Un RER en Touraine : beau rêve ou projet crédible ?

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Jusqu’ici on l’appelait RER, en écho au Réseau Express Régional de 5 lignes qui irrigue la région parisienne. Mais le projet de densification de l’étoile ferroviaire de Tours a désormais un nom officiel : le RET pour Réseau Express Touraine, ou Réseau Express Tourangeau. Vendredi 27 janvier, une concorde d’élus du département s’est rassemblée afin de lancer officiellement une campagne destinée à séduire l’Etat pour obtenir des financements. Le dossier a-t-il réellement des chances d’aboutir ? On fait le point.

Comment la Touraine pourrait-elle mettre sur pied un réseau de train façon RER quand Tours Métropole patine depuis 5 ans pour faire émerger une seconde ligne de tramway ? La question n’a pas été posée en public pendant la conférence de presse au siège de Tours Métropole mais plusieurs personnes l’avaient en tête, voire sur le bout des lèvres. On a peut-être tort de faire un tel comparatif parce qu’un tram nécessite de réorganiser complètement l’organisation d’une ville pour y installer les rails quand la présence des voies ferrées est déjà acquise pour le RER. Néanmoins, dans les deux cas, la réussite du projet est soumise à de lourds investissements. Et dans les deux cas elle est assortie d’un même espoir : diminuer la part modale de la voiture au profit des transports en commun. 

5 ans après avoir officiellement engagé son projet de seconde ligne de tramway, Tours Métropole se lance donc dans une entreprise à encore plus grande échelle. « C’est pour faire oublier les débats sur la ligne B du tram » persifflent les mauvaises langues. En revanche dans le discours officiel on parle plutôt de complémentarité.

Une alliance politique rare

Alors de quoi parle-t-on : le RET ce serait tout simplement une augmentation du nombre de trains en circulation au départ des gares tourangelles. Soit en renforçant les 8 lignes existantes (vers Amboise-Orléans, Bléré-Vierzon, Loches, Poitiers, Chinon, Langeais-Saumur, Le Mans et Monnaie-Vendôme) soit en créant de nouvelles liaisons. Le tout avec potentiellement de nouvelles gares ou haltes ferroviaires (Fondettes, Tours-Verdun, La Ville-aux-Dames…). Chose rare dans le landerneau tourangeau, malgré ls scepticismes évoqués plus haut, on n’a encore entendu personne s’opposer frontalement au projet. A droite comme à gauche de l’échiquier politique.

Ainsi, toutes les communautés de communes du département étaient rassemblées aux Deux-Lions de Tours vendredi 27 janvier, ainsi que le président du Conseil Régional et le nouveau préfet d’Indre-et-Loire. « Je suis heureux de cette volonté collégiale qui donne une impulsion » s’est félicité le maire de Tours Emmanuel Denis face à l’assemblée. L’objectif du coup de com’ c’est de montrer à l’Etat que le territoire est mûr pour un tel projet et donc qu’il peut le financer sans crainte. Un rendez-vous devrait d’ailleurs avoir lieu d’ici peu dans le bureau du ministre des Transports Clément Beaune. C’est lui qui sera chargé de mettre en œuvre l’annonce présidentielle qui a surpris son monde fin 2022, lorsqu’Emmanuel Macron s’est dit prêt à soutenir une dizaine de projets de RER hors Île-de-France.

Séduire le gouvernement comme en 2018 avec le titre de Métropole

Tours ne veut donc pas rater le train. Problème : face à Bordeaux ou Lyon c’est un petit poucet (300 000 habitants dans l’agglo, le double dans son aire d’attraction). Et c’est la deuxième raison qui justifie l’affichage politique du moment : grâce à un dossier préfiguré avant même les mots du chef de l’Etat, la Touraine présente un projet potentiellement plus avancé que d’autres. Donc capable d’avancer plus rapidement (même si on parle d’un horizon à 5, 10 voire 15 ans pour une réalisation complète, comme le reconnait Emmanuel Denis).

En fait ce que Tours Métropole cherche à faire avec le RER, c’est renouveler le coup politique qui avait entraîné l’obtention de son statut métropolitain en 2018. A l’époque, le gouvernement n’était pas chaud pour accorder ce statut à une ville moyenne. Face au lobbying très actif, il y avait finalement consenti, rajoutant Orléans dans la boucle. Vu le but, la présence du préfet Patrice Latron et ses mots quand il dit qu’il y a « de grandes chances » pour que l’Etat porte une oreille attentive au sujet comptait énormément. Mais attention à ne pas décevoir. Pour rappel, 5 ans après, l’agglo tourangelle a le statut de Métropole sans que le grand public en sente encore les effets concrets.

Une confiance pour trouver des financements

« On n’est peut-être pas dans les priorités mais on va pousser la porte et montrer notre volonté » tonne encore Emmanuel Denis pour prouver sa bonne foi quand il dit croire en l’aboutissement de ce point de programme. Le maire de Tours assure même que la SNCF est « motivée » par ce Réseau Express Touraine et qu’elle a produit une étude montrant que c’est possible de le réaliser. Une étude qui n’est pas encore publique et c’est dommage car une autre source proche du dossier nous met en garde sur des doutes dans l’entreprise ferroviaire, notamment sur la capacité de la gare de Tours à absorber une hausse sensible du trafic.

Schéma de l'étoile ferroviaire tourangelle.

Ces possibles difficultés techniques, on a voulu interroger les élus dessus. Notamment parce qu’on se souvient que le retour de la navette Tours / St-Pierre-des-Corps est notamment bloqué par des réticences de la SNCF sur la capacité des voies à gérer le trafic. Ou encore que la gare de St-Pierre-des-Corps et ses 5 voies pourrait vite être débordée en heure de pointe. Sans parler d’une nécessaire adaptation du technicentre TER corpopétrussien si le nombre de trains à gérer en maintenance venait à augmenter de façon conséquente. Sur ces sujets, on nous répond qu’on verra plus tard : « Ce qui est intéressant dans les études de la SNCF c’est qu’il y a des possibilités de mise en place de choses sans travaux d’infrastructures ou presque. On peut donc commencer à faire vivre cette étoile en rajoutant des trains ou en faisant en sorte qu’ils s’arrêtent plus souvent » explique Emmanuel Denis.

Des nouvelles plus concrètes d’ici juin 2023

« Les choses ne sont pas faites mais il y a une orientation claire. On essaie de changer d’ère » complète le président de la région François Bonneau. Une phrase qui sert également de réponse à la question des moyens. Plusieurs centaines de millions d’€ seront forcément nécessaires pour acheter des rames supplémentaires, recruter du personnel ou aménager/créer des gares (rien que la réouverture de la gare de Fondettes coûterait environ 30 millions d’€). « L’ambition de cette Métropole c’est la mobilité. Le financement ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus » exprime le président de Tours Métropole Frédéric Augis qui voit ce RER / RET comme un levier indispensable pour booster l’emploi. Le maire de Tours est sur la même ligne que lui : « sur 15 ans, on peut imaginer que l’on trouve des fonds supplémentaires. »

L’enjeu du moment n’est donc clairement pas de fignoler le dossier mais simplement d’obtenir l’aval de l’Etat, « porter une dynamique » comme le souligne le patron de l’agglo Frédéric Augis, persuadé que le reste suivra naturellement. On devrait en savoir plus en milieu d’année, la Touraine ayant prévu de boucler son plan d’attaque en juin pour coïncider avec le calendrier gouvernemental.

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