Conseil de Développement de la Métropole : un nouvel élan pour la démocratie participative ?

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Chute sensible des taux de participation aux élections locales et désintérêt, méfiance voire défiance à l’égard du pouvoir politique traditionnel justifient à eux seuls l’urgence de réorganiser le modèle démocratique pour le renforcer, dans la mesure où, inquiétant cercle vicieux, ils remettent en cause la représentativité des élus aux yeux d’un nombre croissant de citoyens.

© CODEV
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La Loi Voynet ouvrait la voie (et la voix) en 1999 à une place plus importante donnée aux «non-élus» dans un certain nombre de prises de décisions, puis les lois Mapcam et NOTRe en 2014 et 2015 allaient un cran plus loin en imposant notamment les Conseils de Développement. Présidé par l’ancien président de l’Université de Tours Loïc Vaillant et orchestré avec détermination par Florence Fresnault, celui de la Métropole Tours Val de Loire, né fin 2016, a déjà commencé à travailler sur différents sujets et entend bien se faire entendre dans les mois et les années à venir.

La démocratie participative est ce serpent de mer dont on entend parler depuis près de vingt ans, mais que finalement pas grand-monde n’a vraiment vu concrètement. Malgré quelques réussites éparses sous la forme notamment de conseils de vie locale, de référendums locaux, de budgets participatifs ou de conférences de citoyens, elle reste globalement à la marge et se résume encore trop souvent à une écoute polie des élus locaux, non suivie d’effet, faisant écho à la fameuse formule de Coluche (La dictature c’est «Ferme ta gueule !», la démocratie c’est «Cause toujours !»).

Les Conseils de Développement de par leur caractère obligatoire devraient changer la donne, d’autant plus quand ils sont présidés et dirigés par des personnalités locales bien déterminées à ne pas s’engager juste pour jouer les sympathiques figurants. C’est le cas de Loïc Vaillant, très actif dans différentes instances médicales et sanitaires nationales, qui, lorsque le président de la Métropole Philippe Briand lui a proposé de présider le nouveau Conseil de Développement, a accepté à la condition que cette instance soit «sérieusement écoutée par le Conseil Métropolitain». Ce genre de travaux et de mise en place se mesure sur le temps long, ce qui est compliqué à une époque où le «tout, tout de suite» s’impose tant dans l’opinion publique que dans les médias et chez certains élus. Il est donc encore bien trop tôt pour savoir si les conseils de cette instance consultative seront parfois suivis très concrètement pas le conseil communautaire tourangeau ou non, mais la machine est en marche et la dizaine de sujets traités par le CODEV tourangeau avancent de manière significative, certains ayant déjà donné lieu à des remises de rapports et des discussions avec des élus et des services.

« C’est la personne qui porte la chaussure qui sait le mieux si elle fait mal et où elle fait mal, même si le cordonnier est l’expert qui est le meilleur juge pour savoir comment y remédier. (…) Une classe d’experts est inévitablement si éloignée de l’intérêt commun qu’elle devient nécessairement une classe avec des intérêts particuliers et un savoir privé – ce qui, sur des matières qui concernent la société, revient à un non-savoir ».

(John Dewey, 1926)

Loïc Vaillant, président du CODEV © photo laurent geneix

Interview de Loïc Vaillant, président du Conseil de Développement de Tours Métropole en Val de Loire, président de l’Université de Tours entre 2008 et 2016, actuel président de l’Université Confédérale Léonard de Vinci, actuel président du Canceropôle du Grand Ouest.

37 degrés : Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet pour en accepter la présidence ?

