La Touraine se cherche un consensus sur les déchets

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Ça fait des années qu’on en parle, et des années que ça trainaille. Non, on ne parle pas du projet de ligne 2 du tram de Tours mais de la question du traitement des déchets en Indre-et-Loire. Une usine de tri des matières recyclables flambant neuve vient d’être inaugurée au nord de Tours à Parçay-Meslay mais pour le reste des ordures on n’a toujours pas de projet clair. Une concertation publique est donc lancée pour tenter d’aboutir à un plan commun d’ici quelques mois. Si ça n’aboutit pas, ce sera un échec aux airs de drame fiscal et écologique.

Chaque personne qui vit en Indre-et-Loire produit en moyenne 531kg de déchets par an. Seulement 100kg vont dans le tri sélectif en vue d’un recyclage. Le reste termine en déchetterie, enfoui sous terre ou brûlé. Une quantité colossale à gérer pour les collectivités locales chargées du traitement de nos poubelles. C’est coûteux, c’est mauvais pour la planète et en plus les sites de gestion actuels sont vieillissants ou légalement obsolètes. En résumé c’est la crise. Et en plus, on n’a pas encore la solution pour la gérer.

Alors que faire ? En Touraine, ça fait une bonne décennie qu’on se pose la question sans trop réussir à y répondre. Le principal problème c’est que les projets de construction d’unité de traitements des déchets ont du mal à trouver une terre d’accueil qui n’entraîne pas une grosse polémique locale avec risque de recours judiciaire pouvant retarder ou annuler la construction. L’ancien maire de Notre-Dame-d’Oé Jean-Luc Galliot, longtemps vice-président de l’agglo de Tours chargé des déchets, en sait quelque chose : dégoûté par les oppositions, il a fini par abandonner son combat.

Depuis, les instances publiques louvoient et tergiversent. 4 ans le mandat a commencé… Et 4 ans qu’on essaie de trouver une option viable et acceptable. Les choses commencent à bouger sous l’impulsion de Martin Cohen, président du syndicat Touraine Propre et vice-président de la Métropole en charge des déchets. Également élu de la majorité municipale de Tours, il lance ce printemps une grande concertation de deux mois à l’échelle du département dans le but d’impliquer un maximum de personnes. Car le sujet concerne tout le monde. Tout le monde produit des déchets… mais peu s’impliquent dans les questions liées à leur impact sur le monde. Des sujets pourtant essentiels.

Baptisée Cap 2030, cette concertation se fait en partenariat avec la communauté de communes Chinon Vienne et Loire. Ce n’est pas pour rien car son territoire héberge le seul incinérateur de déchets du département (il est situé juste à côté de l’hôpital du Chinonais, sur la commune de St-Benoit-la-Forêt). Vieillissant, il pourrait prochainement être remplacé par une usine toute neuve capable de traiter 40 000 tonnes de déchets par an. C’est bien, mais pas suffisant quand on sait que la produit département est plutôt de 130 000 à 140 000 tonnes. Il faut donc un plan global.

Ce plan va se déployer en deux étapes :

  • Encourager la population à réduire le poids de ses poubelles. « L’objectif c’est -16% à l’horizon 2030 » explique Martin Cohen. « Pour certains ça parait peu ambitieux, pour d’autres très ambitieux mais ça n’a jamais été fait. La tendance est à la baisse mais plutôt de 4 à 5%. Là il va falloir convaincre et expliquer à tout le monde » poursuit l’élu. 5 millions d’€ sont budgétés pour cette opération, et la concertation doit permettre d’établir le plan d’action
  • Etablir un schéma départemental de traitement des déchets et en particulier le site d’implantation d’un deuxième incinérateur de tout ce qu’on ne sait pas recycler. 3 sites sont envisagés : Parçay-Meslay (mais le maire et des habitants sont contre), la zone de l’aéroport de Tours (qui suscite aussi des oppositions) et la commune de Sonzay, qui dispose déjà d’un centre d’enfouissement

Si Sonzay est retenue, la commune de 1 400 habitants située au nord de Tours resterait donc un maillon central pour la gestion des déchets du département. Elle serait volontaire, et cette information est un grand changement car ça pourrait simplifier pas mal de démarches. L’idée serait alors de construire une unité de valorisation énergétique des déchets capable d’absorber 60 000 tonnes par an, volontairement sous-dimensionnée car les équipements des départements voisins du Maine-et-Loire et du Loir-et-Cher peuvent accueillir le surplus tourangeau de 30 à 40 000 tonnes.

