Aéroport de Tours : les écologistes tentent un coup de pression politique

Facebook
Twitter
Email

Début juillet, le syndicat mixte gérant l’aéroport de Tours doit se réunir pour évoquer l’avenir de la plateforme tourangelle, et surtout celui de son gestionnaire. En place depuis 2010, la société Edeis est mise en concurrence avec Sealar qui exploite déjà plusieurs sites du Grand Ouest. Elle espère rempiler pour une décennie, et atteindre l’objectif des 400 000 passagers annuels (deux fois plus que la meilleure fréquentation observée jusqu’ici). Un scénario qui serait trop gourmand en subventions publiques selon le parti EELV qui espère encore faire bouger les lignes pour éviter de prolonger un mode de fonctionnement qu’il estime inefficace.

En 2022, la Chambre Régionale des comptes publiait un long rapport sur l’économie de l’aéroport de Tours. un texte presque plus sévère que les discours les plus enlevés des politiques de Touraine quand ils et elles font part de leur scepticisme sur le mode de fonctionnement de la plateforme. L’institution démontre par exemple que l’impact économique de l’aéroport tourangeau est le plus faible parmi tous ceux qu’elle a étudiés (Pau, Biarritz, Perpignan et même Bergerac). Si les retombées pour le territoire sont estimées entre 17 et 20 millions d’€, le rapport estime que l’absence de trafic passager ne ferait perdre « que » un million d’€ au territoire. La raison : 70% du trafic se fait au départ de Tours, il n’y a donc que 30% de touristes ou voyageurs d’affaire qui viennent chez nous. Et dans ce groupe, 70% auraient maintenu leur séjour même sans liaison avion directe vers l’Indre-et-Loire (chiffres extraits d’études économiques).

Un rapport de 80 pages listant les échecs de l’aéroport

Le texte estime également que le schéma actuel (avec près de 3 millions d’€ annuels provenant des collectivités) est voué à rester déficitaire. De quoi conforter les arguments du parti EELV, opposant historique aux forts investissements publics vers l’aérien, en particulier pour financer des lignes de compagnies à bas coûts. En ce mois de juin 2023, les écologistes tourangeaux publient à leur tour un rapport : 80 pages pour refaire tout l’historique de l’aéroport de Tours en remontant jusqu’aux années 50. « Depuis on a changé ni de discours, ni d’objectif, ni trouvé la capacité à être en autonomie financière » analyse Christophe Boulanger, élu de Tours Métropole, président du Syndicat des Mobilités. Il ajoute : « Déjà à ce moment-là la Chambre de Commerce et d’Industrie reconnaissait que l’aéroport ne pourrait jamais vivre sans le financement des collectivités. »

De fait, la déclaration a été prémonitoire, la CCI laissant les collectivités locales gérer toutes seules depuis son retrait pour raisons financières en 2020. « Un cas quasiment unique en France, et la preuve qu’elle ne croit pas en le potentiel économique de l’aéroport » nargue Christophe Boulanger. Avec son travail, EELV espère enclencher un « vrai débat » public sur l’aérien en Touraine. Par là, il veut dire avec des points d’ordre du jour dans les réunions du conseil métropolitain, pas des échanges informels : « C’est toujours nous qui provoquons le débat, il n’y a pas de transparence » relève l’élu.

Peu d’impact économique réel sur l’économie locale

S’ils ne remettent pas en cause l’existence d’une plateforme aérienne en Indre-et-Loire – ne serait-ce que pour maintenir les vols dédiés aux greffes pour le CHU de Tours – les écologistes se disent partisans d’une structure ramenée au strict minimum : « Les avions pour les greffes ont besoin d’une piste deux fois moins longue. Sur l’espace libéré, on pourrait aménager des panneaux photovoltaïques » suggère Philippe Geiger, adjoint au maire à Tours. Un scénario semblable à celui de Saint-Etienne, où les vols sanitaires ou d’affaires se poursuivent, mais où le trafic passager est supprimé (le site continue néanmoins de coûter 1 million d’€ par an aux collectivités, « en fonctionnement et investissement, alors que Tours c’est 3 millions juste pour le fonctionnement, et 20 à 34 millions d’investissements envisagés dans les prochaines années » plaide EELV).

« On est dans un dispositif à la dérive, qui n’est pas maîtrisé. On s’obstine dans une stratégie qui ne marche pas » raille encore Christophe Boulanger qui estime qu’une cinquantaine de millions d’€ d’argent public ont été engloutis ces 13 dernières années. Une paille par rapport à de gros projets locaux comme un tramway (500 millions d’€ pour la première ligne) ? « Mais c’est uniquement pour du fonctionnement, et avec le tram l’intérêt pour le territoire est avéré, avec des études sur l’impact » argumente l’élu. « La Loire à Vélo rapporte bien plus à l’économie. La région Centre-Val de Loire vient de publier un rapport évaluant ses retombées à 55 millions d’€ en 2022 » répond pour sa part la conseillère régionale Betsabée Haas. « Et dans le rapport sur la stratégie touristique du département il est écrit clairement que l’aéroport n’apporte rien au tourisme en Indre-et-Loire » complète la conseillère départemental Sabrina Hamadi.

« On s’accroche à un mythe. »

Dégainé à un mois de l’échéance sur le renouvellement de la Délégation de Service Public, le rapport d’EELV a néanmoins assez peu de chances de faire bouger les lignes. Le président du SAMADAIT Bruno Fenet est plutôt dans une optique d’extension du trafic passager. Et même si de nombreux élus – y compris de droite – dénoncent le modèle subventionnant Ryanair, il est probable que la compagnie irlandaise continue de recevoir indirectement de l’argent des collectivités. Des sommes d’ailleurs qualifiées d’illégales par les écologistes qui n’excluent pas – à terme – de saisir la commission européenne pour le faire reconnaître et stopper le processus. Une procédure forcément longue mais qui pourrait faire revenir dans les caisses 36,5 millions obtenus par Ryanair (La Rochelle a réussi à en récupérer plus de 8 après un recours).

En attendant, ce sont toujours une quinzaine de Boeing 737 qui décollent chaque semaine de Tours-Nord. Des avions remplis à plus de 90% en moyenne, chaque siège occupé coûtant une quinzaine d’€ au contribuable. Un confort pour qui utilise le service. Un fardeau financier et un non sens écologique d’après les Verts qui voudraient faire entendre plus largement leurs opinions : « Ce n’est pas possible qu’une collectivité s’engage sur dix ans sans débat. On s’accroche à un mythe » conclut Christophe Boulanger.

Un degré en plus :

Le rapport d’EELV37 sur l’aéroport de Tours est disponible via le site Internet du parti.

Facebook
Twitter
Email

La météo présentée par

TOURS Météo

Inscription à la newsletter