CORPS
Ce mardi matin, les élus de Saint-Pierre-des-Corps sont appelés à débattre et voter le premier budget du mandat du maire Emmanuel François. Ce dernier, élu maire un peu à la surprise générale face à une gauche divisée, en juillet dernier, joue gros. D’abord parce qu’un premier budget donne d’ordinaire et c’est valable pour toutes les collectivités, le « LA » du mandat et de la vision politique des nouvelles majorités. Ensuite, parce qu’Emmanuel François va proposer un budget municipal en déficit. Quitte à risquer une mise sous tutelle de la 4e commune d’Indre-et-Loire par les services de l’Etat…
En annonçant la présentation d’un budget déficitaire, Emmanuel François sait qu’il se met hors la loi. En effet, contrairement à l’Etat, les collectivités locales sont dans l’obligation légale de présenter et voter des budgets à l’équilibre. Dans le cas contraire, les Services de l’Etat via la Préfecture et la Chambre Régionale des Comptes, sont alertés et peuvent procéder s’il n’y a pas de rectification à une mise sous tutelle de la ville concernée. Chose rare, mais chose possible.
Vers une mise sous tutelle de la ville ?
Pourquoi dès lors Emmanuel François, prend ce risque ? Pour le maire de Saint-Pierre-des-Corps, c’est une forme d’alerte sur l’état des finances de sa commune. “Depuis des années la ville vit à crédit. C’est notre devoir de faire connaître cette situation financière délicate aux habitants, aux contribuables et au personnel. Malgré les alertes de la Chambre Régionale des Comptes dans son rapport de 2018 disant que la commune vivait au-dessus de ses moyens rien n’a changé. L’ancienne équipe s’est orientée vers des projets non prioritaires au détriment de la rénovation des écoles ou de la piscine municipale ” explique-t-il en citant le compte administratif 2020 qui affiche un déficit de 743 000€ sur la section de fonctionnement (qui comprend le personnel, les charges comme l’électricité…).
“On est quasiment en situation de surendettement. Nous devons emprunter pour rembourser nos crédits. Notre trésorerie est tellement basse qu’elle nous permet seulement d’assurer 4 jours quand c’est 4 mois pour les villes de taille comparable” souligne le maire précisant que la dette corpopétrussienne s’élève à 19,3 millions d’€ avec une capacité de remboursement passée de 6 à 15 ans en quelques années. Naturellement, la crise sanitaire n’a rien arrangé avec 600 000€ de recettes en moins en 2020.
Conséquence, la majorité du maire devrait adopter un budget de fonctionnement pour l’année 2021 prévoyant un déficit de 92 000€. Une somme qui peut paraître faible par rapport au montant total de l’enveloppe de dépenses annuelles corpopétrussiennes qui atteint 25 millions d’€ mais qui suffit à déclencher une procédure administrative en préfecture.
En faisant de la sorte, Emmanuel François évoque « un acte courageux témoignant de la volonté de la majorité d’instaurer une sincérité budgétaire », tout en affirmant que cela va permettre de se faire accompagner par la Chambre Régionale des Comptes.
L’ancienne maire se défend et parle d’un choix non assumé par son successeur
Directement ciblée et jugée responsable de cette situation, l’ancienne maire Marie-France Beaufils est sortie de sa retraite pour défendre et assumer les choix qu’elle avait fait. Pour celle qui a dirigé la commune corpopétrussienne pendant 38 ans, c’est au nouveau maire « d’assumer ses choix » : « Il n’y a pas d’obligation ni de contrainte particulière à présenter ce budget en déséquilibre, cela relève simplement d’un choix politique. »
Avec Renan Lebert, élu communiste dans l’opposition, Marie-France Beaufils parle ainsi d’ « insincérité » avec des « recettes minimisées » et à l’inverse des « dépenses gonflées ».
Pour affirmer leurs propos les deux membres du Parti Communiste citent en exemple des dépenses mises intégralement dans le budget 2021 alors qu’elles pourraient être étalées sur plusieurs exercices comme le rachat de terrains à Rochepinard pour un montant de 2,3 millions d’euros, et à l’inverse des recettes jugées plus faibles que celles réelles comme la dotation de solidarité communale de la Métropole, passée de 637 000 euros en 2020, à 318 000 euros inscrits seulement dans ce budget.
Reprenant les points qui lui sont reprochés, Marie-France Beaufils assume sa gestion et ses dires passés. Sur la baisse des dotations de l’Etat, elle affirme ainsi que c’est logique que Saint-Pierre-des-Corps ait été plus pénalisé que d’autres communes (moins 7,6 millions d’euros entre 2014 et 2019) du fait qu’elle a un potentiel fiscal supérieur à d’autres communes grâces aux entreprises basées sur son territoire. Sur la faible avance de trésorerie, l’ancienne maire se défend aussi, évoquant une « gestion active, reconnue par la Chambre des Comptes. »
Pour l’ancienne maire de la ville, Emmanuel François avance ainsi des arguments non recevables. Et Marie-France Beaufils d’y voir plutôt une façon détournée de ne pas assumer sa volonté de réduire le nombre de fonctionnaires dans la ville : « Si la ville est placée sous tutelle, l’Etat va tailler sur les dépenses pour revenir à l’équilibre et cela passera par les ressources humaines. Or le maire a dit à plusieurs reprises qu’il trouvait qu’il y avait trop de dépenses de personnels. Je serais très inquiète si on s’attaquait de la sorte à un certain nombre de services essentiels à la population dans une ville comme Saint-Pierre-des-Corps. »
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