« Au sommet de l’Etat, la détresse des jeunes et des familles n’est pas entendue »

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Cela fait plus de 8 mois que la France affronte la crise du coronavirus avec de multiples conséquences sociales (entreprises fermées, offres d’emploi plus rares, plans sociaux en cascade). C’est dans ce contexte pour le moins tendu que l’Observatoire des Inégalités qui est basé à Tours publie son 2e rapport sur la pauvreté dans notre pays. Les chiffres datent de 2018 mais au fil des pages, autrices et auteurs font de multiples références à la situation actuellement, affichant au grand jour leurs craintes pour l’avenir.

« Nous constations notre impuissance à infléchir le cours des choses. Peut-être qu’on prêche dans le désert, nos alertes ne sont pas forcément entendues au plus haut sommet de l’Etat mais au moins on pose les éléments du débat » : voilà ce que dit Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des Inégalités, quand on lui demande d’analyser l’évolution de la situation entre la publication de son premier rapport sur la pauvreté en France et la sortie du 2e épisode cet automne. Deux ans se sont écoulés… et les chiffres se sont dégradés. Désormais on compte 5,3 millions de personnes gagnant moins de 885€ par mois dans notre pays (après paiement des impôts et versement des prestations sociales) alors que l’on était encore sous le seuil des 5 millions lors de la précédente édition de l’ouvrage.

Ainsi, 8,3% de la population est pauvre d’après le seuil retenu par l’Observatoire des Inégalités, c’était 7,9% en 2013. Pour les jeunes de moins de 30 ans, ce taux est passé de 8 à 13% de 2002 à 2018. 25% chez les chômeurs. Les moins de 30 ans représentent 52% des pauvres. 60% des pauvres sont ouvriers ou employés, 80% ont « au mieux » le bac comme diplôme. En Centre-Val de Loire, le taux de pauvreté est plus bas que la moyenne du pays (7,4% soit 188 000 personnes). Néanmoins, 6 régions ont un bilan encore moins élevé.

Une forte hausse des allocataires du RSA

« Il n’y a pas d’explosion des chiffres mais une augmentation sensible » analyse Anne Brunner, co-rédactrice du rapport qui relève aussi que « le système social français est performant, bien plus que dans d’autres pays, il évite la pauvreté à 5 millions de personnes. » Pourtant, l’Observatoire des Inégalités estime que l’Etat ne va pas assez loin dans ses actions. Surtout à l’aune de la situation actuelle… « La réaction des pouvoirs publics est décalée par rapport à la réalité sociale » s’agace Louis Maurin qui a dirigé les travaux autour du rapport. Les données ne sont pas encore confirmées mais il estime que 200 000 personnes supplémentaires vont toucher le RSA à court terme soit une augmentation de 10% (qui se confirme déjà en Indre-et-Loire selon les chiffres du Conseil Départemental qui verse cette allocation). Le RSA, c’est à peine 500€ donc bien en dessous du seuil de pauvreté dont on parle dans cet article…

« Au sommet de l’Etat, la détresse des jeunes et des familles n’est pas entendue » peut-on lire dans les premières pages du dossier de l’Observatoire des Inégalités qui fait une proposition : créer un Revenu Minimum Unique (et non pas universel, comme proposé par Benoit Hamon lors de la dernière campagne présidentielle). Ce serait une revalorisation du RSA ou de l’ASS versée aux chômeurs en fin de droits qui serait fixée à environ 900€ « pour éradiquer la pauvreté. » D’autres structures comme le Secours Catholique ont fait des propositions similaires. L’idée serait qu’elle soit également versée aux moins de 25 ans qui n’ont pas accès au RSA aujourd’hui. Ou alors au moins aux plus de 21 ans.

Un débat national réclamé

« 7 à 10 milliards d’€ suffiraient pour mettre cette mesure en place. 10 milliards ça représente la moitié des recettes fiscales correspondant à la suppression de la taxe d’habitation. C’est une question de choix » expose Louis Maurin qui demande un débat national sur cette proposition, « pas une recette miracle » mais déjà un moyen pour amortir les inégalités.

Le directeur de l’Observatoire des Inégalités constate d’ailleurs que ce seuil de 900€ est celui retenu par le gouvernement pour l’aide en cours de création pour les travailleurs précaires qui ont perdu leurs revenus à cause des restrictions sanitaires appliquées au cours de cette année 2020. Néanmoins, il s’agit seulement d’un soutien à court terme pour le moment (jusqu’en février 2021). Les difficultés économiques étant amenées à durer, il faudra sans doute activer d’autres leviers sous peine de découvrir un tableau encore plus alarmant lors de la prochaine publication de la structure tourangelle.

La ville de Tours intéressée par l’idée

Lundi dernier en conférence de presse sur les mesures de solidarités mises en place par la ville de Tours, le maire Emmanuel Denis s’est dit intéressé par l’idée d’un « revenu minimum social ». « C’est une idée à explorer et je souhaite travailler avec l’Observatoire des Inégalités à ce sujet. Je vais demander à rencontrer Louis Maurin pour aborder le sujet » a-t-il notamment indiqué, tout en précisant sa volonté que la ville soit « moteur en terme d’expérimentation », si cela devait voir le jour.

Photo : queue devant les Restos du Coeur à Tours, le 25 novembre 2020 (c) Pascal Montagne


Un degré en plus :

Le rapport de l’Observatoire des Inégalités sur la pauvreté en France est disponible sur son site, www.inegalites.fr.

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