Accès aux parcours médicaux de transition pour les personnes transgenres : où en est-on en Touraine ?

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En 2021, 37 degrés posait déjà la question des moyens accessibles pour entamer un parcours de transition pour les personnes transgenres en Touraine. Résultat, on déplorait un manque considérable de professionnels de santé formés. Médecins généralistes, endocrinologues, gynécologues, … peu de praticiens étaient habilités à procurer ou prescrire des soins pour permettre d’entamer une transition. Ainsi, beaucoup de personnes transgenres ont été obligées de se déplacer hors de Touraine en raison de files d’attente trop longues pour espérer une consultation. Mais qu’en est-il 3 ans plus tard ? Observe-t-on aujourd’hui une amélioration quant à l’accessibilité de ces parcours de soin ? Reportage. 

Soyons clairs, chaque personne effectue sa transition comme elle l’entend. Si une partie de la population transgenre se suffit à s’épanouir grâce à une transition sociale (coming-out, changement de façon de s’habiller, …), une autre peut ressentir la nécessité de passer par un parcours de soin. Selon une étude de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux, en 2020, 17% de la population transgenre ou non binaire a déjà recouru à ce type de soins en France.

Cependant, ce processus peut s’avérer difficile selon les personnes et leur localisation. Si, en France, des moyens sont accessibles dans les grandes métropoles comme Paris, il en est différemment pour des villes plus petites. C’est le cas pour la Touraine qui est considérée comme un “désert médical” concernant les parcours de transition.

Comme dit plus haut, il n’existe pas qu’une seule façon de transitionner. Pour résumer très grossièrement, les personnes transgenres qui souhaitent passer par un processus médical peuvent avoir le choix d’effectuer un parcours hormonal ou chirurgical. Les deux peuvent se succéder mais avec précaution. 

Le parcours hormonal consiste à la prescription d’injection d’hormones par des professionnels de santé sur une période donnée, aussi appelé THS (Traitement Hormonal Substitutif). Pour les hommes trans, la testostérone sera prescrite. Pour les femmes trans, ce sont des oestrogènes et éventuellement de la progestérone et/ou des bloqueurs de testostérone. Ces hormones peuvent être prescrites par un spécialiste (urologue, gynécologue, endocrinologue, …) ou par un médecin généraliste. Cependant, seules les hormones féminisantes peuvent être prescrites par ce dernier. 

Pour de nombreuses personnes transgenres, le parcours hormonal reste “le plus commun”. C’est en tout cas ce que nous explique Ghjülia, cofondatrice de l’association Organisation de Solidarité Trans. L’OST est une association d’auto support et de lutte par et pour les personnes trans, présente sur plusieurs villes françaises.

Dans le même temps, la jeune femme tient à nuancer ses propos en insistant sur le fait que rien n’est encore parfaitement acquis en terme de moyens. En effet, si, selon l’OST, il y a plus de professionnels formés aux soins de transition hormonale, la population transgenre déplore un manque de moyens concernant l’accessibilité aux hormones elles-mêmes : “Nous sommes souvent sujets aux pénuries de médicaments pour les hormones parce que les personnes transgenres ne sont pas prises en compte quant à la production de ces médicaments. Il est déjà arrivé qu’ un médicament soit enlevé du marché sans que l’on soit prévenu, ce qui peut être très dangereux pour notre santé. ” 

Parcours chirurgical : une autre paire de manches

Concernant le parcours de transition chirurgicale, sur le papier, plusieurs opérations sont possibles. Pour les femmes transgenres, des chirurgies féminisantes peuvent être faites comme une mammoplastie (si les hormones ne semblent pas assez efficaces) ou une vaginoplastie. Les hommes transgenres peuvent recourir à des opérations équivalentes (ablation de la poitrine, phalloplastie, torsoplastie, …).

Cependant, contrairement au parcours hormonal, les professionnels de santé formés à ces chirurgies sont encore trop peu nombreux en Touraine. C’est en tout cas ce que démontre une bénévole de l’association Fransgenre, qui a souhaité rester anonyme : “A Tours, on a vraiment pas beaucoup de moyens. Et ceux qui les proposent, le font à des tarifs qui dépassent les tarifs de sécurité sociale donc ça devient très vite très cher, contrairement à Paris par exemple.” Fransgenre est une association nationale ayant pour but l’information et l’entraide principalement autour des aspects médicaux, juridiques et administratifs des transitions, et la défense des droits des personnes transgenres. Elle possède une carte collaborative répertoriant tous les praticiens de santé trans-friendly (formés à l’accueil des personnes transgenres) et proposant un parcours de soin de transition. Cependant, pour des soucis de confidentialité, l’association n’a pas souhaité communiquer sur le nombre de professionnels de santé présents en Touraine. 

Le seul constat est que la région est encore aujourd’hui considérée comme une zone blanche concernant les soins chirurgicaux liés à la transidentité. Un triste bilan pour les associations luttant pour les droits des personnes trans. “Quand on est une minorité et qu’on a besoin d’un parcours de soin spécialisé, on subit une double peine quand on est dans un désert médical “, déplore la bénévole de Fransgenre. 

Plus de formation pour plus d’inclusion 

“Tous les médecins ne sont pas formés”, explique Ghjülia de l’OST, “il y a des médecins généralistes qui sont parfois mieux formés que des endocrinologues sur la transition. Cela peut paraître paradoxal mais, c’est que ça dépend des cursus des professionnels de santé et à quel point ces derniers s’intéressent au sujet.”

Pour pallier ce problème, de nombreuses associations œuvrent pour donner à la transidentité une plus grande place dans le domaine de la santé, notamment dans les programmes scolaires des formations médicales. Plus largement, les associations militantes luttent chaque jour pour une amélioration des financements de santé publique. 

Outre le fait de vouloir plus de praticiens habilités à effectuer des soins de transition, plusieurs organismes unissent leurs forces pour former le maximum de professionnels de santé à l’accueil des personnes transgenres. Le but : permettre à ces dernières de ne plus avoir peur de tomber sur un professionnel n’ayant aucune connaissance sur le sujet, voire étant totalement transphobe. Une nécessité pour Ghjülia : “Déjà que c’est compliqué de trouver un médecin, mais, en plus, un qui n’est pas transphobe ça l’est d’autant plus  …”

Fransgenre, par exemple, a proposé récemment une formation aux élèves de la faculté de médecine de Tours, en partenariat avec l’association étudiante Mots Pour Maux Tours.

La lutte pour les droits des mineurs trans

Depuis le mois de mars, les associations sont en pleine lutte contre un projet de loi porté par les députés LR interdisant « tout traitement médical et hormonal de transition de genre pour les mineurs ». Cette proposition de loi a provoqué la colère des associations et militants pour les droits des personnes trans. Pour l’OST, “ces propositions sont dangereuses et ne peuvent qu’avoir des effets néfastes sur la santé de milliers de jeunes”. Plusieurs manifestations ont été organisées dans toute la France dont à Tours. La dernière a eut lieu le 26 mai dernier. Au total, 200 Tourangelles et Tourangeaux sont descendus dans la rue.

Malgré tout, la proposition de loi a été adoptée ce mardi 28 mai au Sénat, par 180 voix contre 136.

Crédit Photo : Organisation de Solidarité Trans

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