Emeutes en Touraine : après le choc, l’heure de la reconstruction

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Mercredi 29 et jeudi 30 juin les villes de Tours, Joué, La Riche, Amboise et St-Pierre-des-Corps ont connu deux nuits très violentes avec incendies de poubelles, feux de voitures et saccages de commerces. Des événements en réponse à la mort du jeune Nahel, tué par un policier en région parisienne. Depuis, quelques incidents ont encore eu lieu mais ils ont été bien plus isolés, en particulier grâce à la mise en place d’un énorme dispositif policier. « Les violences sont derrière nous » commente d’ailleurs le préfet d’Indre-et-Loire, désormais concentré sur la reconstruction. Des âmes comme des biens.

Attendu à 16h10, le préfet arrive à la Rabière avec plus de 40 minutes de retard. Ce mercredi après-midi Patrice Latron a voulu rencontrer des commerçants victimes des émeutes liées à la mort de Nahel. Il s’est d’abord rendu dans le Super U du Beffroi à Tours-Nord puis fait donc une deuxième étape en Jocondie, ville de 39 000 habitants où une vingtaine de commerces ont été ravagés. Les stigmates sont toujours là : grandes planches en bois Rue Gamard près de l’arrêt de tram Rotière, odeur de brûlé prégnante, boutiques fermées et traces de suie à la Rabière. Et ce malgré les efforts de nettoyage des agents de Tours Métropole : « Ils étaient partout en même temps » salue le président de l’agglo Frédéric Augis, également maire à Joué. Mais impossible d’effacer le plus gros.

Sur place, la vie semble avoir repris son cours. Le bar Le Pénalty a été dévasté mais il y a une terrasse avec moult tables en plastique et du monde sur les chaises. La boulangerie fonctionne. L’épicerie aussi. En revanche la pharmacie est fermée avec délocalisation temporaire de ses livraisons dans la boutique d’à côté. Le tabac-presse a également dû interrompre ses activités. Quant à la boucherie, son gérant travaille mais évoque une reprise « timide » après les événements de fin juin. « On nous a coupé une jambe » confie-t-il.

Il y a du monde autour du préfet et des élus. Les commerçants mais aussi plusieurs habitants du quartier venus témoigner. Beaucoup s’alarment de la situation : « Ils ont attaqué les commerces où vont leurs mères pour faire leurs courses. Leurs lieux de vie. » La pharmacienne raconte qu’il a fallu attendre 2h du matin pour éteindre les flammes. Le préfet concède que les pompiers ne pouvaient pas venir avant, obligés d’être escortés par la police. Des forces de l’ordre « débordées » le soir du 29 juin (et ce n’est pas souvent qu’un représentant de l’Etat avoue ce genre de choses).

« Les violences sont derrière nous » annonce (et espère) Patrice Latron face aux acteurs économiques, promettant que certains auteurs seront retrouvés grâce aux caméras de surveillance : « Il y en a qui vont tomber. La police enquête. » Mais ça ne résoudra pas tout, et il le sait. S’il est venu à leur rencontre c’est donc pour préparer l’après sur l’aspect économique. Par exemple comment rouvrir la pharmacie ? « Mon assureur m’a déjà dit qu’il n’assurerait pas un algeco » témoigne la gérante. Au tabac-presse, on s’inquiète des demandes de paiements qui affluent alors qu’il n’y a plus aucune rentrée d’argent. « Ma banque me propose un crédit mais comment rembourser sans revenus ? » raille le responsable.

En face, le représentant de l’Etat relaie la communication des dispositifs nationaux : suspension des paiements de charges, chômage partiel… « Je sais que ça ne vous aidera pas à dormir la nuit » concède Patrice Latron. Lundi 10 juillet il y aura une réunion avec les banques et les assurances afin de mettre la pression sur ces grandes entreprises pour qu’elles jouent le jeu. Tous les commerces victimes des émeutes y sont conviés.

Pour la Rabière, le grand stress c’est le calendrier : les assurances s’engageraient pour des soutiens sur 2 ans mais il faudra attendre 3 ans avant l’inauguration du nouveau centre commercial promis dans le cadre du projet de rénovation du quartier. Trop long… Le préfet s’engage donc à voir comment les procédures peuvent être accélérées. Là-encore en insistant sur le faire qu’il ne « promet pas la lune », simplement « qu’il y a peut-être une opportunité car il y a de l’argent à l’ANRU. »

Et plus globalement, c’est la question de comment reprendre en main la situation dans les quartiers qui préoccupent préfecture et élus depuis les violences. Ce vendredi 7 juillet, une réunion rassemblera les 5 maires touchés avec la préfecture et d’autres institutionnels. Et on se demande : le dispositif des quartiers de reconquête républicaine, qui était justement censé apporter plus de sérénité, n’est-il pas déjà dépassé voire en échec ? « Non » répond Frédéric Augis qui invoque la concurrence inter-quartiers via les réseaux pour expliquer un tel déchaînement de violence. Tout de même, le maire jocondien s’est demandé « si je n’avais pas raté quelque chose ». Un discours qu’il a partagé avec ses collègues lors d’une « thérapie collective » ce mardi à l’Elysée. « Emmanuel Macron n’avait pas de solution mais il nous a écoutés » retient-il.

Sur le terrain, on attend les actes. Avec impatience et fébrilité.

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