On ne va pas se mentir : si l’on vient à la Foire de Tours, c’est un peu pour eux. Avec tout le respect que l’on doit aux canapés en cuir, aux (jolies) salles de bain ou aux toits en ardoise, ce n’est pas aussi spectaculaire qu’un épluche-légumes, qu’un seau à serpillère qui nous permet de muscler nos mollets, qu’un couteau capable de sculpter des fleurs dans les légumes ou qu’un robot qui nous aider à confectionner une pâte brisée en moins de temps qu’il n’en faut pour se brosser les dents. Ces petits objets du quotidien soi-disant magiques, soi-disant moins chers qu’à la télé, soi-disant vraiment totalement indispensables, ce sont des démonstrateurs qui sont chargés de les vendre et leur personnalité joue énormément. Pourtant, ils sont de moins en moins nombreux. Le métier serait-il menacé ?
A l’entrée du hall B, Maurice est en pleine action devant un petit groupe : « vous faites des galettes madame ? Vous mangez des kiwis ? » Depuis 42 ans, il parcourt la France pour vendre des ustensiles de cuisine, et ça fait plusieurs années qu’il présente son éplucheur à légumes à 3 lames dont il connait tous les secrets : « j’en ai déjà un » lui dit une dame qu’il essaie de retenir dans l’allée… « Peut-être mais le vôtre n’a sûrement que deux lames, le mien il en a 3 ! » Bien tenté, mais pas suffisant, la cliente potentielle poursuit son chemin.
Dur de faire du chiffre avec la concurrence d’Internet
Des arguments de vente, Maurice en a au moins autant que les épluchures entassées sur son stand depuis le début de la matinée. Autour de lui, quelques affichettes « Vu à la TV » sur fond de drapeau français : « ça à Téléshopping c’est vendu 39€90 avec 5€ de frais de port, la planche en céramique elle est à 13€ sur Amazon : moi je vous fait tout ça à 10€, si ça ne vaut pas 10€ restez chez vous et allez chez McDo ! ».
Formé par Roger, « un grand de la vieille » et Émile Les Grosses Ratiches « parce qu’il avait de grandes dents », Maurice explique avoir fait le court Florent où il a appris l’expression corporelle et la psychologie pour réussir à convaincre les clients. Avec ce bagage, il a baigné dans le monde des foires pendant toute sa vie professionnelle : Toulouse, La Réunion, Rennes, Nantes… et bien sûr Tours. Énergique et survitaminé devant le client, il se dit « fatigué » une fois le soufflet retombé : « ça devient difficile, notamment avec la concurrence d’Internet. Et puis les gens sont de plus en plus méfiants, ils ont peur des arnaques. » Va-t-il continuer pour autant ? « Oui, tant que je ne suis pas mort ! »
« On arrive au bout »
Lui aussi dans l’univers des légumes, mais cette fois avec une mandoline à vendre, Hervé fait des foires depuis 1980 en tant que vendeur indépendant : « j’ai été formé dans le Sud, sur le tas, c’est l’école de la vie. » Bon point : contrairement à d’autres qui jettent les légumes ayant servi aux démonstrations, lui les donne à un collègue local qui a des animaux. Sur les routes plusieurs semaines d’affilée avec son épouse et son chien, il a la fibre du vendeur ancrée dans la peau et le talent pour rendre intéressant un produit de cuisine en apparence banal : à l’écouter tout se joue sur la mise en scène… et le bouche-à-oreille : « on a des personnes clientes sur 3 générations et qui passent en conseillant aux gens d’acheter. »
Hervé à la Foire de Tours
Mais le temps passe, le métier évolue et les virages ne sont pas toujours faciles à prendre : « c’est fatiguant car on parle toute la journée de 10h à 20h. On arrive au bout et ça va devenir dur pour les jeunes, à part s’ils sont salariés de grosses boîtes et payés à la commission car cela devient compliqué de rentabiliser les emplacements. Les prix ont plus que doublé depuis 10 ans, ici on nous demande 4 000€ auxquels il faut rajouter les déplacements, les nuits d’hôtels ou le RSI. Et cette année c’est encore plus difficile car il y a moins de monde, avec les ponts et le beau temps les gens sont partis à la plage. » Pourtant inlassablement, Hervé, Maurice et les autres reprennent leur petit manège : c’est toute leur vie, un travail routinier mais aussi leur passion, au contact direct des clients.
Un degré en plus :
> Sur Info Tours on vous donne des conseils pour vous orienter au village gastronomique de la Foire de Tours
article bas ad