Classes à horaires aménagés de Tours : un bras de fer intense depuis plus de deux mois

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C’est un sujet qui ne touche que quelques centaines de familles sur les milliers d’enfants scolarisés à Tours. Pourtant, depuis fin octobre, le projet de réforme des classes à horaires aménagés musique et danse (CHAM et CHAD) connait une mobilisation sans précédent depuis longtemps dans le milieu local de l’éducation. Alors qu’une réunion au plus haut niveau est prévue ce lundi 8 janvier, retour sur un conflit aux enjeux plus grands qu’on ne peut le penser.

Rappel des faits : à Tours, le Conservatoire à Rayonnement Régional abrite dans ses locaux des collégiennes et collégiens qui ont des horaires aménagés afin de pratiquer intensément la danse ou l’apprentissage d’un instrument de musique. Ce dispositif proposé dans plusieurs villes de France permet donc un emploi du temps différent des autres élèves dans le but de favoriser les pratiques artistiques. Pour simplifier l’organisation, les cours de français maths ou histoire-géo avaient lieu jusqu’ici à proximité immédiate des salles où les jeunes pratiquent leur passion, avec un rattachement au lycée Paul-Louis Courier. Mais à la rentrée 2024, les futurs entrantes et entrants en CHAM-CHAD seront rattachés à deux autres établissements : Michelet au Sanitas et le collège Anatole France situé sur les bords de Loire.

Voulue par l’Education Nationale, cette réforme a pour objectif affiché de favoriser la mixité entre enfants, afin de respecter les circulaires ministérielles. L’idée c’est que les élèves des CHAM-CHAD ne soient plus en vase clos autour du Conservatoire mais cohabitent avec les autres jeunes de leur âge, notamment lors des récréations, par exemple.

Officialisée au moment des vacances d’automne 2023, la nouvelle a immédiatement suscité une levée de boucliers des familles, soutenues par des élus mais aussi des artistes, via une tribune (l’humoriste Tourangeau Thomas VDB – issu de ce dispositif – l’a par exemple signée). En deux mois et demi, la pétition publiée sur le site change.org a totalisé plus de 5 700 soutiens. C’est énorme pour une mobilisation tourangelle, et par exemple bien plus que les pétitions lancées chaque début d’année contre des fermetures de classe, y compris lorsque celles-ci ont lieu en milieu urbain. Plusieurs rassemblements ont également eu lieu en centre-ville, dont le dernier le 18 décembre.

« Alors que rien n’a encore été organisé pour l’accueil des futurs élèves de 6e CHAM et CHAD en septembre 2024, élèves, parents d’élèves, professeurs du CRR et de l’Éducation Nationale ont reçu l’information de cette fermeture sans aucune consultation préalable » dénonce notamment la pétition originelle.

« L’enseignement d’excellence au Conservatoire ne saurait être sacrifié sur l’autel de la démagogie. Il ne faut pas opposer les différentes formes de culture. La richesse culturelle se nourrit de la diversité et de la promotion de toutes les formes d’art. Nous ne pouvons tolérer le déclin de Tours, ville d’art et de musique, qui risque dorénavant de voir partir nos talents vers les villes voisines » écrivait pour sa part le groupe d’opposition Tours Nous Rassemble début novembre, en accusant la mairie d’être à la manœuvre (alors qu’elle n’est pas décisionnaire dans ce dossier, même si le Conservatoire fait partie de son patrimoine)

Même le syndicat FO37 a soutenu l’action de protestation le 22 décembre, portant le débat à l’échelon supérieur en accusant la politique d’Emmanuel Macron d’être à l’origine d’une casse d’un acquis social.

Ce qui est notamment critiqué avec cette nouvelle organisation c’est le fait que les enfants seront amenés à faire des trajets plus longs entre leurs établissements de rattachement et le Conservatoire, le tout chargé de leur matériel potentiellement volumineux (une guitare, par exemple). Pour prendre en considération cette difficulté, des aménagements d’emplois du temps ont été envisagés pour éviter – par exemple – d’incessants allers-retours. Pas de quoi calmer les familles.

La mobilisation est telle que même la majorité municipale de Tours – tout en encourageant l’objectif de renforcement de mixité – a fait part de son scepticisme sur la façon dont le projet était mené. « Nous n’accepterons pas de déstabilisation de l’établissement » a ainsi tonné le maire Emmanuel Denis lors du dernier conseil municipal, demandant davantage de précisions au directeur départemental de l’Education Nationale.

Alors qu’une nouvelle réunion est prévue ce 8 janvier, jour de rentrée scolaire, on se demande bien à quoi ressemblera le plan définitif de la rentrée… ce qui inquiète les familles candidates à l’entrée dans le dispositif, les examens ayant lieu au printemps. Mais en face, ce combat ressemble un peu à celui d’une certaine frange de la bonne société tourangelle qui fait jouer au maximum ses influences pour ne rien changer. Et c’est un peu ce que pensent des enseignants d’Anatole France qui ont cassé l’unanimité apparente fin novembre.  

« Depuis le lancement de la pétition chaque jour est une nouvelle humiliation pour nous, pour nos élèves et leurs familles » écrivent-ils. « Nos élèves, de toute origine sociale et culturelle, gâtés ou non par la vie, n’ont-ils pas le droit d’avoir, parmi leurs camarades, de futurs chefs d’orchestre, de futures directrices de centre chorégraphique ou musiciens professionnels ? Ces artistes en devenir n’ont-ils pas besoin d’apprendre, lorsque cela leur est encore possible, c’est-à-dire à l’école, eux-aussi des différences de tous les autres ? Faut-il qu’ils soient élevés dans l’enceinte du conservatoire pour devenir, pour ceux qui continuent la musique ou la danse après la troisième, de grands professionnels ? Cela ne semble pas être le cas, pour 99 % des CHAM/CHAD de France » argumente le collectif.

« Nous demandons à ce que l’art soit ce qu’il devrait être : fédérateur, émancipateur et non nouvelle source de ségrégation » conclut le texte qui donne donc un autre point de vue et appelle, en substance, l’Inspection d’Académie à ne pas céder face aux pressions. Les événements des prochaines semaines nous diront qui gagne le bras de fer.

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