Plan de circulation et plan vélo à Tours : qui oserait tout casser ?

Facebook
Twitter
Email

Depuis deux mois à Tours, le débat politique municipal se concentre notamment sur les questions de circulation avec le lancement conjoint des travaux pour étendre le réseau de pistes cyclables et réorganiser le plan de circulation dans différents quartiers. Pensées pour réduire la place de la voiture en ville, ces mesures entraînent un grand nombre de commentaires négatifs de citoyens, internautes et élus d’opposition. A moins de deux ans de la prochaine élection municipale, on a voulu se demander si les opposants à ces évolutions seraient capables de revenir en arrière… et jusqu’à quel point.

Il arrive de temps en temps que l’on voit passer d’anciennes photos de la Rue Nationale sur les réseaux sociaux. Souvent en noir et blanc, ou en couleurs sépia, elles nous montrent la principale artère commerçante remplie de voitures, à l’époque où elle était traversée par la Nationale 10. A chaque fois, il y a toujours quelques commentaires pour regretter cette époque. Pourtant, dans les instances dirigeantes, personne n’imagine rouvrir l’axe à la circulation automobile. Il va même prochainement être interdit aux vélos pour ne laisser passer que le tram et les piétons.

Certes, il ne faut jamais dire jamais. A une époque Tours était maillée de plusieurs lignes de tram qui ont été supprimées pour laisser la place à l’automobile. Cela dit, à une époque où chaque grand projet d’aménagement impacté les finances publiques pour 30 ans, on y réfléchit souvent à deux fois avant de tout envoyer valser.

C’est avec ce constat que l’on a voulu prendre un peu de recul sur le grand débat qui agite l’agglomération depuis que le maire de Tours et Tours Métropole ont annoncé le lancement conjoint de la création de nouvelles pistes cyclables (10 millions d’€ en 2024, 80 millions au total), et d’un big bang de la circulation dans plusieurs quartiers afin d’éviter les voitures qui transitent par les petites rues. Des mesures qui s’ajoutent aux aménagements déjà engagés par la municipalité écologiste depuis 2020 : fermeture du Pont Wilson aux voitures, création d’une vélorue Rue d’Entraigues avec plein de sens interdits pour faire zigzaguer les voitures ou encore la réorganisation de la circulation aux Deux-Lions.

Ces actions sont très critiquées dans l’opposition et déplaisent à une partie de la population. Objectivement, elles ont augmenté le taux de bouchons en ville. On entend certaines personnes menacer de ne plus venir en ville (même si, pour l’instant, le commerce s’y porte relativement bien). Et parmi les élus de la minorité municipale, certains tirent tellement à boulets rouges qu’on a eu envie de savoir ce qu’ils feraient si d’aventure ils revenaient aux affaires après l’élection municipale de 2026.

Aménagement prévisionnel du boulevard Béranger après le plan d’apaisement

Maire de Tours de 2017 à 2020 et candidat déclaré pour les Municipales 2026, le centriste Christophe Bouchet propose une réouverture partielle du Pont Wilson car il estime que la piste cyclable est sous exploitée : « Je pense qu’il y a des mesures alternatives intéressantes comme des horaires d’ouverture à la circulation ou une priorité aux transports collectifs. » Benoist Pierre ou Mélanie Fortier suggèrent le même type de plan : « Il faut une réouverture totale ou partielle » dit celui qui a été tête de liste du parti macroniste en 2020. « On ne va pas tout rouvrir du jour au lendemain mais ce pont est sous-utilisé. On peut y laisser passer les transports en commun et les ambulance » plaide l’élue radicale.

Autre candidat déclaré pour la prochaine élection, et ex-soutien d’Emmanuel Denis en 2020, l’ancien adjoint du maire socialiste Jean Germain Alain Dayan plaide lui aussi pour le retour des bus sur le Pont Wilson. Quant à l’élu d’opposition de droite Olivier Lebreton, adjoint au maire chargé de la sécurité de 2014 à 2020, désormais à la tête d’une association baptisée Tours Mérite Mieux, il envisage carrément un référendum local sur la question.

Globalement, les fossoyeurs de la politique de mobilités d’Emmanuel Denis prônent surtout un changement de méthode. « Il faut faire du cousu-main » explique Christophe Bouchet, persuadé que le plan d’apaisement peut faire du bien dans des secteurs comme le quartier des Douets à Tours-Nord : « Si on apaise la Rue du Danemark ou la Rue de Suède, cela peut être apprécier. Mais couper la Rue Edouard Vaillant entre la gare et Beaujardin c’est compliqué. »

« La méthode de la municipalité c’est de mettre les Tourangeaux devant le fait accompli. Je n’ai jamais vu ça » tonne pour sa part Alain Dayan qui propose, comme nos autres interlocuteurs, de remettre totalement à plat le sujet après le scrutin de 2026 et de créer des comités citoyens sur ces questions. « On réfléchit en termes de réalité des usages » nous dit-il. « Pour des plans si importants, je travaillerais avec l’opposition. Cela peut déminer certains points » promet pour sa part Olivier Lebreton qui n’est pas (encore ?) candidat pour mener une liste.

