En centre-ville de Tours, l’évidence saute aux yeux : les magasins principalement dédiés à une clientèle féminine sont majoritaires. Et pour les enseignes mixtes, le rayon « Femme » est toujours plus proéminent comparé à l’espace « Homme ». Pourtant, ces temps-ci, plusieurs enseignes font le pari de s’adresser davantage à une audience masculine. Enquête.
On connait bien les marques Celio, Brice ou Devred, présentes à Tours, et dont le catalogue de produits est dédié aux morphologies masculines. Un secteur à la peine, comme l’est globalement tout l’univers du prêt à porter. Ainsi, Celio a fermé sa boutique des Atlantes et Jules a baissé le rideau Rue Nationale. Néanmoins, la jeune marque Faguo a ouvert à la place d’un magasin de cuisine Rue Nationale et le grand magasin Douglas a récemment changé d’enseigne sans modifier son positionnement alors même qu’il dispose d’une grande surface de vente et qu’il est situé Rue Néricault Destouches, donc en dehors des principaux axes de passage du centre-ville. Cela signifie bien qu’il y a un marché.
C’est Johann Gaudin qui repris la direction des lieux. Auparavant salarié de Douglas, il a saisi l’opportunité à la suite du départ en retraite du précédent gérant, se rapprochant du groupe Peinturier qui possédait déjà une petite quinzaine de points de vente, notamment en Bretagne. « Nous avons 5 univers : sportswaer, intemporel, jeanerie, costume et urbain avec au total une quinzaine de marques dont Attitude, qui est exclusive, et uniquement en fabrication européenne » détaille le responsable qui travaille avec une vendeuse, Christele, également salariée de l’ancienne boutique par le passé.
« On va essayer de garder notre clientèle tout en s’ouvrant à d’autres publics, de 14 à 104 ans en ciblant principalement les 40-50 ans : des personnes qui aiment s’habiller » détaille Johann Gaudin qui met en avant l’augmentation du temps moyen en boutique car aujourd’hui « le conseil est important. C’est pour ça que les gens viennent ». Un public masculin mais aussi féminin, achetant pour un mari/un fils/un copain… à la recherche de produits qualitatifs et surtout qui prend de plus en plus de temps en boutique. Un changement qui se fait depuis plusieurs années, constate le gérant. En clair, Internet prend des parts de marché mais quand on vient en magasin c’est de plus en plus pour prendre le temps.
S’adresser à ces messieurs qui aiment s’accorder un moment à eux, c’est aussi le pari du groupe de beauté tourangeau Pure Concept qui vient d’ouvrir son adresse Pure Concept Men dans la Rue Bretonneau, à quelques mètres des deux autres locaux commerciaux qu’elle possède déjà. « Les hommes sont très différents de la clientèle féminine. Il faut aller les chercher alors que les femmes vont être plus habituées à prendre soin d’elles » explique Elda Musliu pour tenter de justifier cette rareté d’enseignes (si l’on met à part les barbiers et coiffeurs masculins).
Ainsi, un spa-institut baptisé Le Corps des Hommes a ouvert en 2024 à St-Cyr-sur-Loire mais, en dehors, le choix spécialisé est encore assez restreint. Le signe que le marché est limité ? « Les choses changent. Aujourd’hui on voit plus la virilité dans le fait de prendre soin de soi, ce qui n’était pas forcément le cas avant » réfute la spécialiste beauté.
« Certains viennent grâce à leur femme mais beaucoup arrivent d’eux-mêmes, en passant ou via les réseaux sociaux. Ils posent 2-3 questions sur Instagram puis prennent rendez-vous » complète-t-elle avouant tout de même que le projet vient d’une demande de sa clientèle… féminine, désireuse de convaincre l’entourage masculin de se faire du bien. Et que les hommes qui la contactent via les réseaux sociaux ont parfois besoin de poser pas mal de questions avant de prendre rendez-vous, autrement dit que ce n’est pas encore instinctif.
La difficulté de faire perdurer un commerce 100% dédié à la clientèle masculine semble donc réelle. Rue Colbert, L’Atelier Colbert a ouvert fin 2023 avec la volonté de proposer uniquement des marques pour l’homme… avant de se raviser et de s’ouvrir aux bijoux pour femmes devant la réalité économique, notamment le manque de passage. Kevin Tertrain maintient néanmoins son positionnement : uniquement des produits artisanaux de grande qualité, certains exclusifs en France, et avec des prix pour tous budgets (de 29 à 600€).
« Il y a tout type de clientèle qui vient : des hommes seuls, des couples, des femmes… C’est difficile mais je n’ai que des bons retours » explique le bijoutier qui continue d’y croire, se lançant notamment dans la vente en ligne pour compléter l’activité en physique.