Coronavirus en Touraine : est-ce le moment de paniquer (ou pas) ?

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Les réseaux sociaux bruissent de paris sur la date d’un reconfinement, le gouvernement montre chaque semaine un peu plus sa maîtrise des nuances de rouge, dehors les masques ne suffisent pas à cacher le marasme ambiant : on nous parle de 2e vague matin, midi et soir et ça n’a rien à voir avec le champ lexical de la plage. Après avoir plombé le printemps et perturbé l’été, le coronavirus va-t-il nous mettre à plat jusqu’à Noël voire tout l’hiver ? On n’a pas les compétences pour faire des prévisions mais on peut quand même essayer de lire entre les lignes des discours du moment…

Ça fait plusieurs semaines que les chiffres de l’épidémie de Covid grimpent en Indre-et-Loire mais il a fallu attendre le 25 septembre pour une communication officielle, longue et détaillée de la part du CHU de Tours, LE site en première ligne pour la gestion de l’épidémie sur notre territoire. Au cours de la visioconférence, le chef du service des maladies infectieuses illustre la situation par une métaphore, rappelant qu’il aime bien avoir recours à cette figure de style. « Au printemps je disais que le loup était entré dans la bergerie (pour évoquer l’arrivée de la maladie en EHPAD, ndlr). Aujourd’hui le loup est partout » commence Louis Bernard. Puis :

« On va tous être touchés un jour ou l’autre même si ça prendra du temps. De la hauteur de la vague dépendra la façon dont l’hôpital sera embolisé, donc si les gens dans la barque seront noyés ou pas. »

Au printemps, on avait demandé au Professeur jusqu’à quand on devrait supporter les contraintes du coronavirus. Il avait réfléchi quelques secondes et évoqué le mois de décembre, quand le discours ambiant laissait imaginer que tout irait bien à la rentrée. Fermetures de classes en cascade, de nouveau la réduction des jauges maximales pour les spectacles et les mariages… La prudence du discours d’époque de Louis Bernard nous revient en écho aujourd’hui. Nous ne sommes pas confinés mais l’étendue de nos possibilités n’est qu’un échantillon de celles disponibles il y a encore 8 mois.

Des spécialistes à la fois préoccupants et rassurants

Il ne fait désormais guère de doute que l’Indre-et-Loire va passer en zone d’alerte renforcée, incluant des restrictions supplémentaires pour les bars ou les activités sportives. Dans l’opinion, les discours se partagent entre « on en fait trop, c’est la dictature, laissez-nous vivre » et « les gens sont imprudents, c’est n’importe quoi, il faut serrer la vis. » Aussi contradictoires et pénalisantes qu’elles puissent paraître, les mesures prises n’ont finalement qu’une seule philosophie : décourager la population d’entrer en contact avec d’autres personnes, la pousser à s’imposer une sorte de confinement dans l’espoir que ça dure le moins longtemps possible. Vision de court terme vs. espoir de long terme. C’est flippant pour notre économie et nos habitudes de vie, préoccupant pour l’avenir car on redoute ce qu’il adviendrait si on finit par s’y habituer. C’est peut-être aussi un moindre mal en vue de jours meilleurs.

Comment trancher et trouver le juste milieu quand les informations qui nous parviennent sont contradictoires ? Que chacune, chacun, agite comme argument massue la dépêche ou la déclaration qui servira son discours ?

De la conférence de presse du CHU on retient plusieurs messages qui ne permettent pas de trancher. D’un côté, « Nous observons une montée en charge progressive des hospitalisations qui nous alerte. Nous faisons tout pour ne pas avoir à déprogrammer les autres activités du CHU » alerte la directrice générale de l’hôpital Marie-Noëlle Gérain-Breuzard. « Si rien ne change on est au début d’une deuxième vague, plus lente mais potentiellement plus longue. Nous arrivons en automne : il y aura moins de contacts festifs comme pendant les vacances mais plus de contacts en espace clos. Je ne sais pas quel sera le bilan de ces deux effets contraires » renchérit Frédéric Patat, président de la communauté médicale d’établissement qui, dans le doute, appelle à la mesure :

« Il faut accélérer nos efforts pour qu’une personne infectée contamine en moyenne moins d’une autre personne. Aujourd’hui ce taux est à 1,22 dans la région. C’est seulement en dessous de 1 que l’on fera décroître l’épidémie. »

Un avenir incertain

« Il n’y a pas de raison de paniquer car le risque individuel de faire une forme grave est très faible pour la majorité de la population. Ce n’est pas une épidémie de peste ou d’ebola » contrebalance le Pr Pierre-François Dequin qui dirige le service de réanimation à Bretonneau. « Sauf catastrophe, les hôpitaux feront face mais avec quelle capacité pour prendre en charge les autres patients ? » se demande-t-il tout de même. Louis Bernard navigue également entre les sentiments, rappelant d’un côté que « on a progressé dans le traitement de la maladie. On sait que les corticoïdes diminuent la mortalité et la durée du séjour à l’hôpital. » Sauf que les patients passés par le CHU ne sont pas sortis d’affaire une fois rentrée chez eux :

« Les deux tiers gardent des symptômes de gêne respiratoire, ou de fatigue dans un cas sur deux. Il faut s’attendre à une prise en charge post-Covid à long terme. »

Peu mis en avant dans le débat public, voilà sûrement un élément clé des décisions prises aujourd’hui. Affronter la crise du coronavirus, ce n’est pas seulement gérer l’état immédiat des personnes infectées mais aussi anticiper les conséquences de cette épidémie sur le long terme. La maladie étant récente, on ignore encore combien de temps elle peut avoir des conséquences sur les personnes qui en ont développé une forme grave. Plus elles seront nombreuses, plus la société risque d’avoir à assumer durablement leur assistance (impossibilité de reprendre le travail, soins de suite, troubles psychologiques…). Avec les conséquences qui en découleront (coût financier, adaptation du système de santé…). Voilà ce que semble redouter une large part du corps médical, sentiment illustré par une phrase de Frédéric Patat :

« On n’a pas vocation à devenir des héros récurrents. »

Oui, on baigne aujourd’hui dans un monde anxiogène générateur de décisions mal anticipées aux effets régulièrement contreproductifs. A l’inverse, même si l’on accepte individuellement l’idée de tomber gravement malade voire d’en mourir, est-ce que cela nous demande de si gros efforts personnels de veiller à rester le plus longtemps possible en bonne santé ? Si on y avait veillé plus tôt, aurait-on basculé dans cette situation malaisante ? Il est sûrement bon d’y réfléchir.

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