« Il faut qu’on change de braquet sur les déchets en Touraine »

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Créée en 2017, l’association Zéro Déchet Touraine compte aujourd’hui une centaine d’adhérents dans le département. Son objectif : encourager la population à réduire ses déchets et inciter les pouvoirs publics à mettre en place des politiques plus vertueuses en la matière. Pas facile car les déchets c’est un serpent de mer en Indre-et-Loire. Pour avancer, ZDT vient de publier un livre-blanc très documenté et répertoriant les mesures qu’elle juge bon de mettre en œuvre. On en parle avec deux responsables de l’association : Sébastien Moreau et Josette Laborieux.

Quel bilan faites-vous des actions menées depuis la création de votre association il y a 6 ans ?

Sébastien Moreau : Un bilan plutôt positif. En 2017 il n’y avait pas de structure réellement positionnée sur des sujets comme compostage partagé et on comptait à peine une dizaine de dispositifs du genre dans le département. Aujourd’hui on en est à plus d’une centaine. Nous avons aussi réussi à gagner la confiance des collectivités locales sur des sujets comme les animations en milieu scolaire et à obtenir des marchés publics sur différents sujets. Nous sommes partis de rien et nous avons désormais 4 salariés pour un budget de fonctionnement de 160 000€. Notre objectif est de faire du militantisme éclaire et je pense que nous avons réussi à innover en posant des brevets comme pour notre Compostou. Notre projet Passplat (contenants réutilisables pour les restaurants ou traiteurs, ndlr) commence aussi à bien marcher avec par exemple 300 boîtes utilisées le 1er octobre pour l’événement Au Tours des Possibles aux Beaumonts à Tours.

Les pouvoirs publics avec qui vous êtes en relation sont-ils à la hauteur de vos attentes ?

La Région, oui, globalement. C’est une des rares qui a passé une convention avec le réseau Vrac et Réemploi pour soutenir la filière des épiceries vrac et des objets consignés. Elle a été très à l’écoute de nos propositions au moment de la rédaction de son plan de prévention et de gestions des déchets puisqu’elle en a repris 80%. En Indre-et-Loire, Touraine Propre a évolué positivement depuis le départ de son ancien président Jean-Luc Galliot (qui était également vice-président de Tours Métropole en charge des déchets ainsi que maire de Notre-Dame-d’Oé avant de quitter la vie politique en 2020). Nous travaillons aussi de plus en plus avec Tours Métropole. Notre regret c’est la mairie de La Riche où nous avons notre siège. A cause d’un maire clivant, en 6 ans, elle n’a pas été à la hauteur de nos attentes alors que ça aurait pu être une vitrine via son centre de tri et sa ressourcerie (qui déménage à Tours cet automne). On attend donc le nouveau maire.

D’ailleurs, le zéro déchet c’est de droite ou de gauche ?

On travaille avec tous les bords. Par exemple, Saint-Cyr-sur-Loire avec son maire (Les Républicains) Philippe Briand est la seule commune qui a pris notre projet de composteur 100% fabriqué en Touraine alors qu’on s’est du mal à le faire produire par un ESAT (établissement employant des personnes en situation de handicap). On travaille aussi avec la mairie de Tours qui nous a mis à disposition un terrain de l’Île Aucard pour créer une plateforme de compostage.

Vous disiez que ça va mieux depuis le départ de Jean-Luc Galliot de Touraine Propre. Vous pouvez détailler ?

Il était très technophile et avait toujours en travers de la gorge l’échec du projet incinérateur qui n’avait pas été au bout il y a près de 10 ans (un dossier fort mal ficelé d’ailleurs). Par la suite il a gardé une rancune tenace face aux associations. Son départ a été une libération. Après, entre les deux périodes de présidence de Martin Cohen, nous avons eu Benoist Pierre avec qui c’était tendu car il manquait de méthode et d’expérience.

Donc aujourd’hui tout va bien avec Martin Cohen ?

Ça va mieux mais on aimerait toujours aller plus vite sur des points qui nous tiennent à cœur comme la tarification incitative qui fait payer les ordures ménagères selon le volume réellement jeté. Cette technique a montré ses preuves avec 20 à 40% d’ordures résiduelles en moins sur les territoires qui l’ont mis en place. C’est ce que dit l’ADEME. On aimerait aussi accélérer sur le compostage. On a un potentiel de 10 000 sites partagés dans le département et on en compte seulement une centaine.

Justement le compostage va devenir obligatoire pour tout le monde en 2024…

Ça c’est un cas d’école d’une réglementation qui se fixe des objectifs inatteignables par manque de moyens de pression sur les acteurs censés mettre en œuvre les mesures, soit les collectivités locales. On n’y sera pas mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas essayer.

Alors que faut-il faire ?

