GRAND FORMAT : Voiture, vélo, tramway… Quel avenir pour les transports à Tours ?

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Depuis le début de la crise du coronavirus, on nous pousse à réfléchir à deux fois avant d’envisager un déplacement. On va moins loin, moins souvent. Tout de même, l’organisation de notre monde fait que l’on bouge en permanence. Ainsi, quand on est élu, être en charge des mobilités fait partie des délégations les plus sensibles, en particulier parce qu’elle est soumise à la pression populaire. Dans l’agglo tourangelle, une femme et un homme ont endossé cette lourde tache à l’issue des dernières élections municipales : Armelle Gallot-Lavallée pour la ville de Tours et Christophe Boulanger au sein de la Métropole. Nous les avons réunis pour faire le tour des grands dossiers du mandat…

Quel portrait dressez-vous de la mobilité aujourd’hui au sein de l’agglomération de Tours ?

Armelle Gallot-Lavallée : La voiture occupe 80% de l’espace public et ça nous parait trop. Le vélo a une belle marge de progression : on peut doubler sa part modale car les espaces ligériens s’y prêtent favorablement (passer de 7 à 14% de déplacements à vélo à Tours, ndlr). Il manque aussi des trottoirs plus larges et plus confortable pour les piétons.

Christophe Boulanger : Depuis des années on a une stratégie de réparation, de sparadrap. Le service rendu à la population n’est pas à la hauteur des besoins et surtout source d’inégalités : comment on fait venir quelqu’un de Saint-Avertin en ville sans prendre la bagnole ? Voilà une vraie question. Tout a été organisé pour la voiture, tout le monde décrit une erreur urbanistique mais personne n’a rien fait.

A G-L : Il manque un regard circulaire sur l’ensemble des mobilités. Par exemple on a fait de petites choses sur le vélo, mais en veillant à ne surtout pas gêner la voiture. On ne va pas supprimer la voiture mais il faut créer une ville pour l’ensemble des habitants avec un véritable partage de l’espace public.

C B : Si on veut décarboner la ville et préserver l’avenir de nos enfants il faut radicalement changer les choses. Si la collectivité n’offre pas d’alternative, ça ne viendra pas des citoyens.

A G-L : 30% des gaz à effet de serre proviennent de la voiture. On dit que c’est le dernier mandat au cours duquel on peut vraiment changer les choses. Si on ne fait rien ce sera trop tard.

« Il faut qu’on accepte de casser les usages actuels, quitte à avoir une posture un peu radicale et à bousculer les choses. »

Christophe Boulanger

On connait la difficulté de faire émerger des projets en un temps court. La réalité administrative est souvent différente de la volonté politique. Qu’est-ce que vous êtes réellement en mesure de faire en 6 ans ?

Christophe Boulanger : En un semestre nous avons déjà réalisé 30km de voies cyclables transitoires – que je préfère appeler voies test. Le but c’est de transformer l’essai et cette logique permet d’aller vite. On n’attend pas de discuter 15 ans sur un schéma de mobilité pour faire. L’idée c’est de saisir les opportunités : si ça marche on conserve, si ça ne marche pas on enlève.

Armelle Gallot-Lavallée : On ne part pas de rien car l’Agence Territoriale de l’Urbanisme, Tours Métropole et les associations ont déjà mené une réflexion en amont. L’objectif c’est d’arriver à 40km de voies dédiées aux vélos en 2026.

Quitte à frustrer une partie de la population ?

Christophe Boulanger : Il faut qu’on accepte de casser les usages actuels, quitte à avoir une posture un peu radicale et à bousculer les choses. On a été élus pour ça. Aujourd’hui, je pense qu’il y a moins de mécontents de la fermeture du Pont Wilson (interdit aux voitures depuis le 12 août, ndlr) que lors de la piétonisation de la Rue Nationale qui avait fait un tollé. 10 ans plus tard, on voit bien que personne ne souhaite revenir en arrière.

Armelle Gallot-Lavallée : La fermeture du Pont Wilson questionne les gens mais ne donne pas lieu à une opposition frontale. Il n’y a pas que des commentaires défavorables sur les réseaux sociaux.

Ces dernières semaines, on observe tout de même beaucoup de témoignages d’automobilistes qui expliquent passer beaucoup plus de temps en voiture pour leurs trajets quotidiens ou pour se rendre à des rendez-vous…

Armelle Gallot-Lavallée : Les travaux de l’autoroute (qui s’achèvent ce vendredi 9 octobre, ndlr) ont énormément perturbé les choses et il est encore trop tôt pour tirer un bilan de la fermeture du Pont Wilson et de son impact sur les autres ponts. Il faut attendre que la circulation reprenne normalement, et on pourra faire un premier point dans deux ou trois semaines.

