Cette semaine, en conseil municipal, le maire de Saint-Pierre-des-Corps a confirmé que plusieurs projets étaient actuellement en réflexion sur l’avenir des Magasins Généraux de la SNCF, dont un projet porté par l’entreprise privée Vinci. De quoi faire réagir son opposition, mais aussi une partie des habitants de la ville, attachés à ces bâtiments, symboles du patrimoine et de l’histoire industrielle et ferroviaire de la commune.
Une histoire riche, entamée dans les années 1920, que nous vous avions raconté dans cet article ci-dessous :
La naissance du Magasin Général
Afin de rationaliser au mieux son approvisionnement en pièces nécessaires au fonctionnement ferroviaire, la Compagnie des Chemins de Fer de Paris-Orléans (P.O) décide en 1922 de regrouper ses magasins d’approvisionnement, jusque là répartis en cinq centres. Le magasin Général de Saint Pierre des Corps issu de cette réflexion est alors construit entre 1924 et 1926 par la compagnie P.O. Il absorbe les magasins de Choisy-le-roi, de Périgueux et de Paris.
A la suite de la création de la SNCF en 1937, la France est découpée en cinq grandes régions ferroviaires en reprenant les anciens réseaux privés. Le Magasin Général de Saint Pierre des Corps, devient le lieu d’approvisionnement, en compagnie de celui de Bordeaux, pour la région Sud-Ouest.
Le Magasin Général dans les années 20. (c) Dimitri Daveau
Pourquoi Saint-Pierre-des-Corps ?
Saint-Pierre-des-Corps depuis l’arrivée du train dans la commune en 1856, n’a cessé de voir le chemin de fer prendre de l’importance. La ville est devenue au fur et à mesure un nœud majeur du réseau français, si ce n’est l’un des plus importants dans la première moitié du XXe siècle. L’installation d’un camp de soldats américains lors de la Première guerre Mondiale est déjà étroitement liée à la présence des voies ferrées. En 1911, le P.O installe ses ateliers de réparation sur la commune (aujourd’hui le technicentre). La décision d’y installer le Magasin Général des Matières en est une continuation logique.
Plan du nœud ferroviaire de Saint Pierre dans les années 1930
A plus grande échelle, le choix du site s’explique tout aussi rationnellement. La volonté du P.O était évidemment de lier son magasin au réseau ferroviaire. L’espace au sud des voies ferrées alors peu urbanisé fut choisi tout en prenant soin d’éloigner le Magasin Général de la proximité immédiate de la gare afin d’anticiper un développement ultérieur des installations de cette dernière.
Plan de la fin des années 1920, avec le Magasin Général nouvellement créé.
Un Magasin Général, c’est quoi ?
Un magasin général assurait la liaison intermédiaire entre les fournisseurs et les utilisateurs de toutes sortes d’articles nécessaires à l’exploitation ferroviaire. Un magasin général était ainsi un entrepôt, une vaste quincaillerie qui stockait et centralisait des milliers de pièces différentes : des goupilles, des essieux de locomotive, du bois, de la peinture, des literies, des produits chimiques, des boulons… en vue de les redistribuer par la suite aux services ferroviaires demandeurs.
Magasin général ou magasins généraux ?
Si les deux appellations sont souvent employées sans distinction pour parler de ces lieux, la dénomination officielle est « magasin général des matières pour le service du matériel et de la traction ».
Le terme « magasins généraux » est pourtant le plus employé par la population. Le fait que le site longe la rue des magasins généraux n’étant sûrement pas innocent face à cette erreur sémantique. Il semblerait aussi que pour le lambda, le terme « magasins généraux » se réfère à l’ensemble du site, tandis que celui « magasin général » serait lié lui uniquement au bâtiment principal.
Pour les cheminots en revanche, il ne fait aucun doute que l’appellation du site est uniquement « le magasin général » comme le mentionne Dimitri Daveau en reprenant le travail de Mikaël Le Gloahec (références en fin d’article). Ces deux derniers évoquent également dans leurs travaux, deux autres noms pour ces lieux : La Grange Quillet et le surnom de « la prison » pour le bâtiment principal.
Un site de 15 hectares
Le site du Magasin Général de Saint Pierre des Corps, c’est 15,3 hectares de terrain sur lequel se dispersent plusieurs bâtiments et des infrastructures dans une organisation précise.
Plan du site. source : La Vie du Rail, février 1962
Cette organisation s’est faite par rapport aux voies ferrées. En effet, les produits reçus et expédiés se faisaient par rails : Les wagons arrivaient et repartaient par les voies les plus au nord, puis en fonction de leur nature, les produits étaient acheminés ensuite par chariots transbordeurs et stockés en divers endroits.
Le site avait quatre bâtiments :
Le bâtiment A, le principal et le plus emblématique, recevait les produits de détail ainsi que ceux ne pouvant supporter les intempéries. Il a été conçu entre 1924 et 1926 par l’ingénieur Eugène Freyssinet. Le bâtiment de 1926 était long de 120 m et large de 50 m, la superficie couverte totale représentait près de 18 000 m2 d’entreposage répartis sur 3 niveaux. La caractéristique principale et l’originalité de ce bâtiment en béton tient à son toit composé de verrières voûtées et inclinées appelées sheds. Ils permettaient à la lumière de rentrer en permanence.
Le bâtiment, comme l’ensemble du site subit les bombardements de la 2nde guerre mondiale. Celui du 11 avril 1944 qui ravagea la ville de Saint Pierre fut le plus terrible et endommagea fortement le Magasin Général. Le bâtiment A fut reconstruit et agrandi en 1948. Cette extension lui donna l’aspect qu’on lui connait aujourd’hui avec près de 35 000 m² de surface totale.
Le Magasin Général après le bombardement du 11 avril 1944. (c) Dimitri Daveau
Le bâtiment B situé au sud du site était le bâtiment pour le stockage du bois. Composé de deux hangars reliés par une travée centrale, c’était le deuxième bâtiment en superficie avec 7400 m².
Le bâtiment C (deux hangars jumelés) faisait 2700 m². Il était celui pour le stockage des peintures et des produits chimiques.
Le bâtiment D, appelé le hangar aux avions était utilisé pour stocker des matières diverses. D’une superficie d’à peu près 2000 m², son histoire est originale puisque c’était un hangar d’aviation construit par la Royal Air Force qui l’offrit à la SNCF après la guerre. Depuis décembre 2013, dans ce hangar est stocké la Locomotive Pacific 231E41.
Le stockage de certains produits se faisait également à l’extérieur sous les ponts roulants.
Un degré en plus :
> D’autres photos des lieux datant de 2012 ici