Au cours d’un sondage, les fidèles du site Info-Tours.fr ont désigné le Jardin Botanique de Tours comme leur parc préféré de la ville. Cet espace de 5,8ha situé face à l’hôpital Bretonneau est l’un des poumons verts de la commune, sachant qu’il marque également la frontière avec La Riche. On le connait pour ses animaux, ses belles allées fleuries, son jardin japonais, ses serres tropicales, ses grands arbres remarquables… Aujourd’hui, on va vous faire découvrir ses coulisses.
« Le Botanique c’est un décor de théâtre, il se passe toujours quelque chose de différent » lâche Sylvie Saulnier au milieu des allées. La responsable du Service Collections et Animations à la Direction Patrimoine Végétal et Biodiversité de la ville de Tours n’a pas tort : en arrivant devant les grilles, c’est de suite le paon mâle qui nous accueille avec ses tirades aiguës, lui que l’on retrouve peu après en train de proposer une roue majestueuse aux quelques badauds de passage, parade colorée bienvenue en ce jour de mai largement trop gris pour la saison. Les surprises ne s’arrêtent pas là. Voici une passante qui s’approche de la spécialiste un caneton mort dans les mains, inquiète de ce que va devenir le cadavre. « Nous avons beaucoup de contacts avec le public, certains sont des habitués » relève Marie-Emma, une des 7 membres de l’équipe de jardiniers qui travaille ici à demeure (3 femmes, 4 hommes).
Plutôt calme en semaine, saturé les week-ends, rempli d’enfants le mercredi après-midi, le Jardin Botanique est un lieu de détente, une parenthèse en pleine ville. Les équipes du CHU viennent y déjeuner le midi (en terrasse au restaurant, ou en pique-nique sur les quelques bandes d’herbes autorisées), on y croise quelques sportifs, beaucoup de familles, mais aussi cette retraitée venue voir en vrai le paon qu’elle vient de broder chez elle.
Pour modeler ce décor emblématique de la ville, il faut une organisation bien rodée. Jugez plutôt : deux fois par an, ce ne sont pas moins de 18 000 plantations qui sont réalisées sur toute la surface du parc, soit plus de 35 000 plants ou bulbes mis en terre au printemps et à l’automne. On compte 20 500 végétaux permanents, 2 500 variétés différentes dont 24 de menthe présentées sur la partie ouest du jardin.
Les variétés de menthe.
Achetées à des spécialistes via des marchés publics passés par la ville, les graines sont d’abord élevées dans les pépinières de la ville situées au Bois des Hâtes avant d’arriver en godets dans les ateliers du Botanique. Les jardinières et jardiniers s’emploient alors à les répartir dans les massifs, avec des horaires qui dépendent des saisons (en ce moment ils commencent dès 7h du matin, pareil l’été pour éviter les fortes chaleurs).
Godets prêts à planter.
« Il y a toujours quelque chose à faire, même en hiver » explique Marie-Emma dans l’atelier situé derrière les serres, rempli de râteaux, balais, tondeuses, souffle-feuilles électriques (pour se passer du pétrole), piquets pour créations de barrières ou encore structures en osier. « Quand il pleut ou qu’il fait froid on travaille à l’intérieur pour préparer des décors. » Une montgolfière a récemment fait son apparition côté Ouest tandis que l’escargot placé face à l’hôpital s’est refait une beauté pendant l’hiver : « C’est uniquement de la récup’. Par exemple le bambou vient du parc » précise la spécialiste.
Conformément à la réglementation, le Jardin Botanique n’utilise aucun produit phytosanitaire. Il achète le broyat pour pailler les sols afin de diminuer la consommation d’eau mais réalise aussi son propre compost : les feuilles mortes et résidus de tontes sont conservés et laissés dans les arbustes nous précise Laurent, autre jardinier surpris en train de diviser des plantes devenues un peu trop touffues et qui seront réparties dans d’autres espaces verts de la ville.
Plantes divisées pour être replantées.
D’ailleurs, on le sait peu, mais le parc est aussi le fournisseur officiel des fleurs utilisées lors des réceptions de la ville : un massif situé juste derrière les serres est dédié à la confection de bouquets.
C’est d’ailleurs tout l’attrait du Botanique : la diversité de ses espaces, tantôt romantiques (comme la cascade ou le Jardin Japonais dessiné par le paysagiste de la ville Philippe Herlin), tantôt pédagogiques (comme le jardin dédié à l’évolution des plantes, en cours de réaménagement et qui sera terminé d’ici 2-3 ans) voire expérimentaux comme la volonté de laisser l’herbe grimper sur toute la partie ouest du parc. Une « fauche tardive » réclamée par la nouvelle municipalité écologiste afin de voir si la faune et la flore se développent mieux. Fleurs et champignons ont déjà fait leur apparition. Seules les bandes près des allées sont tondues : « Cela montre aux visiteurs que c’est volontaire et que ce n’est pas de la négligence » indique Sylvie Saulnier (sur les autres espaces, la tonte se fait tous les 15 jours).
