Béranger ou Jean Royer ? Fini les débats interminables ! Un an après l’officialisation du tracé de la ligne B du tramway de Tours, il est maintenant grand temps de trancher… Justement, les élus de la ville de Tours doivent se réunir ce lundi pour déterminer quel boulevard sera retenu pour accueillir des rails dans quelques années… Une décision qui se fera en commission générale, c’est-à-dire que tous les membres du conseil municipal pourront assister à la réunion mais pas le public, ni la presse. Un choix loin d’être anodin car la majorité du maire Christophe Bouchet est divisée sur le sujet…
On ne pourra pas reprocher à Tours Métropole et à la ville de Tours de ne pas avoir laissé de l’espace au débat sur la seconde ligne de tramway… Plus d’un an, dont un mois de consultation publique, pour discuter de l’opportunité de l’extension du réseau et des quartiers qu’il devait desservir. Nécessaire, démocratique et instructif. Tout le monde a pu s’exprimer, dont plus de 1 400 citoyennes et citoyens. Mais pour respecter l’objectif d’une inauguration en 2025 (déjà retardé par rapport aux premiers discours qui annonçaient 2023) il faut désormais accélérer le rythme… Car le chemin est encore long : études réglementaires, enquête publique, 3 ans de travaux… Autant d’étapes à franchir, autant d’épisodes qui peuvent apporter leur lot de rebondissements (recours, retards de chantiers…).
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Et pourtant la municipalité de Tours fait traîner les choses… Cela fait un mois et demi que la Métropole a pris acte des conclusions de la concertation et laissé le soin à sa ville centre de trancher à sa place entre un passage de la ligne B par le Boulevard Béranger, ou alors par le Boulevard Jean Royer.
Le choix aura un impact sur la campagne des Municipales 2020
Politiquement, le dossier est hyper sensible : élu il y a un an en cours de mandat, Christophe Bouchet joue la stabilité de sa majorité sur ce dossier. Plusieurs de ses membres, y compris titulaires de postes d’adjoints, sont favorables à l’option Jean Royer alors que le conseil métropolitain penche, lui, assez nettement pour Béranger. Pris entre les deux, le maire n’a jamais clairement fait part d’une préférence en public. Pourquoi ? Simplement éviter une scission qui n’aurait rien de bon alors qu’il va avoir besoin d’un maximum de soutiens politiques et humains pour mener sa campagne des Municipales 2020. Déjà fragilisé par les avancées limitées d’autres grands projets (comme Porte de Loire) il doit sortir renforcé par le dossier tram s’il veut maximiser ses chances de repartir pour un mandat avec la légitimité populaire.
La population, justement, elle se divise sur ce dossier du tramway… Plutôt favorable à la deuxième ligne, elle divague sur les options à privilégier, entre Béranger et Jean Royer. Les partisans qui communiquent le plus sont ceux privilégiant le scénario Royer : même si leur « pique-nique » organisé Place Jean Jaurès n’a réuni que quelques dizaines de personnes, ils s’appuient sur une pétition en ligne qui a dépassé les 2 000 signatures et exploitent la faille à fond jusqu’à réclamer un référendum municipal. Parmi leurs arguments : les avis laissés dans les registres papier lors de la consultation marqueraient une préférence pour Jean Royer.
Le tram une solution d’avenir ?
Si la majorité de la population semble favorable au principe de tramway, des voix s’élèvent néanmoins contre cette technologie lourde qui s’inscrit durablement et fixement dans la ville. Le Collectif C’est Au Tour(s) du Peuple (proche de la France Insoumise-NPA…) milite ainsi pour un tram-bus électrique sans rails. Une solution moins onéreuse et plus souple. Du côté de la Métropole, on regarde attentivement les nouvelles évolutions technologiques comme l’hydrogène afin de ne fermer les portes à aucune solution d’avenir.
Un tramway pour la ville de Tours ou pour la Métropole ?
