Qui sont les électeurs du Front national ?

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L’arrivée au second tour du Front national a  provoqué  un séisme  en  2002. Rien de tel en 2017. Il ne suscite plus une répulsion massive. “Un parti qui a recueilli 21,3% des voix est un parti comme les autres. Pour comprendre ce qui se passe, il faut mettre tous les partis en connexion. Aujourd’hui vous avez un effondrement du PS déchiré entre une ligne néolibérale et une ligne de gauche traditionnelle sur la répartition des richesses, une droite qui s’est radicalisée sur les questions identitaires avec Sarkozy, un mouvement social en rupture et un Front national qui se met en scène dans une stratégie ambivalente d’affichage, comme l’atteste le soutien de Marion-Maréchal-Le Pen à la Manif pour tous alors que sa tante est contre”, explique Raphaël Challier, doctorant en sociologie à l’université Paris VIII qui étudie l’engagement politique rural. 

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« Sur d’autres points, le FN demeure très différent. C’est le seul parti qui défend la préférence nationale. Il est aussi  très attaché à un contrôle de la base car il sait qu’il y a des extrémistes et donne des consignes de vote très précises », précise-t-il. Il s’inscrit dans une tradition politique plébiscitaire française qui ne procède pas forcément de l’extrême droite. Il entend établir un lien direct, très centralisé entre un chef charismatique, autoritaire et le peuple, lien incarné par le referendum.

Un vote populaire

Le Front national s’appuie sur un vote populaire, sur la France des oubliés. Son socle est enraciné chez les précaires, les chômeurs, ceux qui arrivent dans la vie active sans diplôme, les jeunes ouvriers sans tradition syndicale qui voient l’immigration comme un danger pour leur emploi et pour leurs repères culturels. Ce parti d’extrême droite s’est développé dans les zones périurbaines et rurales  délaissées par l’Etat ou ressenties comme telles dont le premier tour en région Centre-Val de Loire donne un aperçu significatif. « Dans les petites villes de milieux populaires et peu politisés, les gens qui constatent que leurs conditions de vie se sont dégradées, peuvent se dire qu’avec le FN, même avec des idées radicales et des boucs émissaires, il peut y avoir une possibilité de lendemains meilleurs alors qu’en face, on leur assène qu’on ne peut faire autrement qu’une politique néolibérale avec le développement du libre-échange, l’affaiblissement des protections collectives, et le détricotement des services publics » , rappelle encore Raphaël Challier.

Les déçus de la droite

A cette première strate, il faut ajouter les sympathisants déçus de la droite en raison des divergences durables et profondes au sein des Républicains,  principal parti de droite : ne plus avoir de leader incontesté a déstabilisé son électorat. La radicalisation identitaire et sécuritaire de Nicolas Sarkozy a également pesé. Dans ses propos et ses prises de positions contraires à la droite traditionnelle, des adhérents et certains sympathisants ont vu une reconnaissance du FN. « Je pense effectivement que Nicolas Sarkozy a participé à brouiller les frontières. De même les échecs des partis de gauche, ont pu crédibiliser le discours du parti frontiste. Au sortir de cinq ans de présidence socialiste peu concluante, il était en effet plus compliqué pour les leaders de gauche  de se présenter comme une alternative », dit encore Raphaël Challier.

Politique  de dédiabolisation

Depuis qu’elle est à la tête du FN, Marine Le Pen est parvenu à modifier passablement l’image de son parti dans l’opinion. L’exclusion des éléments radicaux les plus visibles, l’adoubement de jeunes candidats aux élections, la promotion de militants issus des grandes écoles ou de la haute  fonction publique comme Florian Philippot, l’adoption d’un discours d’apparence antilibérale aux accents sociaux et la rupture avec le père à la suite de ses déclarations sur la Seconde Guerre Mondiale, tous largement commentés  par les medias, ont été perçus comme autant de signes sinon de preuves d’un « nouveau FN ». Au lieu se  référer à une idéologie conservatrice  et cependant ouverte au capitalisme, Marine Le Pen a réactualisé le rêve  ancien d’une troisième voie  différente du libéralisme et opposée à ce qui est étranger ou antipopulaire « La politique, comme le disait Gramsci, c’est une bataille idéologique permanente. Et il est évident que dans cette bataille idéologique le FN, a marqué des points. Sa direction a eu une stratégie efficace. Elle a réussi à banaliser certains éléments de langage, certains thèmes, certains débats, tout en modifiant sa perception. On a vu arriver des profils beaucoup  moins radicalisés, ce qui n’empêche pas que perdurent en son sein des formes de radicalité, d’extrémisme,  l’homophobie, le racisme. Cela dit le FN a toujours eu une composante radicale et une composante qui aspirait à la respectabilité, à la prise du pouvoir. Souvenez-vous de Bruno Mégret ! », rappelle Raphaël Challier.

Pas uniquement populaire

Le critère du bien-être est devenu l’un des principaux facteurs du vote frontiste. Quel que soit leur âge, leur catégorie sociale ou leur niveau de revenus, 45% des plus pessimistes  sont tentés de voter Marine Le Pen  tout comme les non-possédants « Quand on étudie les  votes  locaux, on se rend compte surtout que les lignes bougent non du nord au sud, mais d’une ville à l’autre. Le FN, ce n’est pas un parti uniquement populaire, avec une histoire commune, nourrie par la désindustrialisation des territoires. L’histoire politique locale varie. Dans l’est, elle est plus marquée par une tradition gaulliste. Il n’y a donc pas de transferts  vers Marine Le Pen de militants de base relevant de la  gauche, d’électeurs de gauche convaincus de longue date. Ce sont majoritairement des personnes qui votaient à droite ou peu, qui viennent grossir le vote frontiste. De plus, on voit l’émergence d’une nouvelle génération de classes populaires qui n’ont jamais connu le monde ouvrier comme on l’entend, avec le poids des syndicats. Le FN n’a pas été au pouvoir, il a disposé de très peu de pouvoir exécutif. Aussi est-il  le réceptacle de toutes les frustrations. C’est le parti de la colère qui incarne une alternative », explique Raphaël Challier.

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