Christophe Boulanger : il y a d’autres possibilités, d’autres alternatives que de venir en voiture. Quand même, il y a certaines communes pas si éloignées depuis lesquelles on peut venir à vélo. Évidemment qu’il faudra qu’on offre de nouvelles possibilités et il faudra peut-être densifier le réseau de transports en commun. Nous allons vraisemblablement étendre à l’échelon métropolitain l’aide à l’achat de vélos (mise en place à Tours et Fondettes, ndlr) et nous allons proposer des vélos électriques à la location pour que les gens testent (via le service Vélociti).

« La voiture a sa place dans notre projet. »

Christophe Boulanger

A la lecture de l’actualité, on pourrait avoir l’impression qu’il n’y en a plus que pour le vélo…

Christophe Boulanger : On ne joue pas une mobilité contre une autre. Notre adversaire ce n’est pas la voiture mais l’autosolisme.

Armelle Gallot-Lavallée : En moyenne on compte 1,2 personne par véhicule dans les rues de Tours…

C B : Si on met en place des dispositifs d’autopartage ou de stop, les particuliers réussiront peut-être à remplir à s’organiser pour remplir leur voiture plus facilement.

A G-L : Le service de location Citiz ne fonctionne qu’avec 11 voitures quand il y en a près de 100 à Bordeaux. Il faut peut-être que l’on appuie ça sachant qu’aujourd’hui il n’est pas subventionné.

C B : La voiture a sa place dans notre projet. L’idée c’est de faire le rattrapage nécessaire pour les modes de transport qui ont trop attendu. Nous avons les mêmes ambitions sur les piétons : ce n’est pas si facile que ça de se déplacer à pied, certains itinéraires ne sont pas performants.

A G-L : Globalement à Tours on est très en retard sur les mobilités actives. Dans le quartier Cathédrale, c’est très difficile de marcher à pied et il y a plein d’autres rues comme ça. En 6 ans il faut se donner les moyens d’être en avance sur ces sujets-là.

C B : Il faut que l’utilisation de la voiture individuelle ne soit plus le modèle. Si on laisse à la voiture la place qu’elle a aujourd’hui, on pourra mettre tous les réseaux de stop ou d’autopartage qu’on veut, la facilité consistera toujours à emprunter une voiture personnelle. Mais si on met en place les dispositifs adéquats en face, il n’y a aucune raison que ça ne fonctionne pas. Avec les voies vélos, en septembre, on a +15% de cyclistes au cœur de la Métropole. C’est une réussite et la probabilité que ces gens continuent est forte.

A G-L : Aujourd’hui, la majorité des cyclistes qui empruntent le Pont Wilson le font du lundi au vendredi aux heures de pointe du matin et du soir. Ce ne sont pas des promeneurs. En 4-5 ans la tendance s’est complètement inversée.

C B : On regarde aussi la progression du vélo cargo. Pendant longtemps on a pensé qu’ils servaient à transporter des marchandises. On voit aujourd’hui qu’ils sont surtout utilisés par des parents qui emmènent leurs enfants à la crèche ou à l’école.

Pont Wilson mis à part, quel bilan tirez-vous des pistes cyclables mises en place depuis le printemps ?

Armelle Gallot-Lavallée : Nous aurons prochainement une réunion pour voir celles qu’on garde et ce qu’on modifie. Celle du Pont d’Arcole est un succès même s’il faut encore travailler sur ses accès.

Christophe Boulanger : Il faut qu’on retravaille sur l’adaptation routière car cet aménagement crée un bouchon dans le sens Sud-Nord. On pourrait sans doute ne garder qu’une voie dans le sens Nord-Sud afin d’en avoir deux de l’autre côté en direction de Tours.

Et la Rue des Tanneurs ? Les plots mis en place pour créer une piste cyclable viennent d’être retirés…

Armelle Gallot-Lavallée : On voulait limiter la congestion entraînée par les travaux de l’autoroute. On va refaire quelque chose mais sûrement autrement, peut-être via un marquage au sol. Il y a quand même 600 vélos par jour sur cet axe.

Le retour d’une navette Tours / SPDC semble compromis…

Votre délégation implique également des relations avec la SNCF et l’étude de sujets majeurs comme la desserte Tours / Saint-Pierre-des-Corps, l’idée de créer une halte ferroviaire au Carrefour de Verdun ou l’éventualité de rouvrir la gare de Fondettes. Où en sommes-nous de ces différents dossiers ?