Loïc Vaillant : D’abord la démarche de démocratie participative, le fait que les citoyens veulent de plus en plus être informés de ce qui se fait autour d’eux et qu’ils ont des idées à faire passer, ils veulent participer d’une manière ou d’une autre aux décisions qui sont prises, que leurs idées soient retenues ou non. On le fait très mal en France, voire pas du tout. On voit bien que les Conseils de Vie Locale par exemple, à quelques exceptions près, peinent à se développer. Globalement jusqu’à maintenant, les élus français ne se sont pas vraiment préoccupés de cette envie de démocratie participative. Je pense qu’avec le Conseil de Développement il y a moyen de faire participer les citoyens : le cadre est clair, ce sont les élus qui décident et les citoyens peuvent participer à la construction de la décision, ou en tout cas donner des idées sur les projets et à mon avis ça ne peut que bénéfique pour les élus.

37 degrés : Aujourd’hui beaucoup de démarches vont dans le sens d’une concertation citoyenne. Pour ne prendre qu’un exemple local et récent la consultation rapide et informelle en ligne « Envies de Loire »qui a été une réussite, en quoi le Codev se démarque-t-il de ce mouvement de fond ?

Loïc Vaillant : Même s’il n’est pas une institution, le CODEV est institutionnalisé dans le sens où les élus sont obligés de le mettre en place. D’autre part, il rassemble une centaine de personnes identifiées et choisies qui travaillent sur des sujets précis sur plusieurs mois, dans un cadre très organisé. L’idée est de prendre du recul et d’avoir une vision globale de ce qu’est notre métropole et de ce qu’elle peut devenir. Suite à une étude, il est ressorti notamment que Tours n’est pas très connue, mais que quand on s’y est installé, on s’y sent très bien. En terme d’attractivité, voilà un point important à mettre en valeur et à développer. Les frontières de la Métropole tourangelle ont par ailleurs ceci de particulier que l’urbain et le rural peuvent dialoguer et construire ensemble. Si on compare par exemple Berthenay et Tours, on a un écart conséquent, mais on peut se parler et faire des choses ensemble, pour se sentir bien dans son territoire partagé.

37 degrés : Evidemment la crainte, voire le désintérêt de certains citoyens pour une structure comme le CODEV repose sur le fait qu’on peut le voir comme un «machin» qui ne sera jamais vraiment écouté par personne. Quelle est votre réponse à cette réserve ?

Loïc Vaillant : On a tous cette crainte là, bien entendu. Pourtant la règle du jeu est simple, elle a été établie dès la création du CODEV à l’automne 2016 : le Conseil de Développement n’est certes pas un décideur, mais il travaille et livre les résultats de ses travaux. Il ne s’auto-censure pas, il sait que toutes ses propositions ne seront pas retenues, mais j’ai la promesse de Philippe Briand que tout ce qui en sortira sera soumis d’une manière ou d’une autre aux élus et que, s’il n’y a pas de suite, le CODEV en soit informé et que ce refus soit motivé. Le fait que les services – et pas seulement les élus – soient impliqués est aussi un élément très important pour nous.

37 degrés : Après un peu plus d’un an d’existence, avez-vous déjà un exemple de refus et un exemple d’accord ?

Loïc Vaillant : Côté refus, nous avions travaillé sur la possibilité d’extension du réseau Loire à Vélo de côté de Rochecorbon. La réponse a été claire : «Nous sommes conscient du problème, mais votre projet s’élève à plusieurs millions d’euros, ce n’est pas envisageable pour le moment, donc que proposez-vous comme solution alternative ?». Côté accord, une première proposition sur le thème de l’autosuffisance alimentaire a été retenue par l’élu et il a souhaité que deux membres du groupe de travail du CODEV collaborent avec son service, ce qui est effectif aujourd’hui. Ce premier résultat est très encourageant.

37 degrés : L’émergence du CODEV et certains de leurs travaux ne risquent-ils pas de faire de l’ombre aux travaux de réflexion menés par les techniciens des différents services ?

