C’est la principale information de la fin d’année dans la métropole de Tours : après d’intenses semaines de consultations, la commission qui a réalisé l’enquête publique sur le projet de 2e ligne de tram donne un avis favorable au chantier. Avec réserves, certes. Mais un avis favorable. Alors que les oppositions font rage depuis des années, voilà de quoi donner le sourire à des élus qui espèrent toujours lancer les travaux pour le 1er juillet 2025.
Construire une ligne de tramway c’est pire qu’un marathon ou une course d’obstacles. C’est le parcours du combattant de Koh Lanta alors qu’on n’a pas mangé depuis 16 jours et qu’une tempête vient de se lever. Et s’il faut bien reconnaître une chose à Emmanuel Denis, Frédéric Augis ou Christophe Boulanger, c’est que les principaux élus à la manœuvre pour le projet de 2e ligne de tram de l’agglo de Tours ont serré les dents sans jamais se décourager. Du moins lors des prises de parole officielles.
Quand on a appris que la commission ayant mené l’enquête publique sur la ligne La Riche-Chambray donnait un avis favorable au chantier, on a imaginé leur tête. Un peu celle qui signifie « tu vois, je te l’avais bien dit qu’on y arriverait. »
Malgré le scepticisme politique ambiant, malgré 50% de contributions négatives sur le tram pendant l’enquête publique, malgré une série de réserves et malgré des doutes sur l’impact économique du projet, les commissaires estiment que la ligne B du tram de Tours a plus d’avantages que d’inconvénients. « C’est la validation d’un travail lourd, cela montre que nos hypothèses de travail sont réalistes » résume le maire de Chambray-lès-Tours Christian Gatard, par ailleurs chargé de monter le dossier financier.
« L’immensité de tous les gains économiques, sociaux et environnementaux font que l’avis est favorable. Il y a forcément des contraintes générées par ce type de projet mais c’est la démocratie. L’intérêt général est démontré » avance pour sa part le maire de Tours Emmanuel Denis. Autrement dit, les fortes oppositions ne suffiront pas à damer la motivation politique majoritaire. Même la quasi-certitude d’avoir des recours à affronter n’effraie pas celui qui est aussi vice-président de la Métropole chargé des mobilités et président du Syndicat des Mobilités de Touraine :
« A partir du moment où on a la déclaration d’utilité publique de la préfecture, ils ne seront pas suspensifs. On doit se préparer à y répondre mais ils n’empêcheront pas les travaux. »
Cette DUP est espérée au printemps 2025, après la remise d’un dossier réactualisé. Dans ce document, le Syndicat des Mobilités de Touraine fera en sorte de répondre aux différentes inquiétudes exprimées par le rapport d’enquête publique (la garantie d’une collecte de déchets pour tous les riverains du tram, rassurer sur l’absence de dérapage du budget ou encore l’assurance de réduire au maximum les expropriations).
Il justifiera aussi ses choix de passer outre certaines recommandations. Par exemple, il promet des études pour tenter de sauver des arbres du Boulevard Jean Royer ou envisager la faisabilité d’une voie unique entre le CHU Trousseau et la Papoterie au sud de Chambray. Cependant, quand on écoute les élus, on comprend bien qu’ils ne comptent pas trop revenir sur ses plans initiaux. « La capacité de sauver l’alignement d’arbres est très faible sur Jean Royer » nous dit-on. Quant à la Papoterie, « la voie unique ne divisera pas le coût de 35 millions d’€ par deux. Et cela générera des contraintes d’exploitation. »
Si ces arguments passent auprès des représentants de l’Etat, alors le chantier commencera comme prévu à la mi-2025, pour une mise en service de la 2e ligne espérée à l’horizon 2028-2029, 11 ans après la première grande réunion officielle de lancement du projet. 11 ans. Quasiment deux mandats de maire. Une éternité. Pourtant, incroyable mais vrai, Emmanuel Denis trouve une parade rhétorique pour voir le verre à moitié plein :
« Il y a eu un retard car il faut prendre les bonnes décisions pour avoir un résultat positif mais cela n’a pas renchéri le coût du projet. Au contraire. Si on avait commencé les travaux il y a deux ans comme prévu on aurait emprunté à des taux plus élevés qu’aujourd’hui. »
Et d’espérer que dans quelques années, plus personne ou presque ne viendra ronchonner sur ce tram B. Comme pour la ligne A qui fait quasiment l’unanimité, et porte un réseau de transports en commun où les records s’enchaînent (44 millions de voyages annoncés en 2024, +6% par rapport au précédent record de 2023).
C’est indéniable. A l’heure d’écrire ces lignes, l’horizon semble relativement dégagé pour le tram de Tours. Et les soutiens du projet ont raison de s’en féliciter. Est-ce pour autant une victoire ? Premièrement, il faudra au moins attendre 2030 et les premiers chiffres consolidés de fréquentation pour le dire. Deuxièmement, on ne peut pas ignore que l’interminable débat sur ce projet aura ostensiblement mis en avant la complexité de faire avancer des projets d’ampleur sur le territoire.
Oui, le tram B est en passe de sortir de terre. Mais à côté de ça on est toujours incapable de trouver une vraie solution pour la gestion des déchets non recyclables. On n’a jamais réussi à travailler sérieusement sur la construction d’un complexe sportif d’un nouveau genre type Arena et on patine sur le sort de la piscine de St-Pierre-des-Corps. De plus, les débats interminables sur le tram ont tendu la vie politique locale à un point assez hallucinant, créant en prime de forts ressentiments dans des communes comme Saint-Pierre-des-Corps et Saint-Avertin, où l’on s’est senti délaissé ou floué.
Comment recoller ces morceaux ? Comment réussir à retrouver de la concorde sur les enjeux majeurs du territoire ? Le tout sans mettre une décennie à boucler les dossiers. Ce sera immanquablement l’enjeu du mandat qui s’ouvrira à partir de 2026, en plein milieu des travaux du tram et alors que la Métropole aura encore de vastes défis à relever. Les élus seraient avisés d’y réfléchir. Apprendre des errements du tram pour mieux faire infuser les grands enjeux de demain. Sans compromis avec riverains et oppositions c’est encore le culte de la défiance qui l’emportera. Et ça nous inquiète.