Dans les coulisses du chantier d’archéologie des Beaumonts à Tours

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Ces derniers temps on a beaucoup parlé des Beaumonts à cause de nombreuses opérations de déminage orchestrées sur cette friche située juste à côté du quartier Maryse Bastié, à l’ouest de Tours. En quelques mois, une demi-douzaine de caches d’armes contenant munitions, grenades ou mines antipersonnel ont été découvertes. Des objets datant de la Première ou de la Deuxième Guerre Mondiale, pas toujours armés mais potentiellement dangereux. Une présence qui s’explique, le site ayant été exploité par l’armée pendant un siècle, de 1913 à 2013.

Aujourd’hui les casernes militaires ont disparu. Seule subsiste une partie des écuries, transformé en lieu événementiel entre avril et octobre. Puis dans quelques années, c’est tout un nouveau quartier qui verra le jour à cet endroit, avec des logements, une école Maryse Bastié refaite à neuf, des espaces verts ou encore le passage de la ligne B du tram de Tours (programmé pour le printemps 2028).

Mais avant ces travaux, il faut faire des fouilles. C’est obligatoire pour ce genre de grand projet urbain, d’autant plus qu’on sait très bien qu’il y avait une ancienne abbaye de femmes à cet endroit entre le Xie et le XVIIIe siècle. C’était même la plus grande de Touraine. Le mur graffé côté Rue du Capitaine Pougnon est d’ailleurs le mur d’enceinte de cet édifice religieux. A l’époque l’enceinte se situait à environ 1km-1,5km des remparts de la ville, dans une zone maraîchère et marécageuse (au XIXe siècle, l’hôpital Bretonneau y cultivait également les légumes servis aux malades et y faisait travailler les patients aliénés).

Les premières traces de présence humaine remontent elles au néolithique et le premier village daterait des années 800 après Jésus Christ (il s’était installé sur une butte pour éviter les inondations lors des crues). Les spécialistes espèrent l’étudier un jour, peut-être lors de la création d’un nouveau projet immobilier à la place de l’actuelle école Maryse Bastié. 

Plusieurs trésors mis à jour

Prévu pour durer 10 à 12 mois, le chantier des Beaumonts a débuté après l’été 2022. Il devrait finalement s’achever mi-novembre 2023, soit au bout de 14 mois, notamment à cause du retard pris lors des opérations de déminage (d’autres pourraient encore avoir lieu lors de l’exploration d’une partie du site encore non creusée). Au total, il mobilise une grosse vingtaine d’archéologues + leurs stagiaires, issus de l’INRAP et di Service d’Archéologie du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire. Des équipes qui se répartissent sur environ 2 hectares, les 4,5 autres hectares du site ayant déjà été explorés par le passé (il s’agissait surtout des jardins et du verger).

Là, c’est entre guillemets la partie la plus intéressante qui est étudiée : l’ancienne abbaye, détruite par petits bouts de 1796 à 1810 (les matériaux ont été réemployés sur d’autres chantiers) avec ses caves pour entreposer vins et produits frais, ses glacières que l’on alimentait avec de la glace prélevée l’hiver dans la Loir et le Cher (elle pouvait réfrigérer les denrées jusqu’à l’automne suivant, à une profondeur de 3 à ou 4m sous la surface du sol). Il y a aussi les ancêtres de nos lavabos, les restes des cuisines, la nef et le transept de l’édifice religieux mais surtout de très nombreuses tombes, avec des squelettes parfois assez impressionnants. Même s’il ne reste que les fondations, et parfois quelques traces de carrelages ou de piliers, les spécialistes ont réussi à reconstituer un plan assez fidèle de la construction de l’époque.

Des visites guidées le week-end des 17-18 juin

Tout l’enjeu de cette campagne de fouilles, c’est de comprendre comment fonctionnait l’abbaye à l’époque. On sait qu’elle n’hébergeait que des femmes, à priori 46 au dernier recensement connu (dont 35 issues de la noblesse, et 11 qui assuraient les travaux les plus pénibles)… mais certains hommes pouvaient-ils s’y faire enterrer ? Il faudra analyser les squelettes pour le savoir. Parmi les découvertes rares, un tombeau orné de graffitis. Il pourrait être proposé à un musée, mais aucun ne s’est manifesté pour l’instant (sinon il restera sous terre, puisque l’ensemble du site sera recouvert avant les travaux de construction).

Jessy Gérin, Conservatrice/restauratrice Tours

L’idée est aussi de dater avec le plus de précision possible les différents éléments : les corps, les objets, les restes des bâtiments… Les archéologues cherchent donc tout élément pouvant leur donner des indices. Les poteries forment de bonnes pistes. Des statues, potentiels souvenirs de pèlerinages, et des médailles ont également été sortis de la terre. Toute une collection que vous pourrez découvrir le week-end des 17 et 18 juin lors de portes ouvertes du chantier de fouilles organisées pour les Journées Européennes de l’Archéologie. Des visites spécifiques sur réservation sont proposées pour les personnes en situation de handicap. Une journée spéciale scolaire est également programmée le vendredi.

Des opérations de longue haleine

Le travail est particulièrement méticuleux : par exemple, il s’agit d’enlever les sédiments avec des outils de précision pour ne pas abimer davantage des restes déjà malmenés par le temps ou l’humidité importante. Si le sol n’est pas argileux – une bonne nouvelle selon les archéologues – son côté sableux peut s’avérer un problème. Par exemple il sèche très facilement, ce qui n’est pas toujours facile à maîtriser. Les opérations sont donc longues mais des découvertes sont faites régulièrement. Et d’autres semblent encore à venir… Une exposition finale est d’ailleurs en réflexion pour présenter l’ensemble des objets retrouvés.

Peut-être aussi que les thèses élaborées aujourd’hui mettront du temps à être vraiment confirmées, voire seront démenties dans l’avenir. Les archéologues expliquent ainsi que les squelettes sont conservés à Orléans, dans le but d’attendre que la science fasse des progrès. Ainsi, aujourd’hui, l’ADN permet de déterminer à 99% si l’on a affaire à un homme ou à une femme… mais c’est encore cher (entre 500 et 1 000€ l’analyse) donc on est en attente d’éventuels autres processus. D’où l’intérêt du stockage. La science du passé évolue vite.

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