Auto-entrepreneur : un statut qui continue de séduire

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En 2015, sur les 3755 créations d’entreprises en Indre-et-Loire, 40,3 % étaient des auto-entrepreneurs.

Depuis 2009, les statuts d’auto-entrepreneurs, devenus micro-entrepreneurs depuis le 1er janvier dernier, boostent les créations d’entreprise. Un phénomène qui n’échappe pas à l’Indre-et-Loire. En 2015, sur les 3755 créations d’entreprises dans le département, 40,3 % étaient des auto-entrepreneurs. Une part en baisse par rapport aux premières années ayant suivies la création de ce nouveau statut (jusqu’à 60% des créations d’entreprises en Indre-et-Loire entre 2010 et 2014) mais qui reste loin devant les autres formes juridiques plus classiques (entreprises individuelles et sociétés).

Se lancer dans l’auto-entrepreneuriat est  très simple, quelques clics sur le portail officiel suffisent. Une simplicité voulue dans la création de ce statut qui se poursuit dans la gestion quotidienne. C’est bel et bien cette simplicité, couplée à une faible prise de risques par rapport à la création d’une entreprise classique qui séduit à première vue la grande majorité de ceux qui se lancent depuis 2009 en auto-entrepreneur.

Les auto-entrepreneurs ont en revanche des profils variés : salariés à temps partiel cherchant un complément de revenus, nouveaux entrepreneurs souhaitant tester le marché sans prendre trop de risques, chômeurs, … Chez les auto-entrepreneurs actifs (60% du total en France), c’est-à-dire avec un chiffre d’affaires positif (comprendre non nul), se cachent également des disparités fortes sur les raisons et les objectifs de ces créations.

3233252841_276900af2b_bphoto sous Creative Commons

« Ne pas dépendre uniquement de quelques clients »

Les activités de service (limitées à 32 900 euros de chiffre d’affaires annuel contre 82 200 € pour les autres activités), constituent le domaine contenant le plus d’auto-entrepreneurs. En Indre-et-Loire, en 2015, 69% des créateurs sous ce statut étaient comptabilisés dans les activités de services, qu’elles soient de soutien aux entreprises, dans l’enseignement, l’action sociale, la communication..

Dans l’économie numérique, domaine où les “freelance”, comprendre travailleurs indépendants, ont la côte, ce statut séduit de nombreux créateurs. C’est le cas de Marc, auto-entrepreneur graphiste depuis deux ans. Ce dernier nous explique avoir lancé “sa petite entreprise” alors qu’il était au chômage. “J’ai discuté avec mon conseiller Pôle Emploi de mon envie de me lancer à mon compte, mais n’ayant pas d’argent de côté, il m’a conseillé de commencer par ce statut pour voir si cela marchait. Ce qui m’a arrangé c’est le côté zéro risques et peu de frais que cela engendrait contrairement à une entreprise classique”.

Depuis, Marc se considère comme un entrepreneur classique, sans distinction particulière : “C’est vrai que tout est allégé au niveau administratif mais je ne me sous-estime pas. Je vais chercher mes clients comme tout entrepreneur, je tiens une comptabilité, je gère mes projets, bref mon quotidien est un peu simplifié mais reste le même que n’importe quel patron”. Patron, pas tout à fait en revanche, en effet si le statut n’interdit pas formellement d’avoir des salariés, la limitation de chiffre d’affaires empêche à elle seule l’idée d’embaucher quelqu’un.

Si Marc dit vivre décemment des revenus liés à son activité avec 1 600 euros nets pour lui en moyenne par mois, il reconnaît malgré tout que les avantages qu’il avait lorsqu’il était salarié (congés payés notamment) sont à mettre dans la balance. “Au final je suis certainement un peu perdant par rapport aux avantages sociaux des salariés, mais je n’aurai pas pu retrouver de travail dans ma branche en tant que salarié parce que ce sont surtout de petites structures qui n’embauchent pas beaucoup”.

En deux ans, Marc a par ailleurs réussi à se constituer une clientèle suffisamment hétérogène “pour ne pas dépendre uniquement de quelques clients” raconte-t-il. “J’ai préféré tout de suite multiplier les petits contrats pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Parce que si ce statut offre une liberté et une facilité, en revanche il rend assez fragile du fait de la limitation de chiffre d’affaires. C’est plus de temps à rechercher des clients mais je ne voulais pas être dépendant seulement d’un ou deux clients pour ne pas prendre le risque de me retrouver sans rien si jamais les contrats devaient s’arrêter”. Pour Marc, ce statut est ainsi une bonne opportunité de montrer ses compétences avant de franchir un cap : “L’idée est évidemment de se structurer en entreprise derrière, je me suis donné trois ans. A moins que d’ici là, je me fasse remarquer par une grosse boite qui m’embauche en salarié, ça ne me dérangerait pas”.

