Ville de Tours : quelles marges de manœuvre pour Emmanuel Denis ?

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C’est peu dire que le mandat municipal actuel est atypique : d’une durée légale de 6 ans, il a d’abord été amputé de trois mois par le premier confinement de 2020 puis durablement impacté par les effets de la crise Covid. Désormais ce sont les conséquences de la guerre en Ukraine – en particulier l’inflation énergétique – qui perturbent les plans de la majorité réunissant la gauche et les écologistes. De sérieuses épines dans le pied qui handicapent la réalisation du programme…

C’était avant l’été, au cours d’une conférence de presse. Le chantier du nouveau Centre Chorégraphique de Tours n’était pas encore officiellement annulé mais ça commençait à sentir mauvais avec l’explosion des coûts de peinture. Le maire de Tours reconnaissait alors que le contexte géopolitique international risquait de forcer la municipalité à une révision de ses plans en matière d’investissements. En clair, certains projets allaient être décalés dans le temps voire annulés. Ça s’est vérifié très vite avec le dossier du CCNT ainsi que pour d’autres projets portés par la ville ou la Métropole, à l’instar de aussi l’explosion pressentie du coût de la deuxième ligne de tramway désormais envisagé à 570 millions d’€ contre près de 400 pour les premières estimations.

Une politique grevée par les augmentations des coûts énergétiques

Peut-on en vouloir à Emmanuel Denis et son équipe de revoir leur copie ? En d’autres termes, peut-on encore avoir de l’ambition quand une série de tuiles macroéconomiques vous tombent sur le dos ? Ou encore, la majorité municipale est-elle condamnée à un mandat de gestion aux ambitions réduites ? Impossible de juger sur pièce aujourd’hui, seul une analyse après coup permettra de répondre objectivement à la question. Tout de même, par ses actes et ses éléments de langage, l’équipe de la ville donne des signes sur la façon dont elle compte passer le cap.

Oui, Tours souffre de la situation actuelle entre la hausse des factures énergétiques, la nécessaire augmentation des salaires des agents, la remontée des taux d’emprunts pour ses futurs crédits, ou l’absorption des conséquences de la crise Covid. Mais Joué aussi. Et Chinon, Loches, Langeais, Orléans, Poitiers, Le Mans, Angers, Besançon ou Perpignan. Toutes les collectivités sont touchées mais plusieurs conservent des projets d’ampleurs. Et finalement c’est la façon dont elles vont gérer cette crise – ou cette répétition de crises – qui sera jugée lors du prochain scrutin en 2026. Certes Emmanuel Denis ne s’était pas préparé à ça pendant sa campagne… mais « Gouverner c’est prévoir » disait un certain Adolphe Thiers qui avait, jadis, un boulevard à son nom à Tours (et sur lequel un tram passera peut-être un jour).

Ainsi, quand on entend l’ancien maire Christophe Bouchet parler d’une ville « à l’arrêt » voire « enlisée » on pourrait être tenté de se dire qu’il manque d’indulgence : « Dans 20 ans, Tours n’aura pas les équipements dont on manque depuis 10 ans », « Emmanuel Denis c’est le grand renoncement », « Tours a renoncé à être en première division » … etc. C’est sévère. Mais n’a-t-il pas raison ? L’exemple du CCNT est assez éloquent : voilà un projet qui a germé depuis une demi-douzaine d’années, pensé pour appuyer l’ambiance d’un nouveau quartier par l’implantation d’un espace culturel et qui se retrouve au pire aux oubliettes et au mieux réduit en pièces par manque de moyens financiers : « Si pour un projet aussi bien ficelé, un ensemble de collectivités renonce parce qu’on n’arrive pas à trouver 7 millions d’€, que vont-elles devenir ? »

La question est pertinente : On avance à vitesse mesurée sur le projet du Haut de la Tranchée. Et d’autres chantiers ambitieux comme la rénovation du Palais des Sports et la requalification de la zone du Menneton – + les autres Appels à Projets Innovants pensés par l’ancienne majorité – traînent la patte ou ont disparu des radars (cf. la rénovation des Halles dont plus personne ne parle sérieusement).