« L’objectif c’est de débattre » précise bien Martin Cohen, qui assure qu’aucune décision n’est prise. Prévue jusqu’au 15 juillet, la concertation a donc pour ambition de voir si un consensus peut se dégager. Indispensable pour ne pas que la Touraine se trouve encore engluée plusieurs années avec ce sujet. Le risque : payer de fortes amendes car on continue d’enfouir des déchets (ce qui devient illégal), ou faire augmenter de façon stratosphérique les taxes de gestion des ordures ménagères car il faut emmener le contenu des poubelles très loin et que le transport coûte très cher.

« Il faut arrêter de regarder sur son petit territoire et avoir une vision plus large » alerte Martin Cohen, en faisant volontairement référence aux atermoiements des dernières années. Pour ça, il est sur la même longueur d’ondes que le président de la ComCom Chinon Vienne et Loire et maire de Chinon, Jean-Luc Dupont. « Il faut qu’on travaille de façon claire et opérationnelle pour que le projet avance. Chaque report induira une hausse des coûts. On peut contester, refuser, mais une y a une réalité quand les taxes progressent un peu plus d’année en année. » dit-il. « Les mêmes qui s’opposent aux unités de traitement se plaindront des augmentations de taxes » glisse au passage un observateur.

L’enjeu est d’avoir un projet prêt à démarrer fin 2025-début 2026… soit avant les prochaines élections municipales. Cela permettrait d’envisager une entrée en service à l’horizon 2030, même s’il faudra dépasser le gros enjeu financier consistant à lever entre 160 et 180 millions d’€. Si ce calendrier n’est pas respecté, le scrutin de 2026 pourrait faire perdre de longues années car il entraînera un renouvellement des équipes qui reprendront le sujet à la racine. Au bas mot 2 à 3 ans de délais supplémentaires.

Pour que ça marche, les initiateurs de la concertation Cap 2030 espèrent donc capter le public le plus large possible, et au passage calmer des réticences politiques. « L’objectif c’est qu’un maximum de personnes comprennent mieux ce sujet compliqué » plaide Martin Cohenn satisfait par exemple de voir qu’on demande aujourd’hui 4 à 500 composteurs par mois aux services métropolitains quand on était plutôt à 100 par mois avant l’entrée en vigueur de l’obligation de séparer ses biodéchets des poubelles traditionnelles. Un signe selon lui qu’on commence à se préoccuper de l’impact de ce qu’on jette.

« Il y a un engouement de la population, le compostage devient un sujet de discussion » confirme le maire de Montlouis-sur-Loire, Vincent Morette… même si l’élu a récemment trouvé un grille-pain dans un bac de compostage. Une anecdote qui résume bien l’enjeu de la concertation : intéresser au sujet celles et ceux qui s’en fichent. Pour cela, en plus des réunions publiques, la campagne s’articulera autour de petits films au cinéma, mais aussi d’une soixantaine de mini débats publics. Et à terme, le volet prévention sur la réduction des déchets a notamment vocation à s’adresser aux plus jeunes.

« La garantie de résultat, je mentirais si je disais qu’on va l’avoir mais j’espère qu’on arrivera à toucher un public large » plaide Martin Cohen. Jean-Luc Dupont est plus précis : 

« Les changements de comportements ne sont pas instinctifs et innés mais la prévention ça marche. On voit que ce qu’on fait auprès des jeunes sur la sécurité routière a un impact auprès des parents. Pour les déchets ça pourrait être la même chose. Ce ne sera pas immédiat, mais c’est l’objectif vers lequel on doit tendre. On doit générer un certain sentiment de responsabilité ou de culpabilité chez les gens qui constatent qu’ils ne sont pas au rendez-vous de ce que la société attend. »

A noter que la méthode choisie pour y parvenir est plutôt douce, la taxation de poubelles au poids qui se pratique ailleurs n’étant pas à l’ordre du jour en Touraine (même si elle n’est pas écartée totalement). A la place, c’est la première fois qu’on entend si clairement des élus de plusieurs bords plaider pour une politique de réduction des déchets, avec un appel aux parlementaires pour que ça se fasse aussi au niveau national. Les associations comme Zéro Déchet Touraine qui ont longtemps plaidé pour cette façon de communiquer ont – enfin ? – été entendues.

Pour participer à cette concertation il faut aller sur le site http://concertation.tourainepropre.fr.

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