Un statut pour faire ses preuves sur le terrain

L’idée de montrer ses capacités et enrichir son CV est également une raison qui pousse certains jeunes à se lancer dans cette forme d’entrepreneuriat. Alors que les diplômes suffisent de moins en moins à eux seuls pour décrocher un sésame professionnel, nombre de jeunes profitent de la souplesse de ce statut pour engranger de l’expérience professionnelle et faire leurs preuves sur le terrain pour séduire d’éventuels futurs recruteurs. C’est le cas de Quentin, 22 ans sorti d’un IUT en communication. Ce dernier s’est lancé avant la fin de ses études dans l’ auto-entrepreneuriat : « J’ai lancé ma structure quand j’étais étudiant pour mettre en pratique ce que j’apprenais, cela m’a permis de gagner un peu d’argent pendant mes études ». Sorti diplômé, le jeune homme fait bénéficier des compétences acquises aux clients trouvés : « Je dois avouer qu’ils ne sont pas encore nombreux, mais pour le moment je veux juste me faire la main, apprendre sur le tas parce que je pense qu’il n’y a pas meilleure formation. Petit à petit j’espère pouvoir proposer de plus en plus de prestations et par conséquent attirer de plus en plus de clients. Mon objectif est de pouvoir avoir un CV costaud d’ici deux ou trois ans pour pouvoir postuler à des postes intéressants que je ne peux pas avoir aujourd’hui ».

Le salariat déguisé : une faille du statut

L’auto-entrepreneuriat un eldorado facilitant l’emploi alors ? Il va de soi que l’histoire serait trop simple. Premier écueil à ce statut, comme indiqué plus haut, seuls 60 % des auto-entrepreneurs déclaraient en 2015 avoir un chiffre d’affaires positif. Fin 2014, les chiffres publiés par l’Accoss montraient que le chiffre d’affaires trimestriel moyen s’établissait seulement à 3.290 euros chez les auto-entrepreneurs en France. Même avec un statut simplifié, un auto-entrepreneur reste un entrepreneur et nombre de ceux qui se lancent ne maitrisent pas forcément les outils nécessaires à la réussite de leur structure. Un constat encore plus marqué chez les auto-entrepreneurs que chez les entrepreneurs classiques. La facilité de création favorisant le nombre mais sans formation de gestion, le revers de la médaille est parfois difficile pour certains.

Autre écueil régulièrement pointé par les juridictions et notamment la Cour de Cassation : le salariat déguisé. Si nombre d’entreprises font travailler les auto-entrepreneurs comme des prestataires, certaines n’hésitent pas en revanche à détourner ce statut en faisant appel à des auto-entrepreneurs assimilés dans les faits à des salariés. Pour l’entreprise, cette pratique est évidemment avantageuse puisque dans ce cas elle s’exonère des cotisations sociales liées au salariat. Une pratique qui, si elle n’est pas majoritaire, existe en revanche bel et bien. Anthony* travaille ainsi dans le BTP depuis une quinzaine d’années. Il y a trois ans, son entreprise en proie à des difficultés structurelles, le licencie. Quelques mois plus tard, un coup de fil de son ancien patron lui fera créer son auto-entreprise : “Il m’a expliqué que si je me mettais à mon compte en tant qu’auto-entrepreneur il pourrait me refaire travailler sous contrat. J’étais au chômage, j’ai trouvé cela bien, cela me permettais de bosser, avec la conjoncture je n’ai pas hésité longtemps”. Anthony nous explique ainsi que pour éviter de se faire sanctionner pour salariat déguisé, son ancien patron lui obtenait également d’autres contrats : “On travaille dans l’artisanat, je faisais le même métier qu’auparavant pour mon patron et je faisais des tâches un peu différentes sur les mêmes chantiers avec l’autre contrat”. Trois ans plus tard, Anthony est toujours auto-entrepreneur et travaille toujours pour la même entreprise : “Je ne recherche pas d’autres clients puisque j’ai quasiment un temps plein avec les contrats que me fais mon ancien patron. De temps en temps j’en prends ailleurs mais c’est plus pour les contrôles éventuels”. Conscient de sa situation, notre interlocuteur affirme : “être toujours salarié dans ma tête”. Les avantages sociaux en moins en revanche.

*(prénom d’emprunt).

Un degré en plus :

> Les chiffres des créations d’entreprises en Indre-et-Loire en 2015

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