Des maraudes grand froid qui réchauffent les coeurs

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Début janvier, l’hiver s’est bien rappelé à nous. Jusqu’à -4° degrés certains jours. Même si les températures ont de nouveau augmenté, la saison hivernale reste compliquée pour les personnes sans domicile fixe qui ont été confrontés à la vague de froid qui a glacé les premières semaines du mois.
Alors que plusieurs départements de la région Centre-Val-de-Loire sont concernés par le plan grand froid depuis le 8 janvier, les associations d’Indre-et-Loire renforcent leurs actions. La Croix Rouge organise depuis plusieurs semaines, des maraudes « grand froid » qui s’ajoutent à celles déjà existantes. Nous avons suivi l’une d’elles.

Rencontre chaleureuse avec « les indigents  »

Avec pour beaucoup des histoires de vie qui dérapent, les bénéficiaires du SAMU social sont pour la plupart des personnes sans domicile fixe. Dominique les appelle « les accidentés de la vie ». Nous rencontrons plusieurs d’entre eux tout au long du parcours. Dès notre premier arrêt place Rabelais, Chifolo, avec sa longue barbe grise et Emilie de ses grands yeux bleus s’approchent du camion. Ils connaissent la plupart des bénévoles qui leur proposent un café pour se réchauffer. Après quelques minutes, le couple fait le point avec Paul, le responsable de la maraude sur leur situation. Tous les deux sujets aux addictions, même s’ils avouent avoir beaucoup de mal à en sortir, sont en sevrage depuis quelques mois.

« J’ai fait des études tu sais, j’ai un master en hôtellerie restauration spécialisation oenologie » 

Emilie, bénéficaire

« J’ai fait des études tu sais, j’ai un master en hôtellerie restauration spécialisation oenologie » me lâche Emilie au cours d’une conversation, comme pour prouver qu’elle a pourtant suivi le modèle de société « classique ». Lorsqu’elle m’explique que des événements personnels sont venus perturber sa vie de cadre, les larmes lui montent. A la rue depuis le mois d’août, Emilie n’a de liens que très compliqués avec sa famille et s’est fait voler toutes ses affaires. La rupture sociale est donc très compliquée sans les papiers ni souvenirs qui étaient dans ses valises. Si elle a rencontré quelques mois plus tôt Chifolo, lui à la rue depuis 15 ans, elle y a trouvé un réconfort face au mépris des passants où elle fait la manche. 

« Entre 5 et 10 heures par jour de manche, c’est épuisant quand on a même pas un sourire. On est les indigents » 

Emilie & Chifolo, bénéficiaires

« Entre 5 et 10 heures par jour de manche, c’est épuisant quand on a même pas un sourire. On est les indigents » Lâchent-t-ils.  Si le froid semble les faire grelotter, ce qui les glace c’est le manque de chaleur humaine. Au fur et à mesure du parcours, nous rencontrons des habitués du SAMU social. Ils viennent dire bonjour, prendre un café, boire une soupe, une couette… Avec ce froid pour chacun des bénéficiaires rencontrés, les bénévoles accordent plusieurs minutes de discussion pour prendre des nouvelles depuis les dernières maraudes, pour rassurer les nouveaux et pour expliquer leur fonctionnement… Un peu plus loin, au pied de la cathédrale, Johan est assis, emmitouflé dans son manteau. Cet ancien pèlerin scande fièrement le récit des longues marches qu’il a effectuées de Ostende (Belgique) à Saint-Jacques-de-Compostelle pas moins de 27 fois.

Tombé malade depuis peu, il ne marche plus très bien et doit subir des soins régulièrement. Johan dort désormais au pied de la cathédrale tous les soirs. Après avoir bu sa soupe, les bénévoles quittent le belge souriant pour terminer le parcours, qui leur a demandé une organisation rythmée. 