Les pro-Royer ont donc prouvé une certaine capacité à se mobiliser, trouvant quelques relais politiques (l’ancien adjoint aux sports Xavier Dateu – qui a quitté la majorité et prépare une liste indépendante pour 2020 – ou encore Alain Devineau, l’un des artisans de la première ligne). Mais ce qui leur est reproché c’est d’avoir une réflexion plus municipale que métropolitaine…
Il est vrai que si l’on ne prend en compte que les frontières de la ville de Tours, le tracé Royer a des avantages : plus court de 2km, il coûte moins cher en irriguant plus de quartiers (Febvotte est ainsi pleinement intégré au réseau, alors qu’il est aujourd’hui très isolé). Oui, mais on ne fait pas une ligne pour une ville mais pour une agglomération toute entière, La Riche et Chambray étant les terminus annoncés. Et du point de vue de la population larichoise ou chambraisienne, devoir passer par la Place de la Liberté et changer de tramway pour rejoindre la gare de Tours ou le cœur de ville avec une perte de temps en prime ce n’est pas forcément séduisant.
Béranger ou Royer, le choix n’est pas anodin donc, d’autant plus que le projet porté par la Métropole va plus loin que la simple 2e ligne de tramway.
L’enjeu est en effet d’envisager les mobilités de demain, à l’horizon 2040-2050 avec la constitution d’un réseau complet. La Métropole a d’ailleurs lancé les études préalables des branches vers Saint-Cyr et Saint-Pierre-des-Corps. Une façon de rassurer les populations de ces villes (notamment Saint-Pierre), mais aussi d’anticiper. Philippe Briand, le président de Tours Métropole ne s’en est d’ailleurs pas caché : démarrer ces études doit permettre de ne pas perdre de temps et de rebondir sur une branche si jamais cela bloque sur une autre.
En clair, si des recours venaient à trop retarder le tracé de la deuxième ligne par Béranger ou Royer, la Métropole se laisse le choix de démarrer les travaux ailleurs, vers Saint-Pierre ou Saint-Cyr…
Christophe Bouchet en équilibre instable
Voilà donc pourquoi la décision prend autant de temps : quel que soit son choix, la ville de Tours va devoir largement le justifier, montrer que l’option qui a eu le dessus en commission garantira un succès à ce nouveau transport en commun dont l’objectif est quand même – ne l’oublions pas ! – de réduire la place de la voiture en ville en transportant un maximum de monde. Le verdict fera nécessairement des déçus qui n’hésiteront pas à se faire entendre avec leurs arguments, quitte à engager des recours pour retarder le projet, à défaut de l’annuler. De quoi en faire un thème central de la future campagne des Municipales.
Ce qui intrigue, c’est que le débat actuel ne se fait pas forcément sur des bases saines : plusieurs voix défendent davantage un intérêt particulier que général. C’est ainsi que certains se battent pour voir passer le tram devant chez eux (leur commerce, par exemple), quand d’autres font tout pour qu’il ne passe pas sous leurs fenêtres… Et les deux peuvent s’allier ! Autre exemple : on entend souvent dire que les manifestations organisées sur le mail du Boulevard Béranger ou du Boulevard Heurteloup pourraient disparaître avec un tram desservant ces axes… C’est faux, tout simplement : les rails empièteront sur la route et l’espace central sera préservé.
Casse-tête technique à la gare
En revanche, toute la question est de savoir si on fait plutôt passer les rails contre ce mail (à l’emplacement actuel des places de stationnement en supprimant la seconde rangée d’arbres) ou alors côté trottoir vers les habitations. Les visuels présentés dans le dossier de consultation laissent imaginer qu’ils seront situés au centre, mais pas sûr que ce soit définitivement tranché. En tout cas les pro-Royer n’ont pas manqué de saisir l’occasion pour estimer qu’abattre des arbres Boulevard Béranger serait purement et simplement illégal, en se référant à cette loi :
« Le fait d’abattre, de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres est interdit, sauf lorsqu’il est démontré que l’état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d’autres mesures.
Des dérogations peuvent être accordées par l’autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction. »
Donc comprenons-nous bien : oui l’abattage d’arbres est interdit mais Tours aura le droit de les couper si elle en reçoit l’autorisation par des instances supérieures qui estiment qu’un projet de tramway apportera plus d’avantages à la ville que le maintien d’une quarantaine d’arbres. Question d’interprétation, en fait. Mais les défenseurs des arbres avancent deux autres craintes : que la mairie préfère se ranger derrière l’argument des maladies pour dégager la voie au tram et, surtout, que l’abattage de ces arbres pourrait nuire à ceux encore en place au point de les fragiliser et, à terme, de les condamner. On notera qu’à Strasbourg un tram longe actuellement un mail arboré depuis un bon moment, et que jusqu’à preuve du contraire les arbres sont encore en place.
