L’information nous est parvenue fin mars : la mairie de Saint-Pierre-des-Corps envisage de vendre son Magasin Général à Vinci, le grand ponte de l’immobilier, des travaux publics et des autoroutes. L’ex-site SNCF dans les mains d’une très grande entreprise, ça fait forcément des remous au sein d’une commune à la forte identité cheminote, et attachée au peu de patrimoine remarquable qu’elle possède. Un collectif s’est donc monté pour proposer son propre projet et tenté de convaincre la mairie.
Le Magasin Général de Saint-Pierre-des-Corps c’est un site de 15ha, un bâtiment en friche construit dans les années 1920 et qui a longtemps hébergé des stocks de la SNCF (outils, pièces…). Aujourd’hui inutilisé, il est très détérioré, et interdit au public. A quelques exceptions près comme la récente présentation d’une pièce de théâtre en extérieur (et en nocturne). Site industriel emblématique, bâtiment aux volumes architecturaux singuliers, il serait dommage de le laisser dépérir. La mairie corpopétrussienne en est propriétaire mais elle n’a clairement pas les moyens de financer sa rénovation qui est estimée à plusieurs millions d’€ avant d’envisager une réouverture au public ou une activité industrielle (il serait question de 30 millions). Alors que faire ?
Le maire Emmanuel François – élu en 2020 – a bien tenté de proposer le site pour l’accueil de collections de la Bibliothèque Nationale de France mais son idée a été refusée. Plan B : céder au mastodonte Vinci qui aurait un projet de rachat sans que l’on en connaissance la finalité. La ville assure qu’elle exigera que les lieux gardent un aspect public mais l’opposition de gauche s’inquiète du devenir de l’endroit. Elle n’est pas la seule.
Un collectif de 150 personnes
Ces dernières semaines, deux pages Facebook ont connu un certain succès : Sauvons le Magasin Général et Le réveil du Magasin Général. Derrière elles, on trouve un seul et même collectif, un noyau de 5 personnes composé d’un architecte (Amaury), de la responsable d’un studio de pole dance ex-cadre de la fonction publique (Margot), d’un entrepreneur qui envisage un projet de centre commercial écologique et solidaire (Ludovic) et de deux créateurs d’une entreprise de garde d’enfants (Jennifer et Romain).
« Tout a commencé il y a deux ans » explique Margot. A cette époque, la maire communiste de Saint-Pierre-des-Corps Marie-France Beaufils réfléchit à un projet autour de l’économie circulaire pour le Magasin Général :
« Il a été présenté mais n’a pas eu de suite tout comme un autre projet plus axé sur la formation. Depuis il y a eu les élections et les choses se sont distendues. »
Jusqu’à ce que Vinci entre dans la danse… « Nous n’envisageons pas que le Magasin Général soit un lieu possédé à 100% par un acteur privé » alerte Ludovic. « Nous souhaitons de la discussion, montrer que cela peut être un lieu ouvert au public, qu’il peut se passer des choses intéressantes sur le territoire, que cela peut créer des emplois non délocalisables. » « Nous voulons montrer des alternatives, entraîner une prise de conscience chez les élus. On est dans une région où l’activité architecturale est carrément à la bourre par rapport à Angers, Le Mans ou Rennes. Notre idée c’est d’ouvrir les possibles » complète Amaury.
Que cherche Vinci ?
Ce qui fait peur au collectif, c’est le flou autour du projet de Vinci : « Il y a beaucoup de bruits de couloirs. Quand un projet est vertueux et qu’il apporte au territoire on est fier d’en parler. Là, avec des clauses de confidentialité et aucune présentation publique, cela peut inquiéter. D’autant qu’on ne sait pas quelle entreprise serait exploitante. Vinci ne serait que promoteur. » Pour faire valoir ses arguments, Le réveil du Magasin Général – qui se présente comme apolitique – a décidé de contacter directement la mairie. Tout s’est joué très vite et la vente qui aurait pu être examinée le 19 mai en conseil municipal a été repoussée. La commune a choisi de convoquer une commission d’urbanisme ce lundi 31 mai afin de prendre connaissance du projet citoyen, monté en très peu de temps mais qui nous est présenté comme solide.
Ainsi, en quelques semaines, ce sont 150 personnes qui se sont engagées dans 8 commissions (autour de l’environnement, du tourisme, de la solidarité, du sport ou de l’économie). « On ressent un certain engouement même si le promoteur a eu plus de temps que nous pour se préparer » résume Ludovic évoquant « un modèle économique qui marche » et des financeurs potentiels. D’ailleurs, le montant des travaux ne fait pas peu à l’équipe : « La somme dépend de la temporalité, du phasage du chantier et de ce qu’on fait » assure Amaury. L’idée serait ainsi d’impliquer d’autres acteurs comme Tours Métropole afin d’avoir des soutiens de poids. Le collectif rappelle notamment qu’aucun grand projet de restructuration de friche industriel ne s’est fait sans le concours d’acteurs publics. Parmi ses modèles on trouve Darwin à Bordeaux (tiers-lieu avec espace street art, site de coworking, cafétéria, ferme pédagogique) ou La Halle Tropisme de Montpellier (dont le président assistera à la réunion corpopétrussienne de lundi).
« Nous ne sommes pas dans la confrontation, nous voulons simplement ouvrir la discussion »
« Notre objectif c’est de donner une 2e vie au Magasin Général, de faire valoir les promesses de l’époque de son rachat par la ville il y a 15 ans c’est-à-dire de le rouvrir au public et le rendre accessible aux citoyens » nous dit Ludovic.
« Notre projet promet l’ouverture aux habitants de Saint-Pierre-des-Corps, de la Métropole et au-delà. La commune est un nœud avec un grand rayonnement mais on ne s’y arrête que rarement, pour faire des courses. Ce que nous voulons c’est créer un phare tel qu’il a existé quand c’était le plus grand magasin de stockage ferroviaire de France. »
3 piliers sont envisagés : le développement durable avec la mise en lumière d’initiatives écocitoyennes, la culture et enfin le développement de l’économie sociale et solidaire. « On espère être entendus » commente Margot à l’approche de la réunion avec la mairie. Un premier grand contact qui pourrait en appeler d’autres selon l’écho rencontre. « Nous ne sommes pas dans la confrontation, nous voulons simplement ouvrir la discussion » résument Ludovic et Amaury.
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