Hébergement d’urgence : le Covid a réussi ce qui était impossible en hiver

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La pandémie que nous vivons en ce moment génère des situations auxquelles nous ne sommes pas habitués. D’un côté il y a tous ces écueils à affronter (hôpitaux débordés, économie à l’arrêt, précarité en hausse), de l’autre des actions de solidarité à l’ampleur inédite qui ont permis – par exemple – de mettre un très grand nombre de personnes à l’abri dans un hébergement d’urgence. Jusqu’à quand ?

Dans les derniers jours du confinement, un campement de fortune en bord de Loire à Tours. Un groupe de SDF y passe la journée au milieu des tentes et des canapés. Ambiance plutôt détendue. Ces jeunes-là dorment dehors, mais c’est une exception. « Les personnes encore à la rue sont celles qui refusent un hébergement ou qui en ont été exclues, par exemple à cause de leurs addictions » observait quelques jours plus tôt Marie-Paul Legras-Froment, la présidente d’Entraide et Solidarités. Cette association gère le standard départemental du SAMU social, le 115. Depuis le début de la crise, son équipe trouve systématiquement un lit aux personnes qui appellent alors qu’en temps normal il oppose des dizaines de refus chaque jour, parfois plus de 100, même quand le thermomètre descend très bas.

Sans abris, déboutés du droit d’asile, mineurs étrangers isolés… Avec l’apparition du coronavirus et l’instauration du confinement, l’Etat a déployé un plan d’hébergement d’urgence inédit et sans conditions en réservant des chambres d’hôtel ou en ouvrant le gymnase Racault de Tours aux hommes accompagnés de chiens. Il a également proposé un accueil 24h/24 sans remise à la rue pendant la journée. Au total 200 places ouvertes. Des mesures pour protéger ces publics vulnérables de toute contamination ce qui semble avoir été efficace en Indre-et-Loire : aucune infection n’aurait été clairement recensée.

Capitaliser sur le confinement pour construire un plan durable ?

Malgré la gravité de la situation sanitaire, la situation apparait comme une aubaine pour les acteurs sociaux : « On a une vraie photo des personnes sans solution » constate Marie-Paul Legras-Froment, ce qui a favorisé la mise en place d’un soutien sur la durée.

« On s’adresse à des personnes que l’on connait mais qu’on ne rencontre habituellement qu’en période de grand froid. Depuis des années on dit que l’urgence c’est bien mais que le plus important c’est que les gens posent leurs valises et qu’on puisse leur proposer un accompagnement. Tant qu’on sera dans l’assistanat, on ne pourra pas faire avancer les choses. Si on donne le droit à ces personnes d’accéder à l’insertion elles pourront décrocher un travail et un logement. » 

Parmi les projets en cours : l’idée d’un partenariat avec le monde agricole qui s’est retrouvé sans main d’œuvre étrangère et qui pourrait pallier ce manque par l’embauche de salariés en réinsertion.

La trêve hivernale, les règles et les moyens qui vont avec ont été prolongés jusqu’au 10 juillet. Chaque semaine supplémentaire plaide en faveur de l’élaboration d’un plan à long terme pour la solidarité en Indre-et-Loire : « Capitalisons sur ce qu’on a sur faire pour construire un vrai accueil pour demain » insiste Marie-Paul Legras-Froment qui a sollicité la préfecture d’Indre-et-Loire et Tours Métropole pour marcher de concert avec les autorités. « On essaie d’anticiper car on ne veut pas revivre la situation d’avant. »

Une hausse inquiétante de la précarité

Vu la situation économique, il y a une crainte réelle d’observer une hausse des situations précaires. Les Restos du Cœur d’Indre-et-Loire recensent 850 nouveaux bénéficiaires depuis mars. La Table de Jeanne-Marie qui distribue des repas depuis sa base de Febvotte est débordée, avec beaucoup de demandes de personnes inconnues. Le mouvement Tours Ensemble contre le Covid-19 animé par Claire Lefranc a également été sur tous les fronts avec 150 actions en deux mois (livraisons de colis alimentaires, distribution de masques…). « Nous nous interrogeons à présent sur l’avenir d’un tel dispositif citoyen, de son importance au sein de la société de demain, sur la place fondamentale de la cohésion, qui s’est révélé être la pierre angulaire du système actuel au vue de ce que nous venons de traverser tous ensemble » écrit la jeune femme. L’idée pourrait être une large coordination entre structures et compétences, notamment pour pérenniser ce fameux accueil 24h/24 sans rupture entre le lieu où l’on passe la nuit et celui où on reste le jour.

Cette volonté, c’est celle qui est brandie depuis des années par des associations tourangelles militantes comme Chrétiens Migrants ou le Collectif Accueil Sans Frontière en Touraine (qui réclame, depuis le confinement, un processus élargi de régularisations des sans-papiers). « Pour une fois les associations subventionnées envoient le même message que nous » constate Marine Faudet d’Utopia 56 qui accompagne les jeunes étrangers isolés. La bénévole espère que cette pression commune aura un effet sur les décisions de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale.

La crainte de sorties sèches de l’hébergement d’urgence spécial Covid

En attendant, les structures associatives poursuivent leurs actions individuelles, parfois en marge des pouvoirs publics. C’est le cas d’Utopia 56. « Grâce » au coronavirus, les 20 jeunes non reconnus mineurs qu’elle suivait et qui squattaient au Plan B dans le quartier Velpeau ont pu être hébergés par l’Etat. « On poursuit l’accompagnement à distance. Chaque jeune a un bénévole qui le suit » nous explique Marine Faudet. Cela passe par l’apport de petits colis en cette période de ramadan ou un soutien scolaire via l’équipe de l’école alternative de l’association, indispensable pour ne pas perdre les acquis et espérer entrer en formation qualifiante ouvrant la voie à l’obtention d’un titre de séjour.

En procès avec le propriétaire du Plan B (l’audience prévue le 7 mai a été repoussée en raison du confinement), Utopia 56 surveille de près l’évolution de la situation au point d’avoir organisé une manifestation en ligne. « Clairement notre combat c’est que ces jeunes et les autres gens ne soient pas remis à la rue. On a peur d’une sortie sèche » lance Marine Faudet qui pense par ailleurs « aux 24 jeunes hébergés dans des familles solidaires qui attendent également des solutions et qu’on invisibilise. Pour eux il n’y en a toujours pas » Ce qui vaut aussi pour les personnes accueillies par des paroisses ou d’autres réseaux. Quant aux recours déposés pour faire reconnaître des minorités refusées par le Conseil Départemental, ils sont en souffrance avec le ralentissement de l’activité judiciaire.

Malgré des avancées, le coronavirus est donc loin d’avoir réglé tous les problèmes. Jusqu’à quand la DDCS d’Indre-et-Loire va maintenir son plan spécial Covid ? Quel est son coût et est-il supportable sur le long terme ? Quelles pistes pour l’avenir ? Quelle politique d’Etat ? Autant de questions qu’il reste encore à trancher.

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