Après la mort de Samuel Paty, « une mobilisation à la hauteur de notre effroi »

Facebook
Twitter
Email

 

On a compté entre 3 000 et 4 000 personnes dans les rues de Tours ce dimanche 18 octobre. C’est beaucoup pour un rassemblement quasiment spontané, organisé en moins de 48h en réaction à la mort du prof d’histoire-géo Samuel Paty, retrouvé décapité vendredi dans les rues de Conflans-Ste-Honorine, alors qu’il rentrait chez lui après une journée de cours. L’homme de 47 ans a été tué par un jeune de 18 ans parce qu’il avait montré des caricatures du prophète Mahomet à une classe de 4e dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. Son meurtre, prémédité, fait écho à l’attaque devant les anciens locaux de Charlie Hebdo 3 semaines plus tôt et surtout à l’attentat contre le journal satirique il y a 6 ans.

Une première salve d’applaudissements Place Jean Jaurès et une seconde Rue Buffon. Depuis près de 6 ans c’est souvent comme ça que l’on rend hommage aux victimes d’attentats. Un complément à la minute de silence, également réclamée au pied de l’Hôtel de Ville. Il était 15h quand la foule a commencé à se rassembler à Tours, au même moment des dizaines de milliers de personnes faisaient pareil à Paris, Lille, Lyon, Bordeaux, Marseille… Mais aussi Blois, Chinon, Bourg-en-Bresse. Elles répondaient à l’appel des syndicats enseignants, de nombreux politiques et du journal Charlie Hebdo. L’idée c’était de défendre les professeurs et leurs méthodes d’enseignement mais aussi la liberté d’expression.

« Il faut rappeler qu’on ne devient pas prof par hasard mais par passion et conviction »

Face à l’affluence, le rassemblement s’est transformé en cortège : direction la Rue Nationale, la Rue de la Scellerie puis la Place de la Préfecture. A peine 1h après l’heure de rendez-vous les syndicats appellent à la dispersion (on est en état d’urgence sanitaire et même avec des masques ça fait beaucoup de personnes rassemblées et c’est exactement ce que les autorités cherchent à éviter). Pourtant la rue reste encore bondée de longues minutes. On croise des familles (avec leurs enfants), beaucoup de personnes assez âgées, un nombre conséquent d’élus, évidemment beaucoup d’enseignants mais aussi des représentants du monde de la culture. L’un d’eux – Antoine Guerber, de Diabolus in Musica – a d’ailleurs témoigné sur les réseaux sociaux car il a côtoyé la victime :

« Le 30 janvier 2020, Caroline Marçot, Qais Saadi et moi-même intervenons au Collège Bois d’Aulne de Conflans Sainte-Honorine à la demande de Samuel Paty, professeur de ce collège et amateur de musique. Il souhaitait montrer les liens entre musique ancienne française et musiques arabes. Ce jour-là, nous avons rencontré une personne sympathique, dynamique, complètement engagée… et manifestement très appréciée par ses élèves. L’ensemble Diabolus in Musica, dont c’était la dernière intervention en milieu scolaire puisque le confinement est arrivé juste après, est totalement bouleversé. Nous ne pensons qu’à une chose : revenir très vite au Collège Bois d’Aulne… On ne nous aura pas, pas comme ça… »

« Cette forte mobilisation est à la hauteur de notre effroi. C’est horrible » réagit auprès de 37 degrés le syndicaliste FSU Christophe Percher. « La communauté éducative est choquée de ce qui est arrivé à notre collègue. On a porté atteinte aux valeurs et au cœur de métier. C’est le rôle même de l’enseignant qui a été attaqué » poursuit l’homme qui envisage déjà d’autres mobilisations, peut-être dès mercredi 21 octobre, jour d’un hommage national souhaité par l’Elysée, en accord avec la famille du professeur.

Elle-même enseignante en collège, l’élue de Tours Anne Bluteau nous dit espérer que « demain et tout le reste de l’année on ne laissera plus les enseignants seuls. » Des contestations du contenu des cours, des pressions de parents, « ça arrive en Indre-et-Loire » dit-elle : « Dans le meilleur des cas on a un soutien du chef d’établissement. Il faut qu’on nous permette réellement d’affirmer les valeurs de la République. Cette attaque c’est une atteinte à l’autorité de l’école et envers un métier qui a trop souvent été dévalorisé. Il faut rappeler qu’on ne devient pas prof par hasard mais par passion et conviction. »

Une minute de silence dans les collèges à la rentrée

Beaucoup de personnes sont juste venues marcher. D’autres agitent un drapeau français, une pancarte reproduisant une Une de Charlie Hebdo ou avec un message comme celui que brandit un jeune garçon : « Les profs ont le droit de tout nous apprendre. » Fait rare, la préfète d’Indre-et-Loire est là aussi, « en tant que citoyenne et représentante de l’Etat. » A ses côtés des membres du Conseil Régional, le maire de Montlouis-sur-Loire, le sénateur LR Serge Babary ou le centriste Christophe Bouchet qui estime qu’on a « laissé filer l’autorité de l’école et on se retrouve démunis. On a un peu joué, barguigné, avec la laïcité. Peut-être que ce drame va nous aider à relever la tête. » L’élu s’exprime aussi sur les origines tchétchènes de l’assaillant : « Sans faire de généralité on sait que, dans nos quartiers, des membres de cette communauté peuvent être ultraviolents. »

Au-delà de l’émotion, comment réagir sur le long terme ? également présente, la députée LREM Fabienne Colboc évoque une réunion dès ce lundi. « Révoltée, outrée » l’élue du Chinonais appelle à agir rapidement. C’est aussi ce qu’Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement. Pour envoyer un signal fort dès la rentrée des vacances de la Toussaint le 2 novembre. Même si ce jour-là on en sera encore au stade des hommages : le président du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire a ainsi demandé le respect d’une minute de silence à 11h dans tous les collèges du territoire. Jean-Gérard Paumier souhaite également l’organisation de temps d’échanges en classe sur ce drame.

Photos : Claire Vinson

Facebook
Twitter
Email

La météo présentée par

TOURS Météo

Inscription à la newsletter