Christophe Boulanger : C’est compliqué car sur ce point nous devons travailler avec la région qui entre en campagne (élections prévues en mars 2021, ndlr), nous aurons donc un interlocuteur peu actif dans les mois à venir. Néanmoins des études sont lancées et nous attendons les retours. Pour la gare de Fondettes c’est attendu dans les jours à venir et c’est un vrai sujet : je n’ai pas d’avis à priori mais je m’interroge sur l’attractivité de cette halte qui n’est pas forcément très bien positionnée. La majorité précédente envisageait une période test mais si la région n’augmente pas la desserte sur les lignes Tours-Le Mans et Tours-Châteaudun ce sera compliqué d’avoir des flux de voyageurs importants.

Et sur la liaison Tours / Saint-Pierre ?

Christophe Boulanger : C’est à la SNCF de proposer une offre qui fasse en sorte que chaque train qui arrive à Saint-Pierre-des-Corps ait une correspondance avec Tours et il faut qu’on soit exigeants là-dessus.

Armelle Gallot-Lavallée : Je prends souvent le train et ça s’est améliore sur ce point ces dernières années.

C B : Quant à imaginer une desserte sous forme de navette, il faudrait qu’elle serve à capter le public de Saint-Pierre-des-Corps. Aujourd’hui, on a déjà un tarif mixte SNCF – Fil Bleu sur cet axe (prendre le train revient au coût d’un ticket de bus et c’est gratuit pour les abonnés, ndlr) sauf qu’on n’observe pas de fréquentation particulière de la part des Corpopétrussiens pour aller à Tours. Avoir un cadencement s’il n’y a personne dans le train je ne vois pas trop l’intérêt. Il faut qu’on en rediscute mais tout cela relève un peu du mirage. On a déformé le rôle qu’on voulait donner à ce tronçon.

Où en est-on du projet de deuxième ligne de tramway ?

Christophe Boulanger : C’est certainement celui qui m’occupe le plus en ce moment. On est attaché à sa réalisation dans le tracé voté précédemment (La Riche-Chambray via le Boulevard Béranger) même si il ne faut pas s’interdire de réfléchir à un phasage de la réalisation. Je suis également attaché au planning pour une mise en service fin 2025. Malgré tout, le tracé dans la ville de Tours n’était pas aussi mature qu’à La Riche ou Chambray. Il a notamment fallu requestionner un certain nombre d’options sur la place laissée aux autres modes de transport (voitures, piétons, vélos). On a envie de changer des choses et on regarde si c’est viable ou pas. Cela concerne les Fontaines où le projet ne nous semblait pas assez ambitieux, le secteur des casernes Beaumont-Chauveau et le tracé entre la gare et Jean Jaurès. On aimerait bien simplifier tout ça : on en saura plus dans quelques semaines.

Tram vers l’aéroport : les études continuent

Une compensation pour Keolis ?

On l’a appris ces jours-ci : Orléans Métropole devrait compenser la baisse de fréquentation de son réseau de transports depuis le confinement. On parle de 5 millions d’€. Des négociations sont en cours avec l’entreprise Keolis qui gère les bus et trams de la capitale régionale. La filiale de la SNCF est également aux affaires à Tours. Selon Christophe Boulanger, il manque encore 10% des clients habituels sur les lignes de Fil Bleu mais il ne chiffre pas précisément les conséquences financières de cette année 2020. « Ça va coûter à la Métropole pour deux raisons : on a une perte de recettes sur les billets mais aussi de la part des entreprises qui paient le versement transports. On est en train de faire les ajustements budgétaires et de discuter avec Keolis qui – en face – a subi une baisse de ses charges d’exploitation. On espère par ailleurs que l’État va compenser une partie de la perte de taxe mobilité. »

L’association Aquavit vient d’être primée pour son travail sur la protection des arbres, notamment ceux du Boulevard Béranger en partie menacés par le chantier. Quelle est votre position sur le sujet ?

Christophe Boulanger : Nous sommes attachés à la sauvegarde du végétal et à la pérennité de l’allée arborée du Boulevard Béranger. L’option choisie pour le tramway nécessite d’abattre quelques arbres. On l’assumera : ça fait partie des avantages et inconvénients des grands projets de transport en commun.

Armelle Gallot-Lavallée : On regrette de devoir abattre des platanes en bonne santé mais si ça permet d’avoir des transports plus propres et de limiter la pollution… Nous prévoyons d’ailleurs de planter 30 000 arbres dans la ville pendant le mandat.

Qu’en est-il du projet de prolonger le tram A jusqu’à l’aéroport ?

Christophe Boulanger : On en est à la phase des études et il n’y a aucune raison de les arrêter ce qui ne veut pas dire qu’on réalisera le chantier. On ne prendra pas de décision tant que l’on n’aura pas une vision claire de ce qu’on fait du site aéroportuaire.

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