Y a-t-il une recette au « déficit démocratique », à la crise de légitimité des élites, que traduisent les votes populistes en Europe et plus récemment aux Etats-Unis ? Comment redonner tout son sens à notre démocratie représentative, à l’heure où se dit tout et n’importe quoi, y compris insultes et stupidités à la pelle, sur les « réseaux sociaux » ? Comment internet peut-il contribuer à l’émergence d’une démocratie plus directe qui ne renierait pas l’élu du peuple ?
Toutes ces questions qui prennent encore plus d’acuité avec l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, plutôt que de les éluder, Charles Fournier, vice-président du Conseil régional chargé de la démocratie et des initiatives citoyennes, va tenter d’y apporter une réponse.
Elargir le cercle de la démocratie
Lundi avec son équipe il a lancé la démarche « faire vivre une démocratie permanente en région Centre-Val de Loire ». Démocratie permanente, un terme qu’il préfère à « démocratie participative » peut-être un peu trop connotée depuis Ségolène Royal… Qu’importe la sémantique. Pour Charles Fournier, il s’agit de « pousser les citoyens à s’engager ». Avec cette question cruciale : « comment élargir le cercle de ceux qui participent à la démocratie ? ». Dans les réunions, les forums, les ateliers et autres conseils de quartier et comités théodule, le phénomène TLM (Toujours les Mêmes) a tendance en effet à fausser le jeu démocratique.
Ces sujets qui les concernent
Alors que la pratique individuelle qui consiste, sur les réseaux sociaux, à dézinguer tout ce qui bouge le cul bien calé devant un écran d’ordinateur, est devenue sport national, comment faire prendre la parole au citoyen sur les sujets « qui les concernent ». Ce leitmotiv poujadiste qui ne veut rien dire lorsqu’il montre du doigt les élus. Comme si le conseiller régional qui vote une aide aux viticulteurs ou le conseiller municipal qui traite de la culture dans la ville ou le député qui discute d’une loi sur la Sécurité Sociale ne s’occupait pas de sujet qui « les concernent » ces citoyens. Encore faudrait-il que ce citoyen fasse l’effort de comprendre ces dossiers “qui le concernent”, et leur traduction politique.
Dans l’année qui vient, ces sujets de « la vie de tous les jours », les vice-présidents de la Région suivant leur compétence vont aller en traiter avec les citoyens, sur le terrain, dans les territoires régionaux. « Il faut retrouver le dialogue avec le citoyen », explique Charles Fournier, « faire le lien entre ce qu’il vit et le politique ». Il y avait eu les Etats généraux (économie,culture,numérique…). Cette fois Charles Fournier et son équipe veulent vraiment descendre encore plus près du citoyen régional.
Les courroies de transmissions existent, par exemple les comités de ligne (SNCF), les conseils de quartier, le CRJ (conseil régional de la jeunesse), et d’autres plus institutionnelles comme les élus locaux, les syndicats, le CESER (Conseil économique et social). Et pourquoi ne pas y ajouter la presse, qu’elle soit papier, en ligne ou audiovisuelle qui médiatise aussi les thématiques de la vie de tous les jours. Et tente de les expliquer.
Entendre les vrais gens
Comment faire parler les « vrais gens », ceux qui estiment qu’on ne les entend jamais ? C’est le défi de Charles Fournier et de son équipe qui tenteront d’éviter les écueils comme les catalogues de revendications, style cahiers de doléances ? « Nous passerons notamment par les associations d’insertion, les travailleurs sociaux », explique t-il. De janvier à juin, des agoras auront lieu dans 23 bassins de vie réunissant une centaine d’acteurs afin de tenter des co-constructions des politiques régionales en matière de progrès démocratique et des politiques régionales thématiques, (transports, déchets, alimentation, formation…). De ces agoras seront tirés des panels, un dans chaque département.
Des associations rompues à ces nouveaux processus démocratiques, comme Démocratie ouverte, Missions publiques, villes au Carré (qui n’a rien à voir avec le maire d’Orléans), et le CESER, seront partie prenante d’un processus, un peu usine à gaz d’apparence, mais qui veut activer une multitude de leviers. Panels, experts et contenu des plate-formes web déboucheront sur une synthèse qui, au final, nourrira le Schéma régional d’aménagement et de développement du territoire.
Et si après tout ça, on vous parle encore de “déficit démocratique”…
Ch.B