Après les émeutes, émotion et communion devant les mairies tourangelles

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Mardi 27 juin Nahel est mort tué par un policier à Nanterre, près de Paris. Le décès de ce jeune de 17 ans a entraîné des violences dans de nombreux quartiers sensibles du pays, n’épargnant pas l’Indre-et-Loire. Résultat : des poubelles et voitures brûlées à Tours, Joué, La Riche, Amboise et St-Pierre-des-Corps. Mais, surtout, de nombreux symboles de l’Etat attaqués : commissariats, mairies… jusqu’aux effets personnels de maires (les voitures des premiers magistrats de La Riche et St-Pierre-des-Corps).

Face à ces agressions, également observées ailleurs en France, l’Association des Maires d’Indre-et-Loire appelait à des rassemblements devant toutes les mairies ce lundi à midi. Reportage.

« Bon, on fait quoi maintenant ? » Flanqué du préfet Patrice Latron et du président du Conseil Départemental Jean-Gérard Paumier, Emmanuel François s’interroge. Comment conclure ce rassemblement citoyen pour dénoncer la dégradation de biens publics suite à la mort de Nahel ? La Marseillaise parait alors évidente au maire de St-Pierre-des-Corps. Elle précédera une réponse aux questions d’une équipe de TF1 et une discussion avec sa prédécesseuse Marie-France Beaufils, restée 37 ans à la tête de la ville et qui tenait à marquer son soutien.

A n’en pas douter ce moment restera un moment fort du mandat d’Emmanuel François. Affublé de son écharpe tricolore, l’élu n’a pas pu retenir ses larmes. Certes l’entrée de sa mairie a été saccagée durant les émeutes de la fin de semaine dernière. Certes le passage Chabrier et la médiathèque ont été noircis par les flammes. Mais il a également été personnellement visé avec une destruction de sa voiture sous ses yeux jeudi soir (les images ont beaucoup tourné sur Twitter).

Le maire le précise au micro : « A aucun moment ils n’ont porté atteinte à mon intégrité physique, c’est le symbole qu’ils visaient. Le véhicule du maire. » Mais il retient un moment « très difficile », « quand mon épouse a entendu avec son propre téléphone ‘Le maire ! Le Maire ! Il est mort !’. » Les applaudissements durent longtemps. L’opposition est là, et chaleureusement remerciée pour avoir éteint l’incendie de la médiathèque avec des jeunes. Au total on compte près de 300 personnes. Beaucoup de médias locaux et nationaux. St-Pierre-des-Corps fait partie des communes symboles de cette violence déchaînée contre les symboles de la République.

En aparté, le président du Conseil Départemental rappelle que c’est déjà la 3e fois qu’un tel rassemblement se tient devant cette mairie depuis qu’Emmanuel François en a pris les commandes. Lui-même élu sur le canton corpopétrussien, et riche d’une longue carrière politique, Jean-Gérard Paumier assure qu’il n’a « jamais vu ça : c’est triste à pleure », et la communiste Marie-France Beaufils abonde, affirmant que c’est pire que les événements de 1996 ou les émeutes de 2005.

Dans son discours Emmanuel François remercie la police, la gendarmerie, le préfet, les renforts de pompiers venus de Savigné-sur-Lathan ou Langeais, à plusieurs dizaines de kilomètres. Sans oublier les élèves du Centre de Formation des Apprentis qui ont aidé à poser des planches pour remplacer les vitres brisées, « un vrai moment de réconfort ». « On va y arriver, il est hors de question de céder » souligne l’élu fortement malmené depuis 3 ans mais bénéficiant aujourd’hui de la concorde républicaine, quels que soient les désaccords sur les idées et les actes municipaux.

« Ce sursaut républicain quasi spontané est important » souligne auprès de nous le préfet Patrice Latron. « Cela montre que le fond du pays condamne cette violence absurde » poursuit-t-il. A La Riche, ce sont une centaine de personnes qui ont répondu au même appel. Si la nuit de dimanche à lundi y a été calme, beaucoup se disent choqués de la violence des soirées précédentes avec des voitures brûlées mais aussi des attaques de commerces (supermarché, boulangerie, notaire…) ou des destructions sur des bâtiments publics comme la médiathèque, le commissariat municipal et directement le maire de la ville, Filipe Ferreira-Pousos : sa voiture, pourtant garée dans le jardin de son domicile, a été incendiée samedi soir suite à un jet de cocktail Molotov.

Dans l’assemblée, beaucoup faisaient part de leur incompréhension.  « On ne comprend pas pourquoi on s’en prend aux élus locaux qui œuvrent chaque jour pour les habitants » entend-on ainsi de la part d’une habitante. Filipe Ferreira-Pousos, déjà ciblé par des menaces de mort lors de la nuit de mercredi à jeudi, a été placé sous protection policière depuis ce week-end. Ce dernier, les traits tirés, se dit fatigué mais confie également garder le moral. Lors d’une courte prise de parole il remercie les agents « qui ont œuvré depuis 4 jours à faire en sorte que la ville ne ressemble pas à un champ de bataille ».

Filipe Ferreira-Pousos qui a également remercié les présents, parmi lesquels des membres de son équipe municipale, des élus de l’opposition, Sébastien Clément, Armelle Audin, l’ancien maire de la ville Alain Michel ou encore la députée du secteur Fabienne Colboc :

« Il y a beaucoup d’incompréhension. Les gens sont émus de la mort de Nahel, mais ils sont inquiets de ces émeutes. Il faut rappeler que la justice a tout de suite été opérante, il faut attendre ses conclusions. Cela ne sert à rien de s’en prendre aux bâtiments publics. Aujourd’hui tout est mélangé, il faut restaurer plus de fermeté et d’autorité dans un premier temps. Beaucoup s’interrogent de voir ces jeunes dehors, notamment les mineurs. Dans un second temps, il va falloir trouver des solutions ensemble, parents, éducateurs, associations, pouvoirs publics… pour revenir à de l’apaisement. »

Ce mardi, 4 élus d’Indre-et-Loire feront partie de la délégation de maires reçus par Emmanuel Macron à l’Elysée pour marquer le soutien de l’Etat devant ces communes meurtries. Les maires de La Riche et St-Pierre-des-Corps, donc, mais aussi ceux de Tours et Joué-lès-Tours, Emmanuel Denis et Frédéric Augis. Ils pourraient bénéficier de fonds de Paris pour réparer les dégâts, le préfet tourangeau se dit en tout cas prêt à débloquer des subventions. Il le fera aussi pour les commerces, « la priorité ». Une réunion sur le sujet a justement lieu ce lundi après-midi.

Olivier Collet avec Mathieu Giua

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