[Dossier 3/4] Une santé régionale à la bonne température ?

Facebook
Twitter
Email

Retrouvez le dossier principal du magazine papier 37° n°10 automne-hiver 2023-2024, consacré à la santé en région Centre-Val de Loire.

Infirmière libérale, un quotidien à cent à l’heure 

Injections, pansements, prises de sang… Depuis 20 ans, Ghislaine, infirmière libérale, prodigue les soins nécessaires à ses patients d’Athée-sur-Cher lors de ses tournées, toujours ponctuées d’imprévus. Nous l’avons suivie.

Il est 8 h 30, un mercredi matin de septembre, lorsque Ghislaine, infirmière libérale à Athée-sur-Cher, arrive chez une patiente. La professionnelle de santé pousse la porte d’entrée et demande des nouvelles, avant de réaliser les gestes nécessaires pour le soin : un contrôle de la glycémie, puis une injection d’insuline. Quelques minutes plus tard, elle remonte dans sa voiture, direction une autre maison de la commune. Là-bas, elle pose un pansement et promet à sa patiente de revenir plus tard pour lui enfiler ses bas de contention, une fois sa radio prévue dans la matinée passée. L’infirmière n’en est pas à ses premiers soins. Elle est sur le pont depuis 6 h 50 déjà. 

Ghislaine voit une quarantaine de patients par jour. Certains sont réguliers, d’autres plus ponctuels. Le contact avec eux, c’est l’une des choses qu’elle apprécie le plus dans son métier. « Je pense que le lien avec les patients est plus fort en milieu rural. En plus, ils me connaissent car je suis ici depuis vingt ans. Je suis aussi une fille du coin, cela a facilité mon introduction car, au départ, ils nous jaugent. Nous rentrons chez eux, c’est donc parfois perçu comme une intrusion », raconte la professionnelle de santé, s’interrompant pour saluer des habitants à travers la fenêtre de sa voiture. La relation est d’autant plus forte que les infirmières sont parfois la seule présence de la journée pour les personnes isolées. Celle qui est installée à la maison médicale de l’égalité se souvient d’un patient qui achetait des pâtisseries pour les faire rester, elle ou ses collègues, et discuter un peu. Une compagnie essentielle pour cet homme seul, qui finissait par demander des ordonnances même quand il n’avait plus besoin de soins. « Les patients nous voient arriver comme le messie car ils se disent qu’ils vivent à la campagne mais qu’ils sont bien soignés quand même. Ils sont reconnaissants et, aujourd’hui, c’est ce qui prime, au-delà du salaire », indique l’Athégienne. Une dame le confirme d’ailleurs après sa visite : « Nous ne pourrions pas nous passer d’elles. » 

Des soins variés 

Au fil de sa tournée, l’infirmière de 59 ans prodigue différents soins : poses de pansements, injections, prises de sang… Ce sont les actes médicaux les plus fréquents mais elle peut également se charger de l’ablation de fils ou d’agrafes, s’occuper de la pose et de la surveillance d’une perfusion ou d’une sonde urinaire, mettre en place une chimiothérapie à domicile ou assurer la préparation d’un pilulier. Au cours de sa carrière, Ghislaine a vu son métier évoluer. « Nous effectuons aujourd’hui des soins plus variés, que l’on ne faisait pas avant car les gens restaient plus longtemps à l’hôpital. Nous devons accepter de devenir de plus en plus technicienne », témoigne-t-elle. Mais le rôle de la professionnelle de santé va bien plus loin et dépasse parfois la sphère médicale. « Nous allons chercher du pain, des sacs jaunes à la mairie… L’autre jour, un patient avait envie de moules, alors je suis allée lui en acheter », énumère-t-elle, en guise d’exemples. Elle pense aussi à Catherine, l’une de ses collègues, qui a créé un groupe de marche pour les patients. 