Jostette Laborieux : Que les élus soient formés, que tout le monde soit bien au fait de la prévention. Il faut inciter à diminuer la collecte déchets verts à la porte des foyers. En parallèle développer la tarification incitative, accompagner les citoyens… Par exemple leur montrer que c’est possible de composter les déchets verts sur leur propre terrain, car bien souvent ils ne savent pas faire. Faut beaucoup d’accompagnement par la pédagogie et sur ce volet-là il n’y a pas assez de budgets déployés.

La tarification incitative est souvent refusée en bloc par des associations de riverains voire des élus. Parmi les arguments : le fait que les gens iront déposer leurs déchets ailleurs pour ne pas payer. Comment pensez-vous rendre cette mesure acceptable ?

Sébastien Moreau : Il faut se référer aux expérimentations passées. Les faits disent qu’en effet ce type de phénomène est observé les deux premières années après l’entrée en vigueur de la mesure mais que ça dure rarement au-delà… et ça durera d’autant moins si les pouvoirs publics mettent en place des mesures de prévention en amont contre les dépôts sauvages et qu’ils sont fermes sur la réponse pénale pour tout auteur de ce type d’infraction. Si on n’a pas mesure de mesure en amont, si on ne recrute pas de nouveaux ambassadeurs, si on refuse cette mesure pour des raisons électoralistes on n’y arrivera pas. Mais ce n’est pas une fatalité.

Josette Laborieux : En attendant c’est dommage de pénaliser les citoyens qui se comportent bien. Ils payent pour les autres.

Sébastien Moreau : Le système actuel est injuste pour les ménages qui font l’effort de réduire leurs déchets à la source et payent le même tarif de taxe des ordures ménagères que celles et ceux qui ne font aucun effort et même. Quant aux dépôts sauvages, ils existent déjà avec une forme d’impunité. Mettons-y fin ! Il faut se lancer. Il n’y a plus qu’à donner l’impulsion politique. Par exemple, tout est déjà en place pour ça dans la communauté de communes Touraine Vallée de l’Indre. Si on traîne, on ne pourra plus bénéficier des aides de l’Etat qui existent depuis 2018.

En attendant, êtes-vous favorable à une augmentation de la taxe sur les ordures ménagères, comme Tours Métropole l’a fait il y a deux ans ?

Tout dépend pourquoi. A budget constant, on pourrait déjà augmenter la prévention. Aujourd’hui c’est 1 à 2% des sommes dépensées. On demande 5% du coup ça réduirait le budget des collectes, par exemple en supprimant le porte à porte des déchets verts qui ne profite qu’aux plus aisés. A la place on peut apprendre aux gens à les valoriser en broyat ou en compostage. Clairement, aujourd’hui, j’estime qu’on ne paye pas assez cher pour la collecte et la gestion de nos déchets. Si demain la redevance incitative coûte plus cher mais en laissant aux ménages la possibilité de réduire la facture en diminuant leurs ordures on enclencherait un cycle vertueux. Il faut que ce qui nuise à l’environnement coûte plus cher que ce qui lui est bénéfique.

D’ailleurs comment se sortir du problème tourangeau concernant les sites d’enfouissement qui arrivent à saturation ?

Si au lieu de perdre du temps on avait eu une politique ambitieuse de réduction des déchets on aurait pu faire durer ces sites jusqu’en 2050. On a gaspillé ces capacités de stockage. Par exemple à Rennes ils sont à -6% d’ordures ménagères par an sur 3 ans. Si on faisait ça dans Tours Métropole on diminuerait de 50% nos déchets d’ici 2030. Au rythme actuel il faudra attendre 2070. On gagne 40 ans.

L’autre solution c’est la réduction des déchets à la source. Le meilleur déchet c’est celui qui n’existe pas, entend-on parfois. Mais vos initiatives comme Passplat ou les consignes ReBout que vous soutenez ne semblent toucher qu’un public initié déjà sensibilisé… Comment aller plus loin ?

Passplat on va essayer de le proposer à des entreprises ou à de l’événementiel. Aux Beaumonts on a eu 98% de taux de retour et des food trucks enchantés. C’est vrai qu’on doit aussi mener des initiatives en dehors des milieux favorisés et écologistes. On le fait déjà en travaillant avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse ou des jeunes avec un handicap mental mais aussi sur des événements comme le festival Terres du Son ou le tournoi de rugby à 7 Howard Hinton Sevens. On a même travaillé avec Burger King et aujourd’hui avec Ikea.

Un degré en plus :

Zéro Déchet Touraine a par ailleurs une campagne de financement participatif en cours pour son projet de contenants réutilisables pour repas Passplat. Plus d’infos sur le site Internet de l’association www.zerodechettouraine.org.

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