Une organisation pointue

Un peu plus tôt dans la journée au local de la Croix Rouge de la rue San Francisco à Tours, vers 14h une équipe de 4 personnes s’active pour remplir le camion. Un bénévole ouvre la porte. Marc, à la retraite, « fait partie des meubles » se moque gentiment ses camarades. Il a intégré la Croix Rouge il y a 7 ans et il est le chauffeur de l’équipe. Dans 15 minutes c’est le départ, les bénévoles, Geneviève, Paul, Marc et Dominique se préparent et enfilent les gilets réfléchissants rouges. Un responsable d’équipe a été désigné, il sera chargé de noter tout au long de la maraude les prénoms des bénéficiaires et d’indiquer leur situation. 

Aujourd’hui c’est Paul qui sera le référent. Si le rapport de hiérarchie n’existe pas, c’est avant tout un rôle d’organisateur que prend le responsable. Il est 14h30, chargé de madeleines, de café, de soupes, de vêtements et de couettes, le camion s’engage dans un parcours à la rencontre des personnes pour qui le Samu social est un besoin essentiel. De la place Rabelais au Sanitas en passant par la cathédrale, les bénévoles couvrent une large partie du centre-ville.

Cette maraude grand froid est « exploratoire » précise Paul en composant le 115 sur son téléphone afin de s’informer d’éventuels signalements d’urgence. Cet appel a chaque début de maraude permet de localiser les personnes dans le besoin pour leur venir en aide en priorité. « Malheureusement il n’y a que très peu d’hébergements d’urgences disponibles » regrette Dominique, chargée de la communication à la Croix Rouge. Même si la préfecture a réquisitionné le gymnase des Fontaines en guise de centre d’hébergement d’urgence pour cette période particulièrement froide, ce n’est pas suffisant compte tenu des demandes. 

Une bienveillance qui demande de l’implication

Aujourd’hui Marc confie que le manque de bénévoles se ressent. Dans la journée il enchaînera 2 maraudes, une à 14h et une à 18h pour que l’équipe soit au complet. L’aide aux sans-abris durant les périodes de froid demande une mobilisation humaine plus importante. Alors que l’implication dans la vie associative demande du temps, Paul le responsable explique que beaucoup de bénévoles actifs sont de jeunes étudiants, principalement issus du secteur de la santé. Pourtant tout le monde peut devenir bénévole pour la Croix Rouge.

Bien que comptant environ 500 adhérents en Touraine, la Croix Rouge remarque que seulement la moitié d’entre eux sont réellement actifs. Pendant cette maraude, le chauffeur expérimenté est accompagné de Paul, le responsable du jour, de Dominique, responsable communication de la Croix Rouge et de Geneviève fraîchement arrivée au mois de décembre. Elle prend encore ses marques et fait preuve d’attention pour retenir les histoires, les prénoms, les visages des bénéficiaires. Genevieve, confie que, comme la plupart de ses camarades de la Croix Rouge, elle a mis du temps à se lancer réellement en tant que bénévole. Participer aux maraudes a été pour beaucoup d’entre eux un cheminement qui s’est finalement avéré plus simple que prévu. 

«  Ça faisait longtemps que j’avais envie de me lancer » 

Geneviève, bénévole

«  Ça faisait longtemps que j’avais envie de me lancer », indiquent Genevieve et Paul. Après 4 ans de bénévolat dans l’association, Paul connaît aujourd’hui la plupart des personnes bénéficiaires. Il confie que ce temps qu’il donne est riche de sens. Il revient quand même comme Genevieve sur le fait d’avoir dû « passer le cap » pour rejoindre la Croix Rouge. 

« On fait des transferts sur nos vies, quand je vois des jeunes qui ont l’âge de ma petite soeur je n’imagine pas que ces gens puissent vivre dans la rue. ». Et finalement l’un comme l’autre, ils se sont engagés dans l’aventure, à la rencontre de ces personnes qui ne demandent souvent qu’un bonjour, un sourire, un regard.

Aujourd’hui, Paul a noté une vingtaine de prénoms sur sa liste des « accidentés de la vie ». A notre retour au local, l’équipe vide le camion. Le temps de boire un café et les bénévoles sont repartis pour charger de nouveau le fourgon. Marc s’assoit quelques minutes avant de repartir pour sa deuxième maraude de la journée.

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