Néanmoins, certaines décisions prises il y a plusieurs mois peuvent déjà faire l’objet d’un bilan et donc être remises en cause. « Aux Deux-Lions, le bilan du plan de circulation est négatif : on rouvre » exige Benoist Pierre. Et Mélanie Fortier pense la même chose qualifiant le plan municipal « d’aberration » : « Ce n’est pas parce qu’on rend la circulation inextricable que les gens ne prendront plus leur voiture. Si on ne crée pas d’offre en face, il y aura simplement plus de bouchons ailleurs. On déplace le problème. »

L’élue d’opposition propose ainsi de développer des parkings à étages en entrée de ville avec possibilité de rabattement sur les transports en commun. Ou de multiplier les petits bus comme la Citadine qui parcourt le centre-ville entre l’hôpital Bretonneau et la cathédrale (même si des lignes assurées par ces bus électriques ont été supprimées faute de fréquentation à Febvotte et Tours-Nord). Alain Dayan suggère lui des lignes de bus à réservations encore plus nombreuses, pour relier des quartiers aujourd’hui difficilement desservis par des bus directs (Velpeau-Febvotte, par exemple). Il souhaite également des navettes jusqu’à 1h du matin pour les gens travaillant tard.

La philosophie est donc bien différente. Pour autant, plusieurs actions mises en place sous l’ère Emmanuel Denis sont vouées à être pérenne. « Il ne faut pas se dire ‘si j’arrive, je casse tout’. On ne va pas faire ce que les Verts nous ont fait à nous » assure Christophe Bouchet qui parie sur le fait que le plan d’apaisement ne sera pas fini comme prévu en 2026 et qu’il serait possible de le remettre en cause en cas de changement de majorité. « Défaire ce qui a été fait, non. On ne va pas gaspiller l’argent public. Mais il faudra regarder ce qu’on peut ouvrir pour rendre la circulation plus fluide » abonde Alain Dayan.

« Le but de notre mobilisation aujourd’hui c’est qu’il n’en face pas trop pour qu’on puisse avoir le choix de ce qu’on continue, ce qu’on arrête ou qu’on fait évoluer » développe pour sa part Olivier Lebreton qui envisage tout de même sérieusement de revenir sur la vidéoverbalisation des véhicules en infraction. « Le but ce n’est pas de changer tout ce qu’il a fait, juste ce qui est facile et ne coûte pas si cher. »Histoire de ne pas se faire accuser par la suite de gaspiller de l’argent public.

« La difficulté principale c’est que tout est concentré sur un temps réduit. Aucune ville de France n’a fait ça en deux ans. Elles ont étalé sur 10-15 ans car il faut évaluer les choses au fur et à mesure » indique enfin Benoist Pierre.

Malgré leur virulence, les différents opposants essaient de manœuvrer pour éviter qu’on leur reproche de nier l’urgence climatique. « Il faut accompagner le sens de l’histoire : je ne suis pas pour mettre plus de voitures ou enlever des transports ni fermé à plus de pistes cyclables » souhaite éclairer Olivier Lebreton quand Christophe Bouchet ne cesse de rappeler qu’il circule beaucoup à vélo. Benoist Pierre et Mélanie insistent de leur côté sur la nécessité de rajouter des bornes électriques pour recharger les véhicules concernés (Tours en a très peu en centre-ville).

« Avant d’empêcher, il faut mieux offrir et consulter » résume l’élue radicale. « Je suis contre la brutalité, ça fait monter la tension. On n’est pas à 6 mois près d’échanges » estime Olivier Lebreton. « Ce n’est pas les modernes contre les anciens mais on ne passera pas de 4% de cyclistes à 15% d’un coup. Rien qu’à Tours-Nord, avec les côtes, ce sera surtout de l’électrique donc une petite partie de la population » ajoute Benoist Pierre partisan « d’une panoplie de mobilités ».

On le voit, les oppositions ont été très excitées par les décisions d’Emmanuel Denis et de ses équipes sur ces sujets de mobilités, contestant par ailleurs le projet de 2e ligne de tram jugé disproportionné, trop cher et inadapté à cause de son passage par le Boulevard Jean Royer (au lieu du plan Béranger initialement prévu).

Les travaux de la ligne B devant commencer en 2025, et les chantiers du plan d’apaisement se poursuivre à un rythme soutenu, on sait que les débats sont loin d’être achevés. Au point d’en faire le 1er sujet de la campagne ? « Oui avec la sécurité et la santé » répond Christophe Bouchet. « Ce sera un sujet central par les difficultés qu’il provoque » prédit également Benoist Pierre. « Oui, un des premiers sujets à cause de son lourd impact économique » confirme Mélanie Fortier.

Mais tout le monde ne pense pas pareil. « La sécurité primera » estime Olivier Lebreton. « Ce sera un thème, mais pas majeur. Je pense que la préoccupation des gens c’est l’emploi et le pouvoir d’achat avant tout » nuance également Alain Dayan. Très clivant, il a en tout cas clairement lancé la campagne alors même qu’il y a encore plus d’un an et demi à attendre avant le vote.

Facebook
Twitter
Email

La météo présentée par

TOURS Météo

Inscription à la newsletter