Aurélie raconte le harcèlement de rue : « il faut que ça sorte »

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Aurélie a 26 ans, elle vit à Tours depuis 10 ans, elle est notamment titulaire d’une licence de psychologie et travaille de nuit aux Deux-Lions pour financer ses études. Cette semaine, elle débute aussi un apprentissage à Ballan-Miré. Bref, une vie bien remplie pour une jeune femme souriante qui semble pleine d’envie et de projets. Mais aujourd’hui, c’est une part plus sombre de son quotidien qu’elle nous raconte en revenant sur toutes ces fois où elle s’est sentie harcelée alors qu’elle était juste en train de marcher dans la rue…

Depuis quelques semaines, les questions liées aux droits des femmes sont très présentes dans l’actualité. Il y a eu l’affaire Weinstein, du nom de ce producteur accusé d’agressions sexuelles et de harcèlement dans le milieu du cinéma. Il y a eu aussi le hashtag #balancetonporc sur les réseaux sociaux ou encore le débat autour de la future loi que le gouvernement envisage pour pénaliser le harcèlement de rue (et sur laquelle travaille la députée tourangelle Sophie Auconie). Tous ces sujets à la Une aident à mieux se rendre compte de l’ampleur d’un problème de société qui couvait depuis des années… « Avant les femmes avaient honte, maintenant elles osent parler. C’est bien que ça sorte, il faut que ça se démocratise et il faut y aller fort pour que ça marche » nous dit Aurélie.

« Les femmes sont vues comme des objets »

Ces derniers mois, la jeune femme a passé du temps à s’engager contre le harcèlement de rue en participant notamment à des groupes de parole organisés par le Planning Familial et la déléguée départementale aux droits des femmes, Nadine Lorin :

« Depuis que j’ai fait ces réunions, j’ai plus tendance à en parler autour de moi. Je me suis rendue compte que le harcèlement était généralisé : dans ces groupes il y avait des femmes de 18 à 50 ans, de tous styles, de toute morphologie…  On a tendance à croire que les femmes harcelées sont celles qui sont en minijupe ou avec un décolleté mais ce n’est pas le cas. C’est juste que si tu es une femme, tu es un objet. Et ça ce n’est pas normal. Dans la rue, on doit être libre de s’habiller ou de se comporter comme on veut. »

Une enquête menée en Touraine a démontré que 98% des femmes avaient été victimes de harcèlement, 50% ont été suivies par des hommes.

Pour Aurélie, le harcèlement « c’est une intrusion dans l’intimité. C’est quand quelqu’un vient nous aborder sans qu’on l’y ait autorisé. Eux ne pensent pas forcément à une agression ils croient faire un compliment et être gentils. Mais si on rentre dans l’intimité de quelqu’un c’est agressif. Pour moi, à partir du moment où l’une des deux personnes n’est pas d’accord ce n’est plus une discussion mais du harcèlement. Un ‘Non’ c’est NON. » Ce qui ne veut pas dire que l’étudiante met tous les hommes dans le même panier ou qu’elle est hermétique à l’échange et à la rencontre inopinée : « à partir du moment où l’on m’aborde et que je suis ouverte à la discussion il n’y a pas de problème. Je suis dans la psychologie positive et il y a des gens qui viennent me voir sans être intrusifs. Mais si je ne réponds pas, c’est que je ne souhaite pas continuer. »

« Il y a deux fois où j’ai eu peur quand des hommes m’ont suivie »

La jeune tourangelle le reconnait : « la frontière est fine. Certaines hommes ne se rendent pas compte que nous ne sommes pas réceptives et insistent. Ils font ça inconsciemment et souvent ils arrêtent en voyant que l’on est mal à l’aise. Mais à partir du moment où l’on dit ‘Non’ et qu’ils commencent par exemple à nous suivre, là, cela devient conscient. »

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Des situations comme celles-ci, Aurélie confie en vivre « une à deux fois par mois, environ toutes les deux semaines. » Et à l’entendre, on sent qu’elle trouve ça beaucoup trop alors même qu’elle ne sort pas énormément : « ça peut être à n’importe quel moment : dans la rue, en sortant du travail ou des cours… La nuit par exemple, un moment où l’on ne se sent pas forcément en sécurité parce qu’il n’y a personne autour. » Alors elle a mis en place quelques stratagèmes pour échapper aux hommes trop insistants : « sois je dis à la personne qu’elle me dérange, je marche sans répondre, je fais semblant d’être au téléphone pour éviter la discussion… » Elle poursuit :

« Il y a deux fois où je me suis sentie en danger. La première c’était avec une amie. On rentrait de la Place Plumereau, des garçons ont commencé à nous aborder. On n’a pas répondu et on a continué à avancer. Plus tard on s’est retournées et on a vu qu’ils nous suivaient. Alors on a accéléré le pas et ma copine a fait semblant d’appeler son frère ce qui les a fait partir. La deuxième fois, je revenais du centre-ville avec ma coloc’, là encore des hommes nous suivaient alors on a couru. Les autres fois ça s’est bien terminé, mais vraiment là j’ai eu peur. On changeait de rue, et ils continuaient à nous suivre tout en nous interpellant… »

« Il faut expliquer ce qu’est le consentement »

Après avoir participé aux ateliers sur le harcèlement du Sanitas et de La Riche et après en avoir parlé avec son ami, ses copines, son frère ou ses copains, Aurélie fait un constat :

« Il y a un travail à faire pour informer les plus jeunes. Aujourd’hui des jeunes filles se font harceler en sortant du collège. A 13-14 ans ça ne devrait pas arriver ! On se rend compte que les hommes ne savent pas ce que c’est que le consentement. Il faut leur dire de faire attention à la manière d’aborder quelqu’un. Qu’un compliment peut-être vu comme une agression. Et c’est dès le collège qu’il faut le faire car les jeunes ont un franc parler et ne remarquent pas qu’ils peuvent blesser avec la parole. »

Convaincue que les mentalités doivent et peuvent changer, la jeune étudiante va donc continuer de s’investir pour que le harcèlement reste un thème de débat important. Elle va même en faire le sujet principal d’un projet dans le cadre de son BTS.

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