Ces dernières années, les boulangeries artisanales de la ville de Tours n’ont pas manqué d’occasions pour s’illustrer. On peut citer par exemple les prix obtenus par Au Tours des Gourmandises ou Les Blés de Demain lors des concours de la Maison Départementale des Boulangers Pâtissiers. Il y a aussi eu le passage de l’émission La meilleure boulangerie de France d’M6 aux Blés de Demain, aux 3 Grains et dans la Boulangerie de la Scellerie. En dehors de ces coups médiatiques, d’autres enseignes ne manquent pas d’arguments pour attirer l’attention.
En début d’année 2025, on avait été interloqués par une campagne de pub de l’enseigne Paul Meunier. Le groupe de boulangeries tourangelles avait affirmé que sa galette des rois était la meilleure de Tours, oubliant de préciser qu’il se basait sur le résultat d’un concours de janvier 2024, et qu’il avait quitté le palmarès l’année suivante. Un abus de langage qui avait fait un peu de bruit dans la profession. Car si les compétitions apportent un coup de projecteur bienvenu sur les enseignes primées, la règle tacite est aussi de savoir conserver une certaine humilité, le premier objectif étant surtout de valoriser le travail artisanal.
« Moi je ne fais pas de concours » nous dit tout de go Charles Guerin, boulanger installé fin 2024 Rue Courteline, à la place du Fournil de Lô qui a choisi de cesser son activité. A 32 ans, celui qui lance sa première affaire sous le nom d’Artisane espère se faire connaître naturellement grâce à la qualité de ses produits, en privilégiant le bio et les ingrédients de qualité. Il réalise ainsi ses propres mélanges de farines via des recettes apprises lors d’une formation lyonnaise et travaille avec un meunier de l’Ain qu’il a découvert durant ce cursus.

« Mes farines sont bio, brutes et sans additif » affirme le professionnel associé avec sa sœur Marie, passée par la très réputée Maison Clément des Halles. « La boulangerie c’est quelque chose qui me correspond pour son côté manuel. Mon papa était menuisier donc j’ai très vite appris à travailler avec mes mains » nous dit l’entrepreneur qui a eu une première vie d’ingénieur commercial dans les grandes banques parisiennes avant de bifurquer vers l’univers du pain après la crise Covid. « Toute la science de la boulangerie bio c’est de la chimie pour réussir ses fermentations et ça me parle pas mal » ajoute-t-il.
Avec ce positionnement, Charles Guerin reprend donc une partie du projet du Fournil de Lô même si il l’adapte à sa personnalité. Un gros contingent de baguettes, alors que son prédécesseur n’en faisait pas sa spécialité. Mais aussi des pains et gâteaux sans gluten grâce à ses levains de seigle et de sarrasin, ou encore des spécialités italiennes héritées d’un passage chez nos voisins (le panettone est le star de l’étal à Pâques et pour Noël). Sa particularité c’est aussi qu’il travaille parfois directement en boutique sur le grand plan de travail situé à gauche de l’entrée : « Les gens voient la pâte et posent des questions » se réjouit-il.
Travailler autant la relation client que la qualité des produits est aussi ce qui guide Mémé la Boulange depuis 5 ans et demi. Son fournil est à St-Pierre-des-Corps où Alexandra Tros s’est vite fait un nom, jusqu’à tenter l’aventure de la ville centre en ouvrant Rue Bernard Palissy, tout près de l’Office du Tourisme.

Sa spécialité : la cuisson au feu de bois. « La qualité est incomparable » nous dit-elle en nous montrant une miche à la base élégamment irrégulière. Elle aussi fait du sans gluten, et porte le bio en étendard, affichant fièrement la liste de ses partenaires sur une carte à la droite de la boutique (avec de nombreuses maisons très recommandables, de La Ti’Bio d’Aire de Courcoué pour ses huiles au GAEC des Deux Saints de Saint-Aubin-le-Dépeint pour les jus de pomme. Quant aux farines des pains, elles proviennent depuis le début de La Ferme de La Georgerie de Rouziers, en bio depuis 2017.
Avec ses différents partenaires, la gamme de produits de Mémé La Boulange s’est étoffée avec le temps, notamment au fil des demandes. « J’ai au moins une recette pour tout le monde. Je n’ai pas envie de dire non » insiste Alexandra Tros qui veut une entreprise qui a du sens, s’étant associée avec Cindy Vavasseur en pâtisserie, et ayant recruté Juliette Draux, spécialiste en pâtisserie vegan (elle dirigeait le café L’Instant et ses créations ont été primées dans un concours national).
La clientèle du centre-ville semble bien répondre, y compris pour le snacking dans un quartier un peu sinistré dans ce domaine. L’idée est aussi de discipliner le public pour éviter la surproduction, Mémé La Boulange incitant à commander son pain 48h à l’avance. En échange, celui-ci se conserve une bonne semaine. Face aux mastodontes de la boulangerie industrielle, les artisans de qualité doivent lutter mais ne manquent pas d’armes et de créativité pour le faire et séduire celles et ceux qui aiment des produits bien sourcés, joliment travaillés et surtout aux qualités nutritives renforcées.