L’autre écueil technique qui pose question avec un passage du tram en cœur de ville c’est la façon dont la ligne B se raccorderait avec la ligne A à la gare. Il est question de faire passer les rails Boulevard Heurteloup puis de bifurquer sur la Place du Général Leclerc pour rejoindre la station Gare de Tours. Problèmes avancés : les virages seraient délicats, il y a un parking souterrain juste en dessous, et sa sortie pourrait se trouver pile dans l’axe du tracé… Il faut bien reconnaître que pour l’instant aucune solution n’a été présentée pour résoudre ce qui représente un beau casse-tête et fait craindre au passage aux dirigeants du Grand Hôtel (qui vient d’obtenir sa 4ème étoile) des nuisances sonores à cause des virages. Au passage, selon les pro-Royer ces virages sont plus nombreux avec l’option Béranger… C’est exact, mais seulement si l’on prend en compte ceux nécessaires pour passer Place Jean Jaurès (dont la traversée représente également un défi de construction).
Et la fontaine de la Place du Général Leclerc ?
Les pro-Royer s’inquiètent aussi pour elle… Mais son sort est peut-être déjà scellé, avant même le passage de la seconde ligne de tramway. On se souvient ainsi qu’au printemps la ville de Tours réfléchissait à son avenir à cause de son mauvais état (verre fendu…) et d’infiltrations d’eau dans le parking situé juste en dessous.
L’Université de Tours se pose aussi des questions sur l’impact qu’aurait le tram pour son site du Plat d’Etain (craignant par exemple pour la démolition de bâtiments). C’est un fait : il sera impacté car la ligne B traversera la rue du même nom. Et ce quelle que soit le tracé retenu… D’ailleurs, contrairement à ce que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, la fac ne se positionne pas clairement pour Jean Royer. Quant au futur quartier des casernes, le tracé Royer pourrait lui être plus favorable mais dans les deux cas il se retrouvera à proximité d’une station. De toute façon on ignore encore quel visage il aura, et ce ne pourra pas être le cas avant la fin des fouilles archéologiques qui doivent durer de longs mois sur ce terrain abritant les vestiges d’une abbaye du XIe siècle.
Le tram par Béranger pour desservir les nouvelles Halles
Autre critique entendue : à quoi ça sert de faire passer le tram devant l’hôpital Clocheville Boulevard Béranger alors qu’il est amené à fermer ? Bonne question… En effet le CHU prévoit de regrouper ses activités sur deux hôpitaux à l’horizon 2026 (à peu près en même temps que l’entrée en service de la ligne B) avec à terme une fermeture de Clocheville. Cependant, rien ne dit que l’actuel hôpital pédiatrique restera une friche. Si bien situé, ça semble d’ailleurs impossible. Qu’est-ce qu’il s’y fera ? Il est forcément trop tôt pour répondre et cela prendra sûrement des années, mais on peut raisonnablement imaginer des logements, des bureaux ou autres activités pour lesquelles la présence d’un tramway serait pertinente.
Royer moins cher !
C’est l’un des principaux arguments des défenseurs de cette option, et ils ont parfaitement raison puisque faire ce choix pourrait réduire nettement la facture, peut-être jusqu’à 50 millions d’euros. Néanmoins, dans le cas d’un passage par Béranger, la SNCF serait prête à mettre de l’argent sur la table (sans que l’on connaisse l’ampleur de la participation). Peut-être que d’autres mécènes ou collectivités seront aussi plus généreuses pour soutenir un grand pôle en centre-ville ? Alors vaut-il mieux un trajet moins cher mais moins subventionné ou un chantier plus onéreux mais bien soutenu permettant à la Métropole de réduire sa participation ? C’est une équation comptable.
Dernière chose, et non des moindres… Cela n’a pas été présenté comme ça officiellement mais le maire de Tours a une autre carte dans sa poche s’il choisit de privilégier Béranger : son projet de restructuration des Halles, pensé pour en faire le 1er pôle touristique de la ville… Annoncé il y a seulement quelques jours, il a globalement impressionné. Le placer à moins de 500m d’une station de tram se défend. D’autant que l’achèvement des travaux est imaginé pour… 2025.
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