A Cormery, un restaurant met la fermentation au cœur de l’assiette

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Ce dimanche 22 septembre, la commune de Sennevières accueillera la 2e édition du festival Fermenterre, événement gastronomique dédié à la fermentation. Cette méthode de conservation des aliments est aujourd’hui élevée au rang de discipline culinaire, tant dans l’assiette que dans le verre. De plus en plus de restaurants la pratiquent en majesté comme Les Roseaux Pensants de Cormery. Ouvert en 2021, cette adresse locavore a su attirer l’attention au niveau national grâce à son travail de déclinaison du produit via la fermentation. Elle fait également partie du palmarès national du label Ecotable qui valorise les adresses éthiques. L’occasion d’échanger avec le duo à l’origine du projet : Laurène Attia et Stéphane Enault.

La fermentation ce n’est pas seulement le bocal de cornichons qui trempent dans le vinaigre ou la sauce soja qu’on utilise avec les sushis. « Dans notre culture gastronomique on est inondé de produits fermentés que l’on mange sans s’en rendre compte : le vin, le fromage ou la bière sont issus d’un processus de fermentation » rappelle tout de suite Stéphane Enault. Des classiques derrière lesquels se cache toute une palette d’options créatives. « Quasiment tout peut se fermenter, il y a plein de pistes à explorer » ajoute le chef en nous décrivant son prochain tempeh, un plat traditionnel indonésien au soja qu’il prépare actuellement avec des céréales du Berry et qu’il va prochainement adapter avec des châtaignes de Touraine fermentées.

Basé à Cormery depuis trois ans, le chef des Roseaux Pensants évoque la fermentation comme son mantra. « Cela fait partie des premières choses que j’ai voulu développer car je voulais travailler une cuisine vivante » souligne cet ancien avocat venu à la gastronomie sur le tard. « Je suis pas mal attiré par la cuisine asiatique où la fermentation est très présente. Je lis beaucoup de livres de recettes où ces techniques ressortent souvent. J’ai également été marqué par le travail de certains restaurants comme Noma, à Copenhague ou le travail de l’historienne de l’alimentation Marie-Claire Frédéric, qui sera d’ailleurs à Fermenterre. Cela fait partie des gens qui m’ont donné envie de creuser. »

Outre le goût, Stéphane Enault voit dans la pratique un vaste aspect écoresponsable :

« Cela nous permet de renforcer les circuits courts. Comme nous sommes en lien étroit avec nos maraîchers, on les aide à gérer leur production en transformant leurs surplus de légumes. On en fait des bocaux et on peut les ressortir sur notre carte à tout moment. »

Au point de nous glisser de l’asperge en septembre et de la courgette en janvier ? Quand même pas, hormis pour quelques condiments :

 « Je vais plutôt essayer de ressortir le produit un an après. Je ne prends pas le parti du hors-saison car l’objectif est aussi pédagogique. Beaucoup de personnes ne connaissent plus les légumes de saison et c’est notre rôle de les mettre en valeur. »

Le procédé permet également aux Roseaux Pensants de proposer des assiettes majoritairement végétales. Une direction dans l’air du temps et assumée. « On ne cherche pas forcément à se rapprocher du goût de la viande, on veut faire découvrir d’autres choses » éclaire Laurène Attia, qui a elle aussi quitté la robe d’avocat pour ce projet de restauration (elle s’occupe de la préparation des boissons maison, du service ou encore de toute la culture des plantes aromatiques servant aux assaisonnements).

Naturellement, avant de pratiquer, le duo a pris le temps de se former. Essentiel quand on sait qu’une erreur peut avoir de sérieuses conséquences sur la santé de la clientèle, comme l’a prouvé la récente intoxication de 5 personnes, contaminées par la bactérie du botulisme après la consommation du pesto à l’ail des ours d’une marque tourangelle qui pourrait avoir subi un problème au moment de la stérilisation. Aux Roseaux Pensants, « nous avons auto-établi un protocole avec un contrôle du PH » souligne Stéphane Enault, qui rassure : « Il n’y a jamais eu de cas de botulisme avec la lacto-fermentation car si ça tourne mal on le sait. A l’ouverture ça pue et tout le monde sort de la cuisine. »

En plus de la rigueur du processus, la qualité initiale du produit a également son importance comme le raconte le chef :

« Il n’y a pas de cuisson donc il vaut mieux que ce soit très frais. Il nous faut un ingrédient bien ferme, idéalement bio ou au moins issu de l’agriculture raisonnée. Ce n’est pas une technique antigaspi au sens où l’on fait fermenter ce qui reste au fond du frigo. Avec ça, on fait nos jus végétaux ou de la purée. Pour la fermentation, nous utilisons des légumes cueillis le jour même, ou la veille. »

Tout cela permet aussi de garantir la conservation d’un maximum de nutriments qui s’ajoutent aux bienfaits de la fermentation : « Le but est de favoriser les bonnes et de créer un milieu favorable à leur développement car elles n’ont que des bienfaits » nous glisse le cuisiner qui se doit au passage de bien gérer son stock pour garantir un goût optimal. Le miso et le pois chiche ? Ok pour les conserver plus de deux ans mais pas les champignons, trop acides après une semaine. « Certains produits s’affinent avec le temps mais pour les légumes ce n’est pas forcément intéressant. Certains ont un goût qui peut un peu se perdre » précise Laurène Attia.

En Touraine, la démarche des Roseaux Pensants est encore assez singulière. « Les palais français ne sont pas encore très habitués » relève Stéphane Enault qui note tout de même un certain intérêt pour la pratique et assure qu’il ne se limite pas dans sa créativité pour plaire au plus grand nombre.

« On est dans une démarche pédagogique avec l’idée de parler au plus grand nombre mais je ne me bride pas. Je vais au bout de mes plats, simplement je réfléchis à la façon de faire comprendre à tout le monde ce qu’on fait. »

« La majeure partie du temps, les personnes ressortent agréablement surprises. Elles ne reviendront pas forcément régulièrement mais repartent avec une expérience intéressante. On a aussi de plus en plus de personnes qui viennent avec l’envie de découvrir » complète Laurène Attia qui note globalement « un bel accueil » en local, alors que la carte des Roseaux Pensants dénote complètement de celle de l’établissement qui précédait à cette adresse (un restaurant très axé sur les plats de la cuisine traditionnelle).

De fait, après un démarrage poussif lors de la période post-Covid, l’établissement semble aujourd’hui trouver un certain rythme de croisière, et affiche souvent complet le week-end – bien aidé par une jolie terrasse ombragée. Avec des menus qui n’excèdent pas 60€, il reste accessible à une clientèle de gastronomes avertis.

« Je pense que ça plait car les gens comprennent que l’on fait une cuisine passion » estime le chef qui investira cet hiver pour la construction d’un laboratoire entièrement dédié au développement de la fermentation (et aux ateliers proposés par l’entreprise pour le grand public). A moyen terme, le développement d’une seconde adresse est également en réflexion. D’ici là, Les Roseaux Pensants veulent développer leur savoir-faire. « On apprend tout le temps » insiste Laurène Attia qui s’attèlera d’ici peu à l’extension de la carte des boissons maison (elle propose déjà kéfir et kombucha mais souhaite pousser les choses encore plus loin). « On en est qu’au début » conclut-elle.

Un degré en plus :

Organise par le Tiers Lieu Nourricier Sud Touraine, le festival Fermenterre auquel participe Les Roseaux Pensants se déroulera ce dimanche 22 septembre de 10h à 18h. Stéphane Enault et Lorraine Attia sont également attendus à la Fête des Simples de Bréhémont du 27 au 29 septembre.

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