Entre les visites à domicile, Ghislaine retourne parfois à la maison médicale d’Athée-sur-Cher, où elle partage son cabinet avec deux autres infirmières. Ce mercredi matin, après près de quatre heures de travail, elle y retrouve deux patients pour des prélèvements sanguins. Elle y arrive avec quelques minutes de retard car, être infirmière, c’est aussi devoir gérer quelques imprévus. Comme cette dame qui n’arrive plus à se lever de son lit et dit avoir mal au dos. « Il n’y a pas un jour où tout roule comme prévu. C’est plus ou moins grave, parfois c’est juste une prise de sang en urgence, mais il y a toujours quelque chose à gérer. » La quinquagénaire prend alors le temps d’essayer de comprendre ce qui se passe et de trouver une solution pour soulager ses patients. Ce jour-là, elle aide la personne bloquée à s’installer dans un fauteuil roulant, avec le nécessaire pour s’alimenter et s’occuper. Elle reviendra plus tard dans la matinée afin de voir comment les choses ont évolué. Elle appelle par ailleurs des professionnels de santé qui suivent cette patiente ainsi que sa fille, pour les informer de la situation. Car la relation avec les familles prend également une place importante dans le quotidien de Ghislaine. 

Plus de 150 km par jour 

Après son passage express à la maison médicale, l’infirmière arpente de nouveau les rues athégiennes. Elle fait entre 150 et 200 km par jour. « C’est le problème du rural, nous faisons beaucoup de route. Ici, nous sommes sur une commune très étendue », reconnaît-elle. Toute cette route engendre des frais, entre l’essence, l’assurance professionnelle et l’entretien de la voiture. Elle ne perçoit pourtant qu’1,25 € par trajet. L’indemnité forfaitaire de déplacement et l’indemnité kilométrique n’ont pas été réévaluées depuis 2012. Tout comme le tarif des actes médicaux infirmiers (AMI), qui n’ont pas été revalorisés depuis 2009. Un contrôle de glycémie et une injection d’insuline coûte, par exemple, 8,80 €, mais l’infirmier ne touche que la moitié, soit 4,40 €, après déduction des charges. De plus, seul l’acte médical est rémunéré, le temps passé avec les patients, lui, ne l’est pas. « La cotation ne correspond plus à la réalité du terrain. Quand on divise par deux les tarifs, c’est dérisoire, regrette Ghislaine, qui rappelle que les infirmiers assurent les soins sept jours sur sept et 24h/24. Depuis la Covid-19, rien n’a été fait pour les libéraux. » 

« Il n’y a pas un jour où tout roule comme prévu. »

Pourtant, la professionnelle de santé ne reviendrait en arrière pour rien au monde. Elle commence sa carrière à 21 ans, au service gynécologie de l’hôpital Bretonneau, à Tours, avant de travailler aux urgences de Clocheville. Elle passe ensuite quelques années dans les blocs opératoires de chirurgie cardiaque, à Paris, puis rejoint les blocs d’une clinique en Touraine. Elle se lance finalement en tant qu’infirmière libérale, à Athée-sur-Cher, il y a vingt ans. « C’est allé très vite. Je venais d’acheter une maison dans le coin et le maire est venu me voir. Une infirmière arrêtait son activité, il avait donc un cabinet à me proposer pour que je prenne la suite », se rappelle-t-elle. Une proposition qu’elle accepte et qu’elle ne regrette pas. « J’ai une certaine liberté et j’adore le contact humain. À l’hôpital, nous passons moins de temps avec les patients, nous les connaissons moins car c’est un patient à un instant T. Nous ne connaissons rien de leur vie, de leur famille. Je me rends compte que ce contact était la pièce du puzzle qui manquait à ce métier que j’aime. » Le travail en équipe avec les médecins de la maison médicale, le fait de se sentir utile, les responsabilités qui pèsent sur ses épaules et la confiance que lui donnent ses patients sont aussi des sources de motivation.   

À 13 h 30, ce mercredi-là, Ghislaine rejoint une nouvelle fois son cabinet. Elle nettoie et stérilise ses instruments, avant de reprendre les visites, jusqu’à 15 h environ. Elle s’accordera ensuite une pause, qu’elle consacrera à l’administratif. « Je recontacte des patients et appelle des médecins, je fais des renouvellements d’ordonnance, de la paperasse… », détaille-t-elle. Deux heures plus tard, il faudra déjà reprendre la tournée, jusqu’à 21 h. « C’est une vie très particulière. Si tu n’aimes pas ton métier, ce n’est pas possible de tenir. Il faut avoir cette notion de contact, de service et cette envie de soulager l’autre. »

Facebook
Twitter
Email

La météo présentée par

TOURS Météo

Inscription à la newsletter