Les oppositions appellent à agir maintenant

Au final, les seules opérations qui vont réellement et durablement transformer le visage extérieur de la ville sont celles qui sont en bonne partie financées par l’Etat comme la rénovation du Sanitas (le nouvel ilot Marie Curie avec centre social, tiers lieu culturel et logements doit voir le jour dès 2025), Maryse Bastié ou le plan de rénovation des écoles. La ville de Tours ne manque d’ailleurs pas de chiffres pour afficher son volontarisme : 100 millions d’€ de travaux d’amélioration des performances énergétiques des bâtiments envisagés avant la fin du mandat, « dont une grande partie dans les écoles » insiste Martin Cohen, adjoint au maire en charge des questions environnementales. Ce lundi, c’est par exemple le projet de déménagement des crèches Tonnellé et Confetti qui a été présenté, soit une enveloppe de 6,2 millions d’€ pour un bâtiment plus grand avec 7 berceaux de plus qu’aujourd’hui. Un gros investissement (avec 900 000€ de la CAF), mais là-encore le groupe Tours Nous Rassemble de Christophe Bouchet trouve à y redire : « J’ai des inquiétudes sur la jauge, il faudrait 20 places supplémentaires avec la perspective des 1 200 nouveaux logements des casernes. »

Le groupe d’opposition Les Démocrates n’est pas moins tendre, son président Benoist Pierre évoquant une ville « en berne » : « Avec vous c’est toujours un peu le même scénario. Beaucoup de paroles, d’approximations et de promesses de paroles pour peu d’actes. On est dans un quasi-immobilisme. Pendant ce temps les villes de même strate continuent leur progression et attirent de nouveaux habitants alors que vous cherchez à ralentir le nombre d’arrivées. Au final Tours se déclasse dans beaucoup de domaines. » Pour Romain Brutineau de Tours Nous Rassemble c’est « la dernière rentrée » où la majorité peut espérer lancer des projets qui aboutiront avant la fin de son mandat, « sinon vous risquez d’être le maire du tout ça pour ça et la ville de Tours aura encore perdu 6 ans. » 

Un discours peu ou prou similaire à celui de Mélanie Fortier (groupe Tours Ma Ville) qui appelait ce lundi soir Emmanuel Denis à mener sa politique de transition mais en menant à bout 2 ou 3 projets d’ampleur d’ici la fin du mandat, soit 3 ans et demi, appelant en ce sens à ne plus perdre de temps.

Emmanuel Denis voit-il perpétuellement trop petit ou essaie-t-il d’agir au mieux avec les possibilités qui sont les siennes ? En tout cas il l’assume : de ses propres mots, sa majorité mène une politique de transition. Il faut rappeler également que le maire de Tours, dès la campagne municipale avait annoncé vouloir mener une politique du quotidien plutôt qu’une politique de grands projets. Il ne faut pas oublier non plus que malgré un endettement en baisse la ville de Tours reste encore sous la coupe de gros crédits. C’est d’ailleurs au vu de cette situation et pour renforcer ses capacités d’investissements que la commune a fait bondir le taux de la taxe foncière des propriétaires. De quoi offrir une publicité nationale à la progression globale de 15% des factures (en comptant l’évolution de l’Etat). Et le pire pour l’équipe en place c’est que cet argent finira peut-être seulement par éponger la hausse des charges (la facture énergétique devrait passer de 4,5 millions d’€ en 2019 à 10 millions en 2023).

Les regards tournés vers la Métropole ?

Pour se donner un peu plus de marge de manœuvre, le maire de Tours et ses soutiens métropolitains ont donc tenté il y a quelques jours de relancer l’option Tours Métropole : sachant bien que leurs possibilités sont limitées sans une dynamique d’agglomération qui irait dans leur sens, ils ont écrit un courrier au président Frédéric Augis afin de lui suggérer un remaniement des vice-présidences. « Le désalignement politique entre les deux principales villes du département n’en finit pas de pénaliser le territoire » écrit ainsi le maire de Notre-Dame-d’Oé Patrick Lefrançois, leader de « la minorité métropolitaine » (pour ne pas dire opposition, Emmanuel Denis s’y refuse). Il propose donc de réintégrer des élus de gauche dans l’équipe de gouvernance sous forme d’un « rééquilibrage » des rôles (sans remettre en cause le leadership de Frédéric Augis.

« On tend la main, on veut travailler en intelligence avec Frédéric Augis » confirme Emmanuel Denis quand Christophe Bouchet voit ce geste comme « une tambouille de plus ». Toujours est-il que, comme la ville de Tours, la Métropole peine à faire émerger ses grandes ambitions et à accélérer les projets structurants. Cela fait dissension entre le volontarisme des discours et la réalité du terrain. Ou, du moins pour Tours, cela implique de voir où est-ce qu’on place le curseur de transformation durable d’une cité. On l’a déjà écrit : Emmanuel Denis et son équipe font des choses : vélorue Rue d’Entraigues, réaménagements de places et de cours d’écoles, budget participatif… Une réflexion autour de l’Avenue Maginot vient également d’être lancée… Ce n’est pas grandiloquent, ça ne fait pas rêver ou en tout cas ça n’encourage pas aux gros titres. Encore une fois, c’est seulement l’avenir – et les résultats d’élections – qui diront s’il s’agit d’une bonne stratégie pour améliorer le sentiment que Tours est une ville où il fait bon vivre ou une ville endormie…

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