Loïc Vaillant : Nous ne travaillons pas forcément sur les mêmes sujets et surtout nous n’y travaillons pas de la même manière, ni avec les mêmes compétences, ni avec la même approche. Le prisme du CODEV c’est l’expertise citoyenne, le regard et l’expérience de l’usager, c’est le droit de donner son avis sur quelque chose qu’on ne connaît pas forcément, voire pas du tout au départ. Certaines questions de néophytes sont parfois très pertinentes et font avancer les choses. Là où les actions du CODEV peuvent changer les choses c’est au contraire que les techniciens des services peuvent intervenir auprès des groupes de travail pour «former» les membres à certains dossiers pointus, ce fut le cas pour le Schéma de COhérence Territoriale (SCOT) par exemple.

37 degrés : Y a-t-il des sujets que le CODEV trouve urgents et qui sont potentiellement source de désaccord avec les élus ?

Loïc Vaillant : Nous travaillons sur une réflexion autour du prix des transports pour les étudiants. Un avis a été rendu. Les membres du groupe de travail trouvent qu’il y a un hiatus entre ce coût et le désir de la Métropole de se positionner en tant que destination étudiant de premier choix. Le Conseil de Développement joue donc pleinement son rôle en proposant au Conseil Métropolitain d’agir dans le sens d’une baisse significative de ce coût.

37 degrés : Parmi les différents sujets traités et avis rendus, vous en avez un qui vous tient particulièrement à cœur actuellement ?

Loïc Vaillant : En tant qu’ancien président de l’université je suis bien entendu impliqué dans l’idée et l’envie de la création d’un «lieu totem» pour que les étudiants de la métropole puissent se retrouver, en dehors des lieux habituels que sont les locaux de l’université, des bars privés de la ville, dans les restaurants ou résidences universitaires, ou dans leurs appartements. Tout le monde est d’accord pour dire que Tours est une ville étudiant qui a besoin de se développer dans ce domaine-là, mais l’enquête qu’on a faite a montré que les étudiants étaient bien à Tours, qu’ils connaissaient bien leur fac ou leur école, mais que la ville, cela ne leur parlait pas du tout, ce qui est quand même dommage pour une métropole qui se veut étudiante. L’absence de campus y est pour beaucoup, mais le côté positif c’est que la dispersion des facultés et des écoles supérieures irrigue la ville. Néanmoins, il faut que la ville cesse d’être «transparente» pour beaucoup d’étudiants. Un lieu de rencontre, d’échanges et d’information, encore à définir dans le détail, serait une concrétisation de la métropole comme pôle étudiant important. Il y a beaucoup d’idées, mais nous devons encore peaufiner ce dossier avant d’avancer et d’en dire plus.

37 degrés : Y a-t-il un profil type de membre du CODEV ou est-ce très disparate ?

Loïc Vaillant : C’est très varié. Il y a des chefs d’entreprise, des salariés du public et du privé, des responsables associatifs, des membres des chambres consulaires… Il y a une majorité d’actifs et tout le monde est bénévole. Les membres sont répartis en deux grands groupes : une moitié «personnalités qualifiées» et une autre moitié sont des candidats issus de la population, qui ont fait acte de candidature. Mais aucune compétence dans un domaine particulier n’est requise pour participer pleinement aux ateliers.

Propos recueillis au CHRU Trousseau le 4 décembre 2017.

Un degré en plus

> Comment faire acte de candidature au Conseil de Développement de Tours Métropole ?

  • Envoyer une lettre de motivation pour expliquer pourquoi vous avez envie de vous engager dans cette démarche citoyenne et politique au sens large du terme, en faisant part de vos éventuels autres engagements associatifs ou citoyens actuels ou passés, à Conseil de Développement de Tours Métropole en Val de Loire – 60 avenue Marcel Dassault – 37200 TOURS

Sont recherchés en priorité des jeunes et des femmes, deux catégories malheureusement encore sous-représentées au Conseil de Développement au regret de son président.

> Prochain rendez-vous : les premières rencontres du Conseil de Développement, le 27 janvier 2018

> La carte des instances participatives dans la Métropole tourangelle

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