Dans l’école alternative d’Utopia 56 à Tours

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Régulièrement mobilisée pour dénoncer le grand nombre de jeunes migrants considérés majeurs par le Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, et donc sans solution de logement, l’antenne tourangelle d’Utopia 56 mène aussi une série d’actions directe pour venir en aide à ces réfugiés. Il y a l’aide alimentaire, le recueil de dons de vêtements ou de produits d’hygiène… et puis la mise en place de cours de français ou maths pour adolescents. Reportage.

La fin de l’année scolaire approche pour tout le monde. Pendant qu’on passe le bac au lycée, et le brevet au collège, on suit les derniers cours de vocabulaire ou d’algèbre dans l’école alternative d’Utopia 56. Ce vendredi-là, 3 groupes de jeunes ont été composés dans une salle située près de la discothèque Le Pym’s, pas loin du Sanitas. Les garçons présents viennent de Sierra-Leone, du Bangladesh, du Pakistan… Ils disent avoir 14, 15, 16 ou 17 mais n’ont pas réussi à convaincre les autorités françaises de leur minorité. En plus de ça, ils sont arrivés en France trop tard dans l’année pour avoir une place dans un établissement scolaire.

En attendant une prise en charge par l’Education Nationale, c’est donc Utopia 56 qui prend le relais. Juste avant le Covid, l’association a créé son école alternative. 4 matins par semaine (lundi, mardi, jeudi, vendredi), elle dispense des cours adaptés à différents niveaux, de l’apprentissage basique du français pour ceux qui viennent de pays anglophones ou arabophones aux leçons un peu plus poussées pour les jeunes qui maîtrisent déjà la langue (s’ils arrivent du Sénégal, du Mali…).

Les groupes que nous suivons sont composés d’une dizaine de membres. Parfois dissipés comme n’importe classe. Souvent attentifs aux enseignements qui leur son prodigués. Dans tous les cas, le français ne leur vient pas naturellement : c’est principalement dans leur langue d’origine qu’ils communiquent quand ils sont entre eux. « Tous sont en situation de recours pour tenter de prouver qu’ils sont mineurs » explique Hélène, professeure bénévole, dont c’est aussi le métier au quotidien (elle vient sur ses heures de temps libre). Parmi les garçons certains dorment à l’hôtel, d’autres dans la maison Utopia 56 qui peut accueillir 14 personnes. « En ce moment les dispositifs d’aide son saturés, on en est à se poser la question de prêter des tentes » déplore l’enseignante, constatant des difficultés croissantes depuis l’arrivée du nouveau préfet Patrice Latron (en poste depuis début 2023).

Quelle que soit la politique départementale, Utopia 56 suit son cap. « La réalité c’est que ces gamins resteront en France donc ils ont besoin d’apprendre à se débrouiller » lance Hélène qui fait cours au groupe le moins à l’aise avec la langue. A partir d’exercices conçus par ses mains, ou trouvés sur Internet, elle tâche de leur apprendre le vocabulaire, par exemple pour apprendre à accepter ou refuser une invitation.

Les progrès peuvent être rapides mais les groupes sont hétérogènes. Certains jeunes arrivent analphabètes quand d’autres ont été jusqu’au collègue ou au lycée dans leur pays d’origine, « quand je les avais, je leur faisais lire des textes de La Fontaine ou les contes de Perrault, voire des romans. Parfois, ils y arrivent » note Hélène. Le problème c’est que les classes bougent beaucoup, au rythme des arrivées ou des départs si une place se libère en formation ou si un recours aboutit à une reconnaissance de minorité. Il faut donc s’adapter en permanence, reprendre les cursus à zéro sans négliger le reste de la petite bande… par ailleurs plutôt assidue, à en croire les témoignages.

« On ne se substitue pas à l’aide administrative » insiste Hélène. Avec son école alternative, Utopia 56 dit simplement combler un manque avec l’ambition de caser in fine les différents jeunes dans des formations de cuisine ou du BTP, celles qu’ils demandent le plus souvent. Elle est ainsi en contact avec le CIO (Centre d’Information et d’Orientation) afin de préparer le futur parcours.

A la différence de l’Education Nationale, l’école d’Utopia 56 Tours ne donne pas de devoir. Apprendre à arriver à l’heure et à ne pas sécher fait déjà partie d’un grand objectif. « C’est un peu le deal : on les aide et ils viennent ici » résument les bénévoles (souvent issues du monde enseignant, et qui cherchent d’ailleurs du renfort pour étoffer l’équipe actuellement composée de 11 personnes). Le cursus suit le calendrier scolaire avec les petites et les grandes vacances. Pour le matériel, il est fourni via des dons : trousse, ardoise, stylos… Et parfois, comme à l’école, on passe des cours traditionnels aux activités manuelles, comme de la poterie avec une autre Hélène, céramiste amateure qui a également proposé de la reliure japonaise.

« L’idée c’est d’avancer, qu’ils révisent leurs bases, et de les emmener à peu près vers un niveau 5e » résume Laurence qui gère le groupe intermédiaire le jour de notre passage.

Propos recueillis avec Eve Jouneau.

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