Le bruit et les sons sont pires que tout, les cris, les coups de feux en rafales, une grenade qui explose, les acouphènes répétitifs au rythme des salves de Kalachnikov et de fusils à pompes. La Mort est là, c’est la première fois que je la ressens, comme si je pouvais la palper, elle me fait comprendre qu’elle est partout ici, lorsque le sang chaud du voisin gicle sur mon visage, lorsque qu’une douille brûlante de Kalachnikov tombe dans mon cou et me fait comprendre qu’un de ses sbires et au dessus de nous. Le pire c’est aussi l’incapacité à agir en entendant des personnes touchées, qui agonisent et meurent au fur et à mesure. Une heure trente au sol à ne pas bouger c’est long… Surtout quand la mort se balade et joue aux dés pour savoir sur qui tirer. Alors les coups de feux comme un métronome s’enchaînent et se rapprochent, autant d’exécutions sommaires qui égrainent le temps de l’enfer, jusqu’à cette balle qui frôle et brûle ton dos pour terminer sa course dans le mur. L’insupportable attente de l’aléatoire…
Ensuite un calme relatif ponctué des gémissements continus des blessés autour de nous. L’arrivée des forces d’intervention me soulage et m’angoisse en même temps, car quid des forcenés ceinturés d’explosifs qui ne sont pas là pour s’échapper ? Mais le moment est venu de se relever, malgré les engourdissements des jambes et les poids des corps abattus et tombés sur nous. Pour la 1ère fois depuis une heure trente la vue reprend du service et nous révèle l’étendue du carnage, nous évacuons la salle les mains en l’air dans une précipitation mêlée de peur et d’horreur, enjambant les corps mutilés qui jonchent le sol. Nous sommes sortis sains et saufs, mais oui j’ai eu peur, et j’ai encore peur. Je ne posterai pas de #notafraid, qui pour moi n’est posté que par des personnes qui n’ont pas vécu ces événements directement. En fait je préfère dire #jevaisvivre parce que j’aime trop ça.