La plante du mois, un outil pédagogique très prisé
Expliquer le fonctionnement des lieux à ses usagères et usagers, c’est un peu le quotidien des équipes en place. Cela passe par des petites discussions à la volée pour des conseils jardinages ou la présence de panneaux indiquant la nature des végétaux (nom commun et nom latin). Mais cela va aussi plus loin, comme avec l’opération « La plante du mois », un écriteau détaillé qui change de place tous les 30 jours. « J’écris les textes et les équipes de la ville se chargent de les mettre en forme » explique Gaëlle Glevarec, enseignante à la fac de pharmacie de Tours, qui emmène chaque année plus de 500 étudiants au Jardin Botanique pour leur faire découvrir le cycle des plantes et les vertus des espèces dites médicinales, réunies dans un jardin spécifique au sud-est du domaine. accessible au public du lundi au jeudi et lors de visites spécifiques (les prochaines le 6 juillet et le 5 septembre, sur réservation), il rassemble autant des végétaux réputés pour leurs effets contre les virus ou les verrues que des variétés aux effets laxatifs (les racines de rhubarbe) ou cosmétiques.
Un jardin comestible
Autre nouveauté voulue par le conseil municipal élu en 2020 : l’installation de bacs de plantes légumières. On en compte une petite trentaine dans l’allée centrales et aux alentours, notamment avec une variété de tomates tourangelles mais aussi des « plantes à goût » c’est-à-dire qui surprennent par leurs caractéristiques comme cette espèce qui sent le camembert quand on en froisse les feuilles (et sa voisine c’est l’huître). Les 20 à 25 000 personnes qui visitent les serres chaque année peuvent également espérer goûter… les bananes du Botanique. Lors de notre visite, un régime était en cours de maturation. On voit également des papayes.
Ce bâtiment – qui héberge les bougainvilliers et oliviers en hiver pour leur éviter le gel – devrait rouvrir en juillet une fois les principales restrictions sanitaires abolies. En novembre il accueillera de nouveau des visites nocturnes… elles aussi très demandées au point que la ville tient une liste d’attente d’une année sur l’autre. On peut y apprendre beaucoup de choses comme le fait qu’un logiciel se charge de réguler le taux d’humidité ou la température (il peut actionner l’ouverture des fenêtres ou le chauffage). Autre découverte : la présence de lampes à UV pour attirer les papillons afin de ne pas nuire aux plantes. Des insectes sont introduits de manière régulière pour chasser les espèces parasites.
C’est une zone propriété de l’Université « et nous avons notre propre budget » précise sa représentante. Un héritage de l’origine du Botanique créé face à l’hôpital par un pharmacien et inspiré des jardins monastiques. C’est également un support de recherche, par exemple pour les plantes anti-cancéreuses dont on extrait les molécules pour les analyser. « Nous n’avons pas trouvé de plante aux effets anti-Covid en revanche on en a qui sont contre-indiquées après une infection par le coronavirus. Celles aux vertus anti-inflammatoires qui perturbent la réponse immunitaire » éclaire Gaëlle Glevarec.
Si le jardin des plantes médicinales reste fermé au public, c’est notamment par crainte de voir disparaître son contenu (d’autant que certaines plantes sont toxiques). Des vols de plants, cela arrive au Botanique même si ce n’est pas le principal problème. Le pire ? Les ordures abandonnées un peu partout, notamment des masques depuis le début de la crise sanitaire. Et puis il y a les conséquences de la forte fréquentation : des massifs interdits piétinés, des barrières sur lesquelles on s’appuie et qui cassent… Il faut souvent faire un gros nettoyage ou des réparations pour que le site conserve son élégance.
Ces si beaux décors, on les doit notamment à Isabelle, qu’on pourrait surnommer la spécialiste des massifs dans le Jardin. « Je ne me lasse pas de mon travail » nous dit-elle depuis l’allée centrale, en train d’arracher pour replanter juste après. Elle compose des créations avec des plantes annuelles ou biannuelles (qu’on va laisser toute l’année ou planter en saison, selon les espèces). L’autre option, encore plus technique, c’est la création des mosaïques. Là, tout est préparé par ordinateur puis les équipes de jardiniers tracent un schéma au sol pour respecter le dessin et l’harmonie des couleurs. Ces opérations-là se travaillent très en amont, notamment pour sélectionner les plantes adéquates : « Là, on a déjà anticipé 2022 » explique Marie-Emma aux 7 années d’ancienneté. Des techniques abouties, et très prises : « Quand un poste se libère on a pas mal de candidatures et on fait en sorte qu’il y ait peu de turn-over. Nous avons aussi 2-3 stagiaires ou apprentis chaque année » précise la responsable Sylvie Saulnier.
Une année climatique particulière
De l’aveu des personnes qui y travaillent, le Jardin Botanique de Tours a rarement été aussi luxuriant. C’est dû à l’humidité conséquente des dernières semaines. Mais c’était moins une : « En février, mars et avril on a eu peur. Il faisait très sec et il y avait du vent ce qui a accentué les difficultés » explique le jardinier Laurent. Pour l’été, l’arrosage automatique fera une partie du job, le reste se fait à la main. A noter que, depuis peu, les équipes du parc remplacent certains trajets motorisés par des voyages en triporteur pour réduire